C’est un pari osé que lancent Michel Mecattaf, directeur général de la société de change Mecattaf SAL, et André Abi Hablé, dirigeant d’une société de courtage en assurance, en publiant Nida’ al-watan (L’appel de la patrie). En kiosque depuis le 1er juillet, ce quotidien de 16 pages en langue arabe est imprimé à près de 15 000 exemplaires et vendu 1 000 livres libanaises le numéro. Le journal dispose également d’un site internet gratuit.
Pour boucler leur premier tour de table, les deux actionnaires ont fait appel à la générosité de riches donateurs libanais dont les noms et le montant des contributions restent cependant confidentiels. « En prenant en compte la location des locaux, l’investissement de départ totalise un peu moins de deux millions de dollars », affirme Michel Mecattaf. Lui-même précise y avoir contribué pour « la majorité ».
Si le pari est osé, c’est que le lancement de ce nouveau titre intervient dans un contexte difficile. Au Liban, le marché de la presse écrite est largement sinistré avec l’arrêt de plusieurs titres comme as-Safir ou al-Mustaqbal, et le redimensionnement d’autres à l’instar d’an-Nahar, qui a licencié plusieurs dizaines de journalistes l’an passé. Ce contexte de crise n’effraie pourtant pas les propriétaires du titre. « La presse écrite n’est pas morte. La disparition simultanée de ces quotidiens relève davantage, selon moi, de la coïncidence que d’une tendance générale », assure Michel Mecattaf.
Michel Mecattaf ne précise pas son modèle économique. Mais celui qui a brigué sans succès la députation durant les élections législatives de 2018 dans le Metn, avec l’appui des Forces libanaises, veut croire qu’une édition papier conserve suffisamment de légitimité et d’influence, et apporte la visibilité nécessaire pour attirer les annonceurs. « Si nous avions lancé un journal exclusivement numérique, nous aurions été un site parmi des centaines d’autres. En pariant sur un journal papier, nous nous positionnons d’emblée parmi les médias qui comptent. » Le journal a d’ailleurs signé avec la régie publicitaire du Daily Star, la Media Unit Agency, dirigée par Alain Yazbeck. « Une pub en première page d’un journal apporte autant que des milliers de clics », ajoute-t-il.
Davantage qu’économique, l’enjeu, pour Michel Mecattaf et André Abi Hablé, est surtout politique. La nouvelle publication entend en effet occuper la place laissée vacante par la disparition de plusieurs médias proches du 14 Mars. « Là où an-Nahar exprime une pluralité d’opinion, nous n’affichons qu’une seule couleur, ne défendons qu’un unique point de vue bien clair », affirme Michel Mecattaf.
La rédaction est dirigée par Béchara Charbel, un ancien d’al-Hayat, et compte pour l’instant une vingtaine de journalistes sur 25 employés. À terme, le journal devrait employer entre 35 et 40 salariés.
Selon Michel Mecattaf, la licence de diffusion de Nida’ al-watan a été rachetée il y a plus d’un an à l’ancien Premier ministre NaGib Mikati. À l’origine, le titre a été créé par Henri Sfeir en 1992, avant de faire faillite en 2000.