La Banque du Liban (BDL) a émis, le 4 décembre, la circulaire n° 536 entérinant une baisse des taux d’intérêt sur les dépôts à travers plusieurs mesures applicables pendant six mois.
La circulaire indique d’abord que la BDL paiera en livres libanaises 50 % des intérêts dus aux banques pour leurs dépôts en devises et les certificats de dépôt en dollars que celles-ci possèdent à la Banque centrale. Elle impose ensuite aux banques de plafonner à respectivement 5 et 8,5 % les intérêts versés sur les nouveaux dépôts en dollars ou en livres libanaises, ou ceux renouvelés après le 4 décembre. Par conséquent, l’Association des banques a annoncé début janvier la baisse de 104 points de base des taux d’intérêt de référence respectifs sur la livre libanaise et le dollar (Beirut Reference Rates ou BRR). Le taux de référence sur la livre est ainsi passé à 12,45 % et celui sur le dollar à 9,35 %.
Les intérêts sur les dépôts à terme déjà contractés, eux, n’ont pas été affectés. La circulaire de la BDL a toutefois autorisé les banques à régler en livres 50 % des intérêts sur les dépôts de leurs clients en devises pendant les six mois à venir.
Cette mesure a poussé les principales agences de notation américaines à baisser les notes des banques libanaises. Moody’s a dégradé les notations de Bank Audi, Blom Bank et Byblos Bank de Caa2 à Ca, tandis que Fitch a abaissé de CCC à CC celles de Bank Audi et Byblos Bank. De son côté, l’agence S&P est allée plus loin, en dégradant de plusieurs crans, de CCC à SD (défaut sélectif), les notations de Bank Audi, Blom Bank et Bankmed, sur les dépôts bancaires à long terme en livres libanaises et en devises. La notation à court terme a également été révisée de C à SD. « Pour S&P, il y a défaut à partir du moment où une partie ne respecte pas une partie de ses engagements contractuels, même si c’est par choix ou nécessité », a expliqué une source financière à L’Orient- Le Jour.
Au niveau local, cette circulaire a été dénoncée par l’organisation Kulluna Irada, qui en a souligné le caractère « inéquitable ». Pour elle, il est injuste que les déposants doivent renoncer, même temporairement, à la moitié des rémunérations en devises que les banques leur doivent, ce qui correspond à un “haircut” sur les intérêts versés, surtout que cette mesure s’applique de manière indiscriminée aux personnes « qui ont le plus bénéficié du système financier » ces dernières années et aux petits épargnants. Elle reproche également à la BDL de vouloir faire porter aux seuls déposants « tout le fardeau » de la recapitalisation des banques réclamée en novembre (10 % avant le 31 décembre, puis 10 % de plus au premier semestre 2020), tout en ménageant les actionnaires des établissements concernés.
Si l’ONG reconnaît que la circulaire va permettre à la BDL de diminuer de moitié les intérêts en devises dus aux banques (3 milliards de dollars au lieu de 6 milliards), elle juge que ce bénéfice ne pèse pas très lourd par rapport aux 46 milliards de dollars d’engagements en devises que la Banque centrale a vis-à-vis des banques du pays, selon les chiffres à fin septembre.
Kulluna Irada note, en outre, que si la circulaire offre effectivement aux banques un moyen de se recapitaliser et de réduire leurs engagements en devises, ce répit ne sera que de courte durée, vu la fragilité actuelle du secteur. Elle déplore finalement le fait qu’aucune mesure n’ait été prise en parallèle pour « restructurer le secteur financier ». « À la lumière de la situation sur les plans économique et social, la BDL aurait au moins dû demander aux banques de provisoirement rééchelonner le paiement sur les titres de dette existants en attendant qu’un nouveau gouvernement soit formé et qu’un plan de gestion de crise équitable et complet soit mis en place », jugent enfin les auteurs de la note.
A cet égard, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a proposé aux banques une nouvelle opération d’échange d’eurobonds (titres de dette en dollar émis par le Liban), lors d’une réunion avec l’Association des banques du Liban (ABL) et la commission de contrôle des banques (CCB), qui s’est tenue lundi 30 décembre et dont le compte rendu n’a pas été rendu public.
Le « swap » évoqué par le gouverneur consiste à échanger des eurobonds de longue maturité détenus par la BDL contre d’autres détenus par les banques et arrivant à échéance en mars, avril et juin de cette année. Demandant aux établissements une réponse dans les meilleurs délais, Riad Salamé leur a en outre fait part de la possibilité que la BDL revende ces titres à courte maturité sur le marché secondaire, ajoutant que « l’un des principaux fonds détenant la dette extérieure libanaise » avait montré « un intérêt » dans ce sens.