Face à la dégradation de la situation économique et sociale, la problématique de la détermination de la valeur locative au Liban se pose à la fois pour les locataires anciens et les propriétaires dont les biens ne sont pas loués.
La loi sur la libéralisation des loyers anciens, votée en 2014 et amendée en 2017, permet en effet aux propriétaires de locataires de biens loués avant 1992 d’augmenter progressivement les loyers jusqu’à atteindre la valeur locative actuelle du bien. La valeur locative sert aussi de base au calcul de l’assiette de l’impôt sur la propriété bâtie et des taxes municipales, lorsqu’un bien n’est pas loué.
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Cette valeur, c’est-à-dire le montant annuel théorique que pourrait rapporter la location d’un bien, a été fixée au début des années 2000 à 5 % du prix de vente. Dans le cadre de la loi sur les anciens loyers, ce pourcentage a été amendé à 4 % en 2017. Mais les critères de valorisation du bien et la fréquence de leur mise à jour ne sont cités ni dans la loi sur l’impôt sur la propriété bâtie ni dans la loi sur les anciens loyers qui s’en remet entièrement aux rapports d’experts et aux comités désignés. Cette opacité totale sur les critères de valorisation du bien immobilier engendre une disparité des valorisations et une inflation des prix.
Au-delà de la valorisation du bien, le pourcentage choisi pour déterminer la valeur locative paraît déconnecté aujourd’hui de la réalité sociale et économique du pays. Ce taux n’a pas été révisé depuis le début des années 2000 alors que les prix de l’immobilier ont augmenté de 200 % – voire 300 % selon les sources – entre 2003 et 2013, et que les salaires n’ont augmenté que de 40 % – voire 28 % – sur la même période.
Que la valeur locative soit fixée à 5 % ou à 4 %, elle est très élevée si on la compare aux rendements locatifs dans d’autres villes où l’immobilier est cher. À Paris, par exemple, le rendement locatif brut ne dépasse pas les 3,5 % et le rendement locatif net (après déduction des charges mais avant impôt) ne dépasse pas les 2,5 %.
Et ce rendement tend à diminuer quand les prix de l’immobilier montent, ou quand la surface de l’appartement augmente, d’autant plus s’il n’est pas rénové. Or les surfaces des appartements au Liban sont en général plus importantes que la moyenne des surfaces en France, sachant qu’elles incluent la quote-part des parties communes, alors qu’en France la surface, selon la loi Carrez, est la seule surface habitable. Cela contribue encore à augmenter les prix de l’appartement total au Liban.
L’usage d’un taux unique de valeur locative appliqué au prix du bien pour toutes les régions désavantage aussi les régions où les prix de l’immobilier sont plus élevés, comme Beyrouth.
Dans le contexte de crise économique et sociale actuelle, la situation pourrait devenir intenable pour certains locataires ou propriétaires. Pour l’État, cela pourrait se traduire par une baisse du taux de collecte des impôts, alors que leur niveau actuel ne dépasse pas les 50 %. Une refonte de la détermination de la valeur locative et des taxes locales paraît nécessaire afin de mieux refléter les réalités du marché et amorcer le début d’une véritable politique de logement.
Les amendements proposés
Dans le cadre de la loi sur les anciens loyers, le taux doit être revu à la baisse. Si l’on se base sur les standards de l’Établissement public de l’habitat, le salaire minimum requis pour emprunter est de 2 100 000 livres libanaises, ou 1 400 dollars –, soit plus que le revenu moyen de 66 % des ménages libanais les plus pauvres, qui est de 1 200 dollars selon le rapport McKinsey. En admettant le ratio de 30 % du revenu dédié aux dépenses de logement, le loyer mensuel doit être de 420 dollars charges comprises, c’est-à-dire 5 040 dollars par an. Dans l’ancien, le prix moyen au mètre carré est aux alentours de 2 000 dollars dans Beyrouth, avec une surface moyenne de 150 m2, on peut retenir une moyenne de 300 000 dollars par appartement, par conséquence la valeur locative ne devrait pas dépasser 1,7 % du prix, charges comprises. La plupart des locataires concernés par la loi sur les loyers de 1992 s’inscrivent dans ce schéma, puisqu’ils habitent à Beyrouth, et sont souvent vieux et retraités. Une proposition de loi déposée par dix députés propose d’ailleurs d’abaisser la valeur locative à 1,5 % de la valeur du bien.
En ce qui concerne l’impôt sur la propriété bâtie, la réforme pourrait s’inscrire en deux temps. D’abord, l’État doit préciser les critères de valorisation du bien. Il faut ensuite adopter un pourcentage variable pour la détermination de la valeur locative selon les régions avec une valeur inférieure à Beyrouth qu’en dehors de Beyrouth. Il est également nécessaire de revoir les abattements, notamment pour les propriétaires occupants. On peut ainsi augmenter le montant de l’abattement fixe ou changer la déduction liée à la dépréciation du bien en la reliant à la valeur du bien et non à sa valeur locative, car cet impôt se base sur un revenu fictif et peut devenir très élevé dans le cadre de la loi actuelle.
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Parmi les autres mesures possibles : faire rentrer les propriétaires des logements soumis à la loi révisée de 1992 dans le périmètre des propriétaires qui louent aux personnes nécessiteuses et les faire bénéficier de l’exemption qui en résulte, et leur donner accès à des prêts subventionnés pour rénover leurs appartements et les mettre aux normes environnementales ; conditionner l’exemption des biens vacants à certains critères, au lieu de créer une nouvelle taxe sur les logements vacants, et définir la notion et les conditions de la vacance en tenant compte des catégories suivantes : les non-résidents, les résidences secondaires et les biens mis en vente qui restent invendus. Il faudrait enfin exclure les jardins de moins de 2 000 mètres carrés autour des immeubles de la taxe sur propriété bâtie, car ils permettent à la ville de respirer.
Dans un deuxième temps, la taxe sur propriété bâtie doit être remplacée par une taxe foncière, tandis que les revenus locatifs réels doivent être inclus dans un nouvel impôt : l’impôt sur le revenu des personnes physiques.