Avec le développement technologique, agriculture et industrie suivent le même modèle économique de gestion et toute exploitation agricole qui ne l’applique pas est appelée à disparaître. Ainsi, au lieu de parler de secteurs primaire et secondaire, il faudrait plutôt parler des secteurs de production.
L’agro-industrie correspond à l’intégration de la production agricole et la transformation des produits frais, comme c’est le cas pour l’huile d’olive, les cigarettes, le vin, l’arak, les laitages et fromages, ou l’aviculture. Cet ensemble est appelé à assurer la sécurité (quantité) et la sûreté (qualité) alimentaires du pays.
Bien que l’agriculture libanaise ne puisse pas subvenir à la totalité des besoins, les études du Creal (Centre de recherches et d'études agricoles libanais) montrent qu’une agriculture bien gérée pourrait assurer une balance commerciale équilibrée des produits non transformés, la valeur des produits exportés compensant le coût des importations. Cela est moins évident pour les produits alimentaires transformés, dont 75 % sont importés. Une politique de soutien à l’industrie agroalimentaire pourrait néanmoins permettre de réduire l’écart à moyen terme et tendre vers l’équilibre.
Des secteurs qui furent florissants au siècle dernier pourraient être redynamisés, notamment celui des huiles végétales. De grandes huileries, comme Ghandour à Tripoli, Emad à Zouk, ou Sinno et Jabbour à Selaata (reprise par le groupe Doumet), ont fermé leurs portes, tandis que celles qui résistent, comme Slim Oil, souffrent de coûts de production élevés, qu’un État responsable pourrait atténuer.
L’industrie des produits laitiers, dont les fleurons d’avant-guerre ont disparu (Foremost à Khaldé, Doumit à Beyrouth et Gervais à Mkallès), a “ressuscité” avec Liban Lait, qui a imposé à partir de 2000 un standard de qualité, respecté par les nouvelles laiteries comme Dairyday, Khoury ou Taanayel Les Fermes. Si de belles réalisations, tel Goût Blanc, prouvent que le secteur reste ouvert au développement, il existe de nombreuses laiteries artisanales aux qualités sanitaires douteuses, conséquence de l’état vétérinaire désastreux du cheptel libanais dont les éleveurs souffrent d’un manque cuisant de vulgarisation et de l’état mafieux de la médecine vétérinaire.
Le secteur vitivinicole, lui, est en plein essor et bénéficie d’expertises tant locales qu’étrangères. Le résultat s’apprécie dans d’excellents vins qui se forgent une place sur les marchés mondiaux. Si le label vin du Liban arrive à s’imposer et que la loi sur les appellations contrôlées est adoptée, ce secteur est appelé à un brillant avenir.
L’aviculture est l’exemple probant de l’industrialisation de l’agriculture. Ce secteur assure l’autonomie du Liban en viande blanche et ses principaux acteurs (Hawa, Tanmiya, Chouman, Boutros) ont trouvé un équilibre sain de marché. Certains ont des fermes satellite qu’ils assistent techniquement et financièrement, et dont ils écoulent la production.
L’industrie d’embouteillage d’eau potable en plein développement reflète, hélas, la triste réalité de la défaillance de la gestion de l’eau au Liban. Il est inadmissible qu’un pays doté de sources d’eau pure n’assure pas à ses citoyens cette même eau au robinet. L’industrie des boissons carbonatées et des jus de fruits reconstitués est, elle aussi, florissante. De timides expériences de jus frais ont toutefois vu le jour chez Balkis ou Liban Jus.
Mais l’industrie à plus fort potentiel est sans doute celle des conserves. Le marché mondial des aliments traditionnels libanais – hommos, moutabbal, tehini, halawa, etc. – est illimité avec un avantage libanais par rapport à la concurrence saoudienne et israélienne. Cette industrie ne doit pas nécessairement se fournir en matières premières locales (chères et à disponibilité réduite), comme le montre l’exemple de Wadi Akhdar, qui a fermé ses usines et contemple une nouvelle implantation en attendant une attitude constructive de l’État. D’autres industries de conserve maintiennent leur production mais mériteraient une expansion tant en volume qu’en qualité.
Tant qu’il faudra nourrir les hommes, l’agro-industrie demeurera un secteur vital de l’économie. Pour le Liban, elle représente un complément valorisant d’un secteur agricole particulier. Garante de la sécurité alimentaire des Libanais, elle mérite une attention particulière de la part du gouvernement.