«Un des plus beaux coups d’œil qu’il soit donné à l’homme de jeter sur l’œuvre de Dieu, c’est la vallée de Hammana », écrivait le poète et homme politique français Alphonse de Lamartine, alors qu’il séjournait dans la maison des Mouqaddamine druzes, les Mezher, un palais vieux de plus de 700 ans, surplombant le village et sa vallée. Nichée à 1 200 m d’altitude, à seulement 30 minutes de Beyrouth, Hammana était un haut lieu de villégiature avant-guerre, à l’égal de Aley ou Sofar, avant d’être désertée par les vacanciers.
Robert Eid, banquier d’affaires, vient d’y ouvrir Cherry Lane, un restaurant de 240 places assises sur 1 000 m2 dont près de la moitié en terrasse, collé à la résidence de Lamartine et entouré par les cerisiers qui font la spécificité du village. Il y a investi près d’1,5 million de dollars et y propose une cuisine internationale à dominante française et italienne pour un ticket moyen entre 30 et 45 dollars par personne.
Après des études en France, ce “citoyen du monde” comme il se surnomme lui-même a passé toute sa carrière à l’étranger, en Angleterre, au Koweït ou en Argentine. « Je n’aurai jamais imaginé devenir banquier. C’est une vie passionnante mais très stressante. On a parfois l’impression de passer son temps à attendre un chiffre. Hammana, en revanche, c’est l’antithèse du stress. » Lorsqu’il revient dans son village maternel après 40 années d’absence, il se met en quête d’un projet qui fait sens et qui redonne de l’attrait à son village : « Je voulais semer quelques graines pour endiguer les départs vers la ville et redonner goût au village que j’ai connu enfant. »
En 2015, il rachète une bâtisse traditionnelle centenaire, laissée à l’abandon, et la transforme en lieu de dialogue culturel interdisciplinaire, piloté par le collectif Kahraba. Ouvert en 2016, Hammana Artist House peut accueillir jusqu’à 35 artistes qui viennent en résidence des quatre coins du globe, et s’est doté d’un théâtre en plein air, d’espaces d’ateliers et d’une salle polyvalente pour un investissement total de plusieurs millions de dollars. Le projet est un succès, qui attire 80 % de Beyrouthins et de plus en plus d’étrangers. Hamana Artist House a donné un second souffle au village, qui s’est depuis depuis doté de cinq ou six bars et restaurants ouverts par des habitants sur la place centrale du village : « Il y a un effet boule de neige qui bénéficie aux habitants. Une idée en amène une autre et les gens commencent à redécouvrir qu’il est possible de concrétiser des projets dans ce pays. »
Pour achever la mue de Hammana et proposer une offre complète à la fois culturelle avec le Hamana Artist House, de restauration avec le Cherry Lane et de logement, Robert Eid travaille actuellement sur un projet de plus grande ampleur. Il planifie l’ouverture, d’ici à 2020, d’un écoresort de 100 000 m2 en pleine nature, dans les environs de Hammana. L’espace comptera un club house, une piscine et 50 bungalows avec jardins. Montant de l’investissement prévu : 12 millions de dollars.