Pour la première fois, début juillet, les États-Unis ont sanctionné deux députés et un haut cadre du Hezbollah. Pour l’avocate Myriam Daher, des barreaux de Beyrouth, New York et Paris, ces nouvelles sanctions signent le renforcement des tensions entre les États-Unis et l’Iran.
Les États-Unis ont sanctionné pour la première fois des députés du Hezbollah. Leur décision est-elle liée aux tensions entre l’Iran et les États-Unis ?
Oui, le durcissement – j’utilise le mot au sens large parce que juridiquement, ajouter des noms sur une liste ne constitue pas un durcissement à proprement parler, le régime sous-jacent restant le même – des sanctions américaines contre le Hezbollah est notamment le résultat des tensions entre l’Iran et les États-Unis, surtout après le retrait des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire (JCPOA). Les sanctions économiques sont un outil de pression politique qui s’est avéré assez efficace. Par exemple, les sanctions américaines et européennes sont la raison principale qui ont poussé l’Iran à négocier l’accord sur le nucléaire pour sortir du marasme économique dans lequel l’Iran se trouvait à cause des sanctions.
En quoi consistent ces nouvelles sanctions ?
Ces sanctions sont “list-based” : l'Agence du Trésor américain chargée des sanctions financières (OFAC) inscrit le nom des nouveaux sanctionnés sur la liste des personnes spécialement désignées (Specially Designated Nationals list, SDN). Ce qui a pour effet de geler leurs avoirs aux États-Unis ainsi que tous leurs avoirs en dollars dans le monde. Leur nom est ajouté aux “filtres” utilisés par les institutions financières pour arrêter les paiements suspects. Pratiquement, comme l’écrasante majorité des banques non américaines intègrent la liste SDN dans leurs filtres, cela va compliquer les virements et autres opérations bancaires effectuées par ces personnes.
Peuvent-elles avoir un vrai impact sur le financement du Hezbollah ?
Je ne prétends pas savoir comment le Hezbollah est financé ou qui le finance, mais si on présume que son financement provient essentiellement du régime iranien, les sanctions contre l’Iran auront un impact sur celui du Hezbollah. Les conséquences des sanctions américaines sur l’économie iranienne ont conduit l’Iran à négocier l’accord sur le nucléaire pour qu’elle puisse à nouveau intégrer le commerce international. En limitant les rentrées de l’Iran, les sanctions limiteraient également les dépenses effectuées par l’Iran, y compris celles destinées à financier ses alliés.
Quelles sont les implications de ces sanctions pour l'état les banques libanaises ?
L’État libanais verse les salaires en livres libanaises et non pas en dollars. En pratique, les virements sont donc toujours possibles. Pour les banques libanaises, la situation est plus dangereuse : si elles venaient à ne pas respecter les sanctions, elles perdraient leurs banques correspondantes aux États-Unis et donc l’accès au système financier américain. L’OFAC peut également considérer qu’en “facilitant” les opérations avec des personnes désignées sur la liste des sanctions, les banques doivent à leur tour faire l’objet de sanctions et donc intégrer la liste SDN.
Un recours est-il possible ?
Un recours judiciaire contre les décisions d’inscription sur la liste SDN de l’OFAC est possible, mais je doute qu’il soit efficace. On peut les contester comme contraire au 4e amendement de la Constitution américaine, soit « le droit des citoyens d'être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées, ne sera pas violé… ». Mais le District Court for the District of Columbia (DDC), devant lequel ces recours sont présentés, considère habituellement que les décisions de l’OFAC ne constituent pas une violation du 4e amendement. Toutefois, si l’État libanais s’érige en défenseur des députés sanctionnés ou du Hezbollah, en général, il court le risque que les États-Unis étendent leurs sanctions à tout le territoire libanais comme c’est le cas pour l’Iran ou Cuba. Tous les ressortissants libanais seraient alors concernés par l’arrêt d’une grande partie de l’activité commerciale avec le Liban, le rejet des opérations en dollars, etc.