Selon Hassan Obeid, professeur de finance à l’European Business School (Paris), la chute des cours du pétrole ne devrait pas influencer les décisions des pays du Golfe quant à l'aide financière qu'ils pourraient apporter au Liban.
Quels sont les mécanismes qui expliquent la chute des cours du pétrole à laquelle on a assisté en mars ?
Il y a, d’une part, un désaccord au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), particulièrement entre la Russie et l’Arabie saoudite, sur la politique de la production. Et d’autre part, une baisse de l’activité économique, d’abord en Chine puis dans l’Union européenne, du fait de l’épidémie de coronavirus, qui fait baisser la demande mondiale.
Quel impact pourrait avoir cette baisse sur les pays du Golfe ? Seraient-ils moins enclins – s’ils l’ont jamais été – à aider financièrement le Liban ?
Les pays du Golfe détiennent plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole et s’arrogent environ 18 % des exportations mondiales, avec plus de 18 millions de barils par jour. Ces recettes représentent plus de 70 % de l’économie réelle des différents émirats. Entre 2014 et 2018, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), la baisse des cours s’était traduite par 300 milliards de dollars de pertes pour leurs économies. La crise actuelle pourrait être pire encore. Leurs réserves financières devraient toutefois leur permettre d’amortir le choc.
En ce qui concerne le Liban, la décision de l’aider financièrement est peu corrélée à des questions économiques et bien davantage à des enjeux politiques. Seul l’Iran semble ici hors-jeu : la conjonction des sanctions américaines, de l’effondrement des cours et de la pandémie de Covid-19, réduit singulièrement sa marge de manœuvre dans la région.
L’aide occidentale que le gouvernement libanais espère pourrait-elle être remise en cause?
Le Liban doit d’abord s’aider lui-même : il doit restaurer la confiance, en restructurant son secteur bancaire, pour que les quelque 7 milliards de dollars, que la diaspora envoyait chaque année, reviennent alimenter l’économie du pays. Car la crise, que traverse le monde, pourrait retarder « l’élan de solidarité » de certains pays vis-à-vis du Liban. Même la France a, en ce moment, d’autres priorités. Pour les États-Unis, leur implication relève d’intérêts opportunistes. Mais les choses bougent. Même si les Américains, les Iraniens et les Libanais nient l’existence d’un accord entre eux, la récente libération des ressortissants américains, français et anglais, détenus dans les prisons iraniennes, de même que la relaxe de Amer Fakhoury, le “boucher de Khiam”, pourraient être interprétées comme un premier signe de détente entre les États-Unis, l’Iran et ses alliés régionaux. Serait-ce aussi l’indication d’un feu vert américain pour le déblocage d’une aide d’urgence pour les deux pays ? À voir.