« La demande en gel hydroalcoolique pour les mains a été multipliée par 40 au Liban avec la crise du coronavirus », explique Fadi Fayad. Le directeur général de la société Sanita, leader des produits d’hygiène au Liban, n’en revient pas. « En temps normal, ce marché est très restreint, environ 700 000 dollars par an, dominé par quatre grandes marques, dont trois importées. Aujourd’hui, nos usines tournent à plein régime, 24h/24, pour essayer de répondre à l’explosion de la demande », ajoute-t-il.
Une frénésie inédite qui fait craindre aux professionnels du secteur une pénurie. Sanipro, le distributeur exclusif de la marque américaine Purell qui fournit quelque 700 professionnels et quatre hôpitaux, est déjà en rupture de stock « depuis le deuxième jour de l’épidémie au Liban », selon sa directrice générale Lara Araoui. « On attend de nouvelles livraisons d’Europe et des Etats-Unis, mais la production ne suit pas », s’attriste-t-elle.
Les producteurs locaux ne sont pas épargnés par les problèmes d’approvisionnements. Car si certains composants sont fabriqués sur place, d’autres sont importés, notamment le plus important : l’alcool pur.
« Le Liban ne produit que très peu d’alcool synthétique », explique Christiane Faddoul, directrice de la marque de produits d’hygiène 114 Amatoury, qui fabrique de même des gels désinfectants. Or, à l’heure du coronavirus, la demande mondiale fait de ce type d’alcool une denrée particulièrement recherchée : « Les prix ont flambé et il est devenu difficile de s’en procurer », dit-elle.
Certains pays ont d’ailleurs suspendu leurs exportations pour réserver leur production à leur marché national. « La Turquie par exemple, qui était l’un de nos fournisseurs, a arrêté d’exporter des matières premières désinfectantes », déplore Fadi Fayad.
Les difficultés se situent aussi au niveau des emballages et des flacons dont la majorité est fabriquée en Chine. Or, la « première usine du monde », elle-même en pleine crise sanitaire, a dû ralentir sa production et en réallouer une partie pour son propre marché. « Des matières premières aux flacons, c’est toute la chaîne logistique qui est sous tension », explique le directeur général de Sanita.
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Si les difficultés d’approvisionnement sont mondiales, au Liban, elles sont aussi amplifiées par la pénurie de dollars et les restrictions bancaires imposées depuis octobre 2019. « Nous avions déjà du mal à payer nos fournisseurs et les stocks étaient au plus bas », reconnaît Laura Araoui.
Dans ce contexte, les entreprises ont réclamé des dispositions exceptionnelles. « Le ministère de l’Industrie s’est engagé à prendre des mesures nécessaires pour nous faciliter l’accès aux devises et permettre l’approvisionnement en matières premières. Si le gouvernement n’agit pas dans ce sens, on risque de se diriger droit vers la pénurie », s’inquiète-il.
Pour leur part, les entreprises assurent agir dans l’intérêt public : « On a arrêté d’exporter nos gels pour fournir le marché local, renonçant ainsi à des rentrées en devises étrangères. On a décidé aussi de ne pas répercuter l’augmentation des matières premières sur les prix, en misant sur les volumes. C’est un devoir face aux enjeux de santé publique », affirme Fadi Fayad.
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