Confrontées à une explosion des demandes de rapatriement, certaines ambassades organisent le retour de leurs ressortissants.
« J’ai fui après que mon employeur ait refusé de me payer les cinq mois de salaire qu’il me devait. J’en ai fait quatre autres depuis et je ne reçois toujours rien », témoigne Winnie Cobblah, 26 ans, travailleuse domestique d’origine ghanéenne. Au Liban depuis 11 mois, elle n’a aujourd’hui aucun revenu. Comme elles, des milliers de femmes de ménages étrangères, généralement payées entre 150 et 400 dollars par mois, se retrouvent au chômage, et en situation illégale.
Résultat : les demandes de rapatriement ont explosé. Entre décembre 2019 et février 2020, 2 000 travailleurs philippins, majoritairement des femmes, ont fait appel à leur ambassade. Le cas n’est pas isolé. Entre 15 000 et 20 000 Bangladais – soit 10 à 13 % des ressortissants du Bangladesh au Liban – souhaiteraient retourner au pays, dont 60 % sont des domestiques. Entre 2016 et 2018, ils n’étaient que 500 à avoir sollicité un rapatriement. « On est débordé. Nous n’avons tout simplement plus d’espace pour accueillir tout le monde », lâche Abdullah Al Mammun, consul du Bangladesh au Liban. Dans son bureau s’opère un ballet de demandes et de plaintes. Dehors, le bâtiment est pris d’assaut.
1,2 million de dollars
Face à l’urgence, certaines ambassades se sont organisées. Le consulat des Philippines a lancé une campagne de rapatriement volontaire de décembre à février. Totalisant une vingtaine de vols commerciaux pour 2 000 demandes, elle est entièrement financée par le gouvernement de Manille. « Nous payons les pénalités pour régulariser leur situation et leur permettre de voyager, soit 250 dollars en moyenne, et le prix des billets d’avion, autour de 360 dollars », selon Edward D. Chan, vice-consul des Philippines. À 610 dollars par individu en moyenne, le financement du programme s’élèverait à au moins 1,2 million de dollars.
Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Les ressortissants du Bangladesh ou du Ghana ne reçoivent pas d’aide financière. Le consulat du Ghana demande à Winnie Cobblah de payer 700 dollars pour rentrer, soit quatre mois de salaire.
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En décembre, à l’initiative de l’ONG Kafa, les Philippines, le Sri Lanka, le Ghana, l’Éthiopie et le Bangladesh, soutenus par six autres organisations non gouvernementales, ont obtenu de la Sûreté générale de plafonner les pénalités. Alors qu’elles sont normalement proportionnelles au nombre d’années passées en situation irrégulière, elles sont désormais limitées à un an.
Malgré tout, la somme, variant selon le sexe et la nationalité, s’élève toujours à plusieurs centaines de dollars. Un montant impossible à débourser pour une partie des travailleurs illégaux qui se retrouvent cloués sur le territoire. « Le gouvernement libanais devrait déclarer une amnistie sur les pénalités. S’il le faisait, on verrait au moins 50 000 départs hors du territoire dès la première semaine », argue Patricia, de This is Lebanon, une structure créée par des travailleurs domestiques.
Même pour ceux qui peuvent se le payer, le chemin est encore long. La Sûreté générale accorde les visas de sortie du territoire au compte-goutte. Résultat : les listes d’attente de l’ambassade des Philippines s’étendent jusqu’en juillet. Sur 2 000 inscrits, seuls 300 ont pu regagner leur pays depuis décembre. Le Bangladesh, lui, n’a pu rapatrier qu’un millier de ses ressortissants sur quatorze vols, soit 5 à 6 % de ceux qui souhaiteraient effectivement rentrer. En mars, il prévoit le rapatriement de 400 à 500 Bangladais supplémentaires.