À l’heure où de nombreux journaux délaissent leur version papier en faveur d’une publication exclusive en ligne, le site satirique panarabe basé à Londres, AlHudood, fait la démarche inverse.
C’est avec des slogans ironiques comme “La solution à la crise du nettoyage des vitres après des années de recul de la presse écrite” et “La mort de la presse en ligne” que le site satirique panarabe AlHudood a annoncé fin mars le lancement de sa version papier, à paraître une fois par mois. Le site, fondé en 2013 par trois Jordaniens et aujourd’hui basé à Londres, affirme vouloir ainsi « renforcer ses liens avec ses lecteurs », par un moyen « réel et tactile ». « C’est une expérience très différente » de la lecture en ligne, explique le cofondateur du site Isam Uraiqat. « La satire peut être plus drôle et plus efficace lorsqu’elle est imprimée. » Avec des caricatures et des articles satiriques abordant l’actualité politique, économique et sociale au Moyen-Orient, l’équivalent arabe de médias, comme The Onion aux États-Unis ou Le Gorafi en France, compte une dizaine de milliers de lecteurs en moyenne par article, avec parfois des pics à plus de 300 000 lecteurs et réunit une communauté de près de 450 000 fans sur Facebook. Le site emploie 11 salariés, dont cinq rédacteurs, et compte plusieurs centaines de contributeurs et de caricaturistes pigistes ou bénévoles.
Mais le contenu en ligne étant entièrement gratuit, le titre cherche de nouvelles sources de revenu. Depuis sa création il y a cinq ans, AlHudood est majoritairement financé par des organisations qui soutiennent la liberté d’expression comme le European Endowment for Democracy et Heinrich Böll Foundation. « Une part importante de nos revenus provient aussi des publicités natives que nous créons pour le compte d’autres compagnies », explique-t-il. Avec la création d’une version papier, le média espère générer des recettes à partir des ventes, directes ou par abonnement, ainsi que de la publicité. « Notre contenu étant panarabe, on peut viser une large audience », poursuit Isam Uraiqat.
Lire aussi : Al-Mustaqbal abandonne le papier
Disponible depuis avril en librairie au Liban (130 points de vente), en Tunisie et au Royaume-Uni, la version papier le sera aussi dans cinq autres pays d’ici à la fin de l’année. Le cofondateur du titre n’a pas souhaité communiquer le nombre de copies écoulées à ce jour, mais le modèle reposera surtout sur « les abonnements, plus que sur les ventes en kiosque », explique-t-il. L’abonnement est proposé à partir de 60 dollars par an pour un total de 12 numéros, alors que le numéro seul est vendu au prix de 6 dollars.
Selon Isam Uraiqat, les coûts d’impression sont relativement limités. « On imprime à Londres, où la concurrence est rude et les prix sont bas. Mais c’est la distribution des numéros qui est plus compliquée et coûteuse. » C’est pour cela que l’équipe travaille sur des partenariats permettant de réduire les coûts de distribution dans les 21 pays (dont les États-Unis et l’Australie) où le titre compte déjà des abonnés.
« Avec les dons des lecteurs, les ventes ne représentent aujourd’hui que 6 % de notre chiffre d’affaires. Mais cette part devrait augmenter dans les mois à venir », conclut le cofondateur.