« Ni moi ni aucun de mes employés n’avons quoi que ce soit à voir dans la rédaction du rapport d’investigations [sur la fortune de Riad Salamé], publié sur les réseaux sociaux au Liban. Je démens formellement les accusations portées contre moi et ma société dans cette affaire », assure le fondateur et PDG du groupe Cristal Crédit, Kevin Rivaton.
L’affaire remonte à quelques mois quand un « rapport d’investigations » sur la fortune de Riad Salamé à l'étranger commence à circuler dans le monde des médias avant que des extraits n'apparaissent ce mercredi sur le compte twitter d’alebanonymous.
Selon cette enquête financière, daté de 2016, le gouverneur de la BDL détiendrait quelque deux milliards de dollars dans différents comptes ouverts dans des paradis fiscaux, en Suisse et au Liechtenstein, mais aussi au Panama et aux Iles vierges britanniques. Une partie de ces comptes apparaît sous son nom propre ; une autre sous des prête-noms. En premier lieu, son frère, Raja Salamé, membre du conseil d’administration de Solidere. En second lieu, Marianne Hoayek, sa directrice de cabinet, récemment nommée conseillère principale du gouverneur et dont le nom figure déjà dans l’affaire des Panama Papers pour une société fondée en 2011, Rise Invest.
Plusieurs virements sont également détaillés dans le rapport, dont un daté de 2012 pour un montant de 90 millions de dollars par la holding de Rami Makhlouf, cousin en disgrâce de Bachar al-Assad, sur un compte détenu par Riad et Raja Salamé à la banque LGT de Zurich en Suisse. « Nos recherches tendent à montrer que le rapport est très bien construit », fait valoir Alia Ibrahim, fondatrice du média en ligne Daraj qui enquêtait sur ce sujet depuis février.
Le rapport est cependant anonyme : ni le nom du prestataire ni celui du commanditaire n’y apparaissent, laissant planer le doute quant à la réalité des transactions décrites et des ambitions de ceux qui ont financé sa rédaction.
C'est un communiqué de la BDL, publié mercredi, qui a pointé du doigt la société française Cristal Credit Group et son fondateur Kevin Rivaton, l'accusant d’avoir forgé un faux.
Fondé en 1997, Cristal Crédit est pourtant un spécialiste de la veille économique. S’il n’est pas le plus gros acteur de ce club très fermé, Kevin Rivaton a su se faire un nom dans le monde de l’enquête financière. « Il a toute mon estime », dit de lui une source le côtoyant. Mais pour la BDL, il est à l'origine de ces «documents falsifiés» et dont la diffusion s’inscrit «dans une campagne orchestrée à l’encontre de M. Salamé et de la BDL», lit-on dans le communiqué.
Le lendemain, jeudi 9 avril, Riad Salamé a même déclaré avoir l’intention d’intenter un procès dans les plus brefs délais tandis que Kevin Rivaton promet, lui, de porter plainte pour diffamation en France. «Nous sommes face à une opération de manipulation. Riad Salamé a jeté mon nom en pâture. Or, je n’ai strictement rien à voir avec cette histoire : je ne traite jamais de figures politiques», répète l’homme d’affaires français qui se considère être la victime du jeu politique libanais.
Que Cristal Crédit Group soit ou pas l'auteur du rapport, la question est de savoir s’il s’agit effectivement d’un faux. «Se non è vero è bene trovato», (NDLR «si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé»), s’amuse un ancien de l’Institut des hautes études de défense nationale en France. Pour lui, peu de doute, ce rapport a été rédigé par un professionnel du renseignement économique mais il ne peut pas en confirmer l'authenticité. « A ce niveau, cela se joue entre une poignée d’acteurs », ajoute-t-il.