La nouvelle taxe sur les espaces fumeurs ne vise pas à lutter contre le tabagisme, mais elle pourrait renforcer les contrôles sur l’application de la loi en vigueur.
Les hôtels, restaurants, boîtes de nuit, bars et cafés doivent désormais payer leur espace fumeur. L’article 58 du budget 2019, publié au Journal officiel le 31 juillet, leur impose en effet l’achat d’un permis pour exploiter une zone fumeur. Le texte ne remet pas en question la loi 174 de 2011, qui interdit l’usage des cigarettes et des narguilés dans les espaces publics fermés – c’est-à-dire dotés d’un plafond et d’au moins trois murs –, mais impose une contrepartie financière à l’autorisation de fumer dans les parties “ouvertes” ou les terrasses.
Pour obtenir le permis, les restaurateurs doivent s’acquitter chaque année d’une taxe dont le montant dépend de la catégorie (d’une à cinq étoiles) dans laquelle ils sont enregistrés auprès du ministère du Tourisme. Le prix à payer varie entre 500 000 livres libanaises (330 dollars) pour un café servant uniquement des boissons et cinq millions de livres libanaises (3 300 dollars) pour un établissement 5 étoiles.
S’y ajoute une somme variable en fonction de la superficie de l’établissement : de 300 livres libanaises par mètre carré (0,20 dollar) pour un café, à 3 000 livres libanaises (2 dollars) pour un cinq étoiles. Tout établissement pris en faute sera rétrogradé au statut de 3 étoiles.
Pour l’État, qui s’est engagé à réduire son déficit public à 7,5 % du PIB cette année, il s’agit de trouver une nouvelle source de revenus. «Cette nouvelle taxe n’a pas pour vocation de lutter contre le tabagisme», commente le fondateur de la société de conseil en hôtellerie, Hodema, et collaborateur du Commerce du Levant, Nagi Morkos.
Le budget 2019 n’a d’ailleurs prévu aucune augmentation du prix des cigarettes, considérée comme le moyen le plus efficace pour réduire le tabagisme. «Une hausse des prix pourrait générer des rentrées financières significatives pour le Trésor. Au lieu de cela, l’État continue de sacrifier la santé publique et les droits des non-fumeurs», s’insurge l’avocat et ancien ministre de l’Intérieur, Ziyad Baroud.
Sans surprise, les restaurateurs sont vent debout contre cette « taxe inutile » ainsi que la décrit Aline Kamakian, propriétaire des restaurants libanais Mayrig et Batchig.
«Nos comptes sont aussi alourdis par plusieurs mesures récentes comme l’augmentation de la TVA et des cotisations des employeurs à la Caisse nationale de Sécurité sociale. Sans compter les nouvelles taxes applicables aux travailleurs étrangers qui vont également augmenter nos coûts», déplore-t-elle.
Vers une application plus stricte de la loi antitabac ?
Cette nouvelle taxe pourrait toutefois aboutir à une application plus stricte de la loi antitabac 174 de 2011, largement ignorée par le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, faute de contrôles. «Le ministère du Tourisme, qui est censé effectuer les contrôles, ne fait rien, arguant de supposées retombées négatives sur la clientèle étrangère, en particulier les touristes des pays arabes, grands amateurs de narguilé», explique Rania Baroud, coordinatrice de la campagne nationale pour l’application de la loi 174.
Or, avec l’instauration du “permis de fumer”, ce sera au ministère des Finances de vérifier non seulement le bon paiement de la taxe, mais également la conformité des établissements avec la loi 174 de 2011, dont le respect est une condition nécessaire pour conserver le permis.
Avec une motivation de taille pour ses inspecteurs : en cas d’infraction constatée, les établissements fautifs devront s’acquitter de la taxe et d’une amende équivalente au montant de celle-ci.
Les restaurateurs n’ont cependant pas dit leur dernier mot : leur syndicat travaillerait actuellement avec le ministère du Tourisme à l’élaboration d’une version moins rigoureuse de la loi 174 de 2011. «Certains restaurants, notamment de cuisine libanaise, ne disposent pas de terrasse ou d’espaces ouverts à dédier au narguilé et aux cigarettes. Chez eux, interdire de fumer en intérieur, comme la loi de 2011 le prévoit, revient à les amputer de 50 % leur chiffre d’affaires», fait valoir Aline Kamakian.