Sans surprise, la paralysie du pays ces deux dernières semaines se fait ressentir sur l’activité commerciale. Premiers signes visibles : un début de pénurie sur certains produits de première nécessité. Le carburant commence ainsi à manquer dans certaines stations, tandis que Jamil Jabak, le ministre sortant de la Santé, a alerté sur une pénurie de médicaments.

Le problème ? La circulaire de la Banque du Liban, censée faciliter l’accès aux dollars au taux officiel pour les importations de carburants, de médicaments et de blé, n’a pas pu être mise en œuvre du fait de la fermeture de la banque centrale et des banques commerciales depuis le 18 octobre.

Si les autres commerçants parviennent encore à importer, le manque de devises au taux officiel sur le marché les contraint déjà à augmenter les prix.  En effet, à défaut de dollars fournis par les banques, ils doivent s’approvisionner en billets verts auprès des changeurs à des taux supérieurs à 1 700 livres libanaises le dollar. Ils répercutent ensuite le différentiel sur leurs prix de vente comme ils l’avaient déjà fait pour la taxe douanière de 3 % sur les importations, décidée par le gouvernement fin août. Au global, selon les produits concernés, cela représente une hausse des prix de vente de certains produits de consommation de l’ordre de 10 %, selon les estimations du Commerce du Levant.

La direction de la chaîne de supermarchés Spinneys a d'ailleurs dû publier un communiqué  pour mettre un terme à des rumeurs selon lesquelles ses prix de ventes avaient augmenté de 40 à 50 %. Le groupe a toutefois reconnu que certains des articles vendus dans ses établissements avaient connu une hausse de leur prix de vente. « Mais les produits libanais, achetés en livres libanaises, n'ont subi aucune hausse de prix », assure Ralph el-Kahi, responsable marketing chez Spinneys.



Dans le même ordre d’idées, le prix des cartes de recharges téléphoniques, libellé en dollars, a aussi largement augmenté, alors que les Libanais se sont précipités pour en acheter. Officiellement fixé à 37 500 livres libanaises, le prix de ces recharges peut aujourd’hui atteindre jusqu’à 50 000 livres libanaises, les officines de revente profitant de la forte demande pour augmenter leur marge. Pour l’heure, le ministère de l’Economie n’a pas agi pour en contrôler les prix, alors que la compagnie Alfa a indiqué que « le prix officiel des cartes de recharge reste inchangé ».

Car un autre facteur est aussi à prendre en compte : « le facteur psychologique », comme le souligne l’économiste Kamal Hamdan. « Il peut entraîner une augmentation temporaire des prix de certains biens. Craignant une pénurie, les gens se ruent sur certains produits, augmentant, de facto, leurs prix », ajoute-t-il. Ce que confirme l’employée d’un important importateur : « On commence à manquer de certains biens non périssables, comme les boîtes de conserve alimentaires, car les gens stockent par peur de la tournure que prendra les événements ».

Craignant un élargissement de l’écart entre le taux de change officiel et celui établi par les changeurs à cause de la fermeture des banques, Kamal Hamdan évoque déjà une forte augmentation de certains prix en octobre, « même s’il est encore tôt pour avoir un taux d’inflation exact pour ce mois ».

Pour rappel, l’inflation était de 1,2 % en août en variation annuelle.