Le désormais ancien président du conseil d’administration de Nissan et de Mitsubishi et pilote de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, Carlos Ghosn, a été arrêté le 19 novembre par la justice japonaise pour soupçons de malversations. En attendant les conclusions de la procédure judiciaire, voici ce que l’on sait de l’affaire impliquant l’emblématique homme d’affaires libano-franco-brésilien.

Carlos Ghosn
Carlos Ghosn Yoshikazu Tsuno/AFP

Ce qui est reproché à Carlos Ghosn

Le PDG de Nissan, Carlos Ghosn, est soupçonné, avec l’aide d’un autre administrateur de l’entreprise, Greg Kelly, d’avoir « conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015 », selon le parquet japonais. Alors que certains médias internationaux parlent de “fraude fiscale”, Nissan et la presse japonaise désignent une infraction à la loi japonaise sur les marchés financiers et la Bourse.

Selon le quotidien Asahi Shinbum, le premier à avoir dévoilé l’affaire, l’homme d’affaires n’aurait déclaré que 4,9 milliards de yens (43 millions de dollars) auprès des autorités de la Bourse de Tokyo, au lieu de 10 milliards de yens (88 millions de dollars) réellement perçus sur cette période. Des sources rapportent également des sous-déclarations sur d’autres périodes. Carlos Ghosn et son bras droit Greg Kelly, lui aussi arrêté, ont démenti ces accusations pendant leurs interrogatoires.

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En outre, « de nombreuses autres malversations ont été découvertes, telles que l'utilisation de biens de l'entreprise à des fins personnelles », soutient Nissan. Une filiale néerlandaise du constructeur automobile, censée financer des start-up, a déboursé pour cela un total de 17,8 millions de dollars, si l’on en croit le Nikkei Asian Review. Seraient concernées des propriétés à Beyrouth, Paris, Rio et Amsterdam. Carlos Ghosn a notamment racheté en 2016 une résidence à Beyrouth, rue du Liban. Étant donné le prix élevé du mètre carré dans cette rue huppée et la taille du terrain, de 475 mètres carrés, la villa vaudrait autour de cinq millions de dollars.

Enfin, la dernière accusation concerne la sœur aînée du chef d’entreprise. Cette dernière aurait touché depuis 2002, de la même filiale néerlandaise, une rémunération annuelle d’environ 100 000 dollars pour une “activité de conseil” présumée fictive.

Ce que risque le chef d’entreprise

Si les faits sont avérés, le capitaine d’industrie risque gros. En vertu de la loi japonaise, la falsification de rapports annuels d’entreprise est passible d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement et/ou d’une amende pouvant aller jusqu’à dix millions de yens (89 000 dollars). Carlos Ghosn, actuellement en garde à vue, peut être retenu jusqu’à 22 jours par les autorités japonaises, soit jusqu'au 10 décembre, sous réserve qu’aucune nouvelle instruction ne soit ouverte contre lui.

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En attendant les résultats de l’enquête, le scandale lui a déjà coûté deux de ses postes au sein de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Le conseil d'administration de Nissan a décidé à l’unanimité de ses sept membres – dont deux administrateurs de Renault – le limogeage de son président. Mitsubishi Motors (MMC), détenue depuis 2016 à 34 % par Nissan, dont Carlos Ghosn était également président non exécutif, lui a emboîté le pas.

Côté français, le conseil d'administration de Renault s’est montré plus prudent : il a désigné “temporairement” PDG le numéro deux de l'entreprise, Thierry Bolloré.

Ce que cette affaire signifie pour l’alliance

Le scandale intervient alors que circulent depuis plusieurs mois des rumeurs de fusion entre Renault et Nissan, liés depuis 1999 par des actionnariats croisés. Renault détenant 43,4 % du capital de Nissan et le japonais 15 % du français. Selon une note de Kentaro Harada, analyste chez SMBC Nikko Securities, à l’Agence France Presse, Carlos Ghosn travaillait à rendre cette intégration “irréversible”. Une possible fusion vue d’un mauvais œil par les administrateurs japonais de l’alliance, soucieux de préserver leur indépendance et leur pouvoir sur Nissan, qui pèse aujourd’hui, en termes de chiffre d’affaires, deux fois plus que Renault.

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Depuis 1999 et le redressement spectaculaire de Nissan, Carlos Ghosn était la clé de voûte de l’alliance, qu’il avait contribuée à construire et de laquelle il tenait toutes les ficelles. Son départ pourrait donc annoncer une refonte du statu quo.