Dans le contexte du coronavirus, le gouvernement a annoncé le 8 avril une aide aux plus démunis de 400 000 livres libanaises par famille vulnérable, pour une enveloppe totale de 75 milliards de livres libanaises. Mais ce mécanisme fait l’objet de nombreuses critiques.
Ce qui lui est reproché ? Sa lenteur et son manque de transparence, notamment concernant les critères d’éligibilité. En gage de neutralité, le gouvernement a confié la distribution des aides à l’armée. Mais les erreurs constatées dans la liste des bénéficiaires, qui comprenaient notamment des personnes décédées ou ne résidant plus au Liban, l’a contraint à reporter le paiement, initialement prévu le 14 avril.
Cette liste avait été initialement constituée grâce à des bases de données existantes, compilant des informations fournies par le Programme national de ciblage de la pauvreté (NPTP) – un programme de filets sociaux mis en place par la Banque mondiale, ainsi que celles de « la Sécurité sociale, des syndicats ainsi que différents ministères », affirme Assem Abi Ali, conseiller auprès du ministère des Affaires sociales.
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Les modalités d’identification des familles ont néanmoins fait l’objet de déclarations contradictoires mentionnées dans un premier temps dans le ciblage des nouvelles familles, et le rôle des municipalités et des “makhatir” n’a par ailleurs pas été explicité.
Pour Adib Nehmé, ancien conseiller régional auprès de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (Cesao), ces errances méthodologiques cacheraient des motifs politique : « Le gouvernement essaye de s’arranger entre les différentes bases de données, en dehors de tout critère scientifique, afin de se laisser une certaine marge de manœuvre clientéliste. »
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Mais cette gestion chaotique est aussi le signe d’une grande méconnaissance des pouvoirs publics sur sa propre population. L’informalité « profite depuis longtemps au système confessionnel, compensant le vide laissé par l’État en distribuant l’aide sociale à travers ses réseaux informels clientélistes », estime Léa Bou Khater, chercheuse au Consultation and Research Institute et maître de conférences à l'Université américaine de Beyrouth.
Elle aura également agi comme révélateur de l’absence d’un socle commun de protection sociale : « Dans les pays où la protection sociale est fonctionnelle, des mécanismes sociaux ont pu être rapidement renforcés et étendus », explique Adib Nehmé. Au Liban, leur absence a contraint à la mise en place laborieuse de nouveaux dispositifs transitoires, comme la distribution directe d’argent en liquide, complétée par ailleurs par de nombreuses initiatives privées de charité.
Pour rectifier le tir, le ministre des Affaires sociales et du Tourisme Ramzi Moucharrafiyé a annoncé le lancement prochain d’une plate-forme en ligne permettant aux familles de déterminer directement leur éligibilité à l’aide d’un formulaire électronique.
Dans l’attente de cette nouvelle base de données – aucune date n’a été communiquée –, la distribution a débuté le 16 avril à destination de groupes spécifiques, comme les victimes de mines et leurs familles ou les familles d'élèves scolarisés dans les écoles publiques.
En parallèle, le gouvernement a envoyé au Parlement un projet de loi pour débloquer une enveloppe de 1 200 milliards de livres libanaises visant notamment à renforcer les filets sociaux, mais il n’a pas été adopté le 22 avril, faute de quorum.