«Mon père, Sami Hajjar, qui a plus de trente ans d’expérience dans la transformation laitière, a longtemps conservé l’ambition de créer sa propre entreprise familiale indépendante», raconte sa fille Johanne.
À 26 ans, la jeune femme, qui a pris le relais de son père avec son frère André, dirige l’usine de Go Baladi à Qab Élias, dont la construction a été achevée en 2010. Après y avoir produit des boules de labné pour Biomass, Sami Hajjar et ses enfants y ont lancé en 2015 leur propre marque, Go Baladi.
Contrairement aux deux autres principaux producteurs libanais de fromages de chèvre, ils ont choisi de s’approvisionner exclusivement à partir du lait des chèvres baladi, l’une des principales races locales, qui paissent en semi-liberté. La marque, qu’on trouve dans les principaux supermarchés du pays, emploie aujourd’hui près de vingt-cinq personnes et travaille avec six éleveurs.
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Mais tout rêve a un prix : en l’occurrence, celui des 15 nouvelles lignes de production inaugurées en 2016 s’élève à 1,5 million de dollars. Plus de la moitié ont été investis personnellement par la famille Hajjar, et le reste provient d’un prêt Kafalat à taux réduit. Go Baladi profite notamment d’aides de la Banque européenne d’investissement et de l’agence américaine USAid.
Dans un marché du lait en crise, le risque était calculé. «Le lait de chèvre a une valeur ajoutée par rapport au lait de vache», explique Johanne Hajjar, qui constate un regain d’intérêt mondial pour les produits caprins, due à l’attention accrue des consommateurs pour leur santé. «Le lait de chèvre, riche en acides aminés et en oméga 3, possède des avantages nutritionnels plus intéressants, et une teneur en gras inférieure à celle du lait de vache, développe-t-elle. Il est également adapté à l’intolérance au lactose, qui touche 10% de la population mondiale.»
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Selon leur propre étude de marché, ce secteur représente aujourd’hui un chiffre d’affaires de six millions de dollars au Liban. Go Baladi ambitionne d’occuper 30 % de ce marché. Encore faut-il améliorer la qualité de la production et offrir un revenu décent aux producteurs laitiers pour maintenir une relation durable entre la marque et ses fournisseurs.
Go Baladi leur rachète le litre de lait de chèvre 1 500 livres libanaises (1 dollar), alors que la moyenne oscille plutôt entre 700 à 1 000 livres libanaises. Les six (bientôt dix) chevriers qui travaillent avec Go Baladi bénéficient par ailleurs d’une aide matérielle (par exemple à travers des dons de frigidaires), logistique (comme la recherche de vétérinaires) et de formation (notamment aux techniques d’allaitement).
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La gamme “conventionnelle” est produite à partir du lait de 900 chèvres, situées près de Qab Élias et dans la Békaa-Ouest, et qui s’alimentent à 60 % d’herbe et à 40 % de grain. La gamme bio provient, quant à elle, d’un cheptel de 1 500 têtes se nourrissant exclusivement des pâturages autour de Sannine.
Pour pallier au problème d’une production très saisonnière – les chèvres baladi ne se reproduisant et ne fournissant donc du lait que 4 à 6 mois par an –, Go Baladi a introduit la technique dite de “synchronisation des chaleurs” (“off seasonal breading” en anglais). Il est le premier à y avoir recours pour des chèvres baladi. Ce procédé permet une production continue : au total, leurs troupeaux produisent deux tonnes de lait quotidien en été, toutes gammes confondues, et 300 à 500 litres en hiver, pour la gamme conventionnelle uniquement. « Notre objectif désormais est de multiplier nos points de vente et étendre nos régions de distribution », conclut Johanne Hajjar.