Alors que le port du masque s'est généralisé au Liban, les industriels sont sur le pied de guerre pour répondre à la demande et éviter les pénuries.
Dans les unités de soins intensifs, les couloirs des hôpitaux, les usines, les commerces de première nécessité, dans la rue... L’utilisation des masques s’est généralisée au Liban, bien que le ministère de la Santé, s’alignant sur l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ne recommande leur port que pour les patients contaminés par le Covid-19 ou les personnes en contact avec eux. Pour faire face à l’explosion de la demande et éviter le risque de pénuries, les industriels se sont mobilisés.
Plusieurs dizaines d’acteurs du secteur textile, dont l’activité était à l’arrêt depuis le début de la pandémie, se sont ainsi reconvertis dans la fabrication de masques dits « barrière », destinés au grand public. Permettant de protéger la bouche et le nez contre tout contact avec les mains et ayant une protection limitée, les masques barrières sont destinés à diminuer le facteur de risque de transmission générale du virus. Ils ont fait son apparition au Liban avec la propagation du Covid-19.
« Ces masques sont relativement faciles à produire et permettent de diminuer la pression sur les stocks de masques médicaux et de protection respiratoire (FFP2, N95, ndlr), devant être réservés aux soignants, aux personnes présentant des symptômes ou en contact avec des personnes atteintes », explique Léna Dargham, directrice générale de l’Institution libanaise de normalisation (Libnor).
Des petits producteurs de masques "barrière"
Le fabricant d’uniformes Phibraco s’est lancé dans leur production il y a quelques semaines. « L’idée m’est venue en constatant l’augmentation rapide des prix en pharmacie », raconte Fouad Zarzour, le propriétaire de cette PME d’une soixantaine d’employés. Après quelques recherches et tests en interne, l’industriel opte pour la fabrication de masques jetables à trois plis, constitués de deux couches de textile non-tissé et d’une couche de filtre en fibres fondues-soufflées. « Nous produisons désormais plus de 15.000 masques par jour, vendus 1.000 livres libanaises l’unité dans les pharmacies, les supermarchés et aux entreprises », affirme l’industriel.
Beaucoup de ces masques sont aussi lavables et réutilisables. C’est le cas de ceux produits par La Reine, un fabriquant de lingerie et flanelles. « Nos masques à trois plis sont composés de deux filtres et d’une partie centrale en coton opaque », décrit Nasr Abi Nasr, le fondateur de cette PME familiale. « Nous garantissons un blocage de 75% à 85% des bactéries jusqu’à quatre lavages ». L’industriel produit aujourd’hui quotidiennement quelque 5.000 masques vendus au consommateur pour un coût unitaire de 3.000 livres libanaises.
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Dans les deux cas, l’acquisition de filtres a constitué la partie la plus délicate. Un partenariat noué avec un fabricant local de couches-culottes permet aujourd’hui à Phibraco de se fournir ce composant sous forme de produit semi-fini. Dans le cas de La Reine, les filtres sont importés d’Egypte et de Turquie grâce à un apport en « dollars frais ». Pour le reste, aucun investissement majeur n’a été nécessaire : « Nous avions déjà le coton, les machines et la main d’œuvre », explique Nasr Abi Nasr. « Si tout le secteur se met à en produire, je ne pense pas qu’il y ait un risque de pénurie sur ce type de masques ».
Un besoin d'encadrement
La fabrication locale de masques « barrière » n’est cependant pour l’instant que peu supervisée. Le seul prérequis administratif pour les producteurs est de s’enregistrer auprès du ministère de l’Industrie. Les quelques contrôles opérés concernent principalement le respect des normes d’hygiène et de distanciation sociale dans les usines.
Libnor doit publier cette semaine l’ensemble des normes et spécifications techniques détaillées pour tous les équipements liés à la lutte contre le coronavirus, sur la base desquels cette production pourra être mieux encadrée. Ces documents décideront à la fois les normes de production et les tests d’efficacité à conduire.
Ces précisions sont notamment indispensables pour la production des deux autres types de masques, médicaux et de protection respiratoire, « qui doivent prouver leur capacité de filtrage d’au moins 95% des bactéries et d’un certain pourcentage de particules dans l’air selon leur catégorie », explique Léna Dargham.
Vers la production de masques médicaux?
Du fait de leur technicité mais aussi de la difficulté de se fournir en matières premières au Liban, la production de masques destinés au personnel médical prend ainsi plus de temps.
Un grand espoir repose aujourd’hui sur l’initiative du fabricant de produits d’hygiènes Sanita, du groupe Indevco, qui prévoit de se lancer d’ici la fin du mois d’avril dans la production de masques barrières, et de masques médicaux de type 1, soit des masques chirurgicaux simplifiés destinés aux soins. « Notre capacité de production sera d’environ 400.000 unités par jour », annonce Neemat Frem, le PDG du groupe, sans préciser la part de masques médicaux dans ce total. Il estime pouvoir répondre à lui seul à « plus de 80% de la demande locale pour ces deux types de masques, en prenant en considération les aléas de production ».
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Un autre industriel, ClearTrim, fabriquant d’uniformes, dont de tenues médicales, affirme lui être en mesure de fabriquer quotidiennement 50.000 masques de protection respiratoire utilisant des filtres comparables à ceux des FFP2. « Ce serait suffisant pour répondre aux besoins des soins intensifs libanais », estime son PDG Haidar Bazzi.
En attendant la publication de standards de production et la mise en place de tests, les hôpitaux parviennent toujours à se fournir se le marché noir à l’étranger, notamment en Chine, mais au prix fort. « Un masque de type N95, qui filtre 95% des particules présentes dans l’air et qui est utilisé lors de contacts rapprochés avec les malades du Covid-19, coûtait 1,2 dollar avant l’épidémie. Désormais, je le paie 15 dollars », déclarait fin mars au Commerce du Levant Samir Rizk, directeur exécutif du Lebanese American University Medical Center – Rizk Hospital (LAUMC-RH).
Pas de pénurie
Des dons ont également été fait au Liban, dont celui de 50.000 masques FFP2 de la part du transporteur CMA CGM début avril, grâce auquel les stocks devraient désormais suffire jusqu’à la mi-mai, selon les besoins communiqués par les établissements hospitaliers au transporteur maritime.
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Pour préserver leurs réserves de masques en cas d’augmentation du nombre de malades, certains hôpitaux réduisent néanmoins leur utilisation. « Durant le premier mois, nous avons utilisé environ 600 masques pour seulement huit patients hospitalisés, mais ce ratio était trop élevé », ajoute Madonna Matar, présidente de la Société des maladies infectieuses et microbiologie clinique et chef du service des maladies infectieuses et de l'unité d’hygiène hospitalière du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Notre Dame des Secours, à Byblos. « Aujourd’hui, nous limitons au maximum les gaspillage ».