Face à l’effondrement de la publicité, la chaîne libanaise s’apprête à encrypter son signal pour n’être accessible que par abonnement.
Réduction de salaires, baisse de la production, arrêt de la diffusion sur les satellites égyptiens Nilesat… Les chaînes de télévision libanaises, qui bénéficient pourtant d’une forte audience depuis le début du mouvement de contestation, multiplient les signaux de détresse. En cause : l’effondrement de la publicité.
Selon les derniers chiffres de l’institut Ipsos, qui ne prennent pas en compte les remises et escomptes généralement très importants dans ce secteur, les recettes publicitaires des médias télévisés ont été divisées par trois en un an, passant sous la barre des 42 millions de dollars en novembre.
Depuis, la situation est loin de s’être améliorée. « Nos trois principaux segments d’annonceurs – les marques internationales, les marques locales et les banques libanaises – ont réduit au minimum leurs publicités ces dernières semaines », témoigne le responsable du développement des activités de la LBCI, Peter Daher, en rappelant que ces revenus représentaient 95 % du chiffre d’affaires de la chaîne en 2018.
Dans ce contexte, la plupart des chaînes ont allégé leur grille de programmes et coupé les salaires de leurs employés. Pour limiter leurs coûts de diffusion, elles ont également décidé d’abandonner le diffuseur égyptien Nilesat, pour utiliser exclusivement les satellites d’Arabsat, l'Organisation arabe des satellites de communications, qui leur a proposé des conditions plus avantageuses.
Revirement stratégique
Dans la foulée, la LBCI se prépare à une mesure encore plus drastique : « Nous prévoyons d’encrypter notre signal par satellite à partir de janvier ou février », déclare Peter Daher au Commerce du Levant. La chaîne privée, comme toutes les autres chaînes libanaises, a toujours été diffusée en accès libre par satellite.
Cette décision, si elle est mise en œuvre, représenterait une première dans le paysage audiovisuel local, et un tournant pour la LBCI qui ne deviendrait accessible que par abonnement, que ce soit via satellite ou à travers les fournisseurs de câble locaux. « La tarification n’a pas encore été arrêtée, mais l’objectif est d’atteindre 300 000 abonnés en trois ans », affirme-t-il.
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Un pari osé dans un contexte économique déprimé, et face à des concurrents qui pour le moment restent gratuits. Sollicitées par Le Commerce du Levant, al-Jadeed et MTV n’étaient pas disponibles pour commenter.
En changeant de modèle, la LBCI prend le risque de perdre une partie de son audience, et éventuellement de son attrait auprès des annonceurs si ses téléspectateurs ne suivent pas. « C’est quitte ou double, reconnaît Peter Daher. Mais nous n’avons plus d’alternatives, c’est ça ou dans un an la chaîne n’existe plus. »
Hausse de 30% des abonnés numérique
La LBCI se dit toutefois encouragée par l’expérience de sa plate-forme numérique, payante depuis plus d’un an. Selon Peter Daher, les abonnés numériques de la chaîne ont bondi de 30 % depuis le 17 octobre, pour atteindre plus de 21 000 comptes clients. « Les internautes, qui privilégient d’habitude nos vidéos à la demande, ont beaucoup suivi notre streaming en direct. »
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À défaut de moyens dans l’immédiat pour financer de nouvelles productions, la chaîne mise sur la popularité des programmes existants et son positionnement, qu’elle considère comme un avantage comparatif : « Nous apportons une plus-value par rapport aux autres chaînes locales, car nous ne sommes financés par aucun parti et nos journalistes sont les bienvenus partout au Liban. Cela nous permet d’assurer une très bonne couverture des événements », dit Peter Daher.