Le risque d’une pénurie de masques à destination du grand public paraît, pour l’instant, écarté. « L’offre de masques est désormais supérieure à la demande », assure le président de l’Ordre des pharmaciens du Liban, Ghassan Hachem al-Amine. Depuis les carences des premiers jours de la crise sanitaire du Covid-19 en mars, les circuits d’approvisionnement se sont en effet améliorés.
C’est notamment le cas des masques médicaux et « barrière » jetables. « Environ 70% des masques chirurgicaux en pharmacie viennent de l’étranger, en particulier de Chine, où ils sont produits en grand quantité et à des prix abordables », explique Ghassan Hachem al-Amine. « Les cas de masques défectueux sont rares chez nous car les importateurs connaissent les fournisseurs ».
Un production locale
Les 30% de masques chirurgicaux restants sont désormais produits localement par une poignée d’entreprises libanaises. Le plus gros fabricant est aujourd’hui le groupe Indevco. Quelques 150 000 masques chirurgicaux et « barrière » jetables, commercialisés sous les marques Medica et Sanita Club, sortent quotidiennement des usines de l’industriel depuis fin mai. Les quantités produites pourraient à terme doubler, la machine utilisée par Indevco ayant une capacité maximale de production quotidienne de 300 000 pièces.
L’Institut de recherche industriel (IRI) n’étant pour l’instant pas en mesure de tester l’efficacité de ces masques au Liban, le groupe affirme que ses produits sont actuellement en cours de certification auprès de laboratoires étrangers.
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D’autres plus petits acteurs, à l’instar du fabricant d’uniformes Phibraco, se sont également lancés ces dernières semaines « Nous produisons aujourd’hui 15 000 masques jetables par jour et la machine que nous avons commandé pour automatiser le processus de fabrication doit nous permettre de passer à 50 000 unités ».
A ces équipements à usage unique, s’ajoutent en plus les masques lavables en tissu fabriqués par un grand nombre de petits ateliers à travers le Liban et commercialisés un peu partout, en dehors du réseau des pharmacies. Le fournisseur d’ameublement Skaff a notamment converti son atelier de fabrication de confection de couvre-lits et de coussins à cet usage. « Nous avons commencé à en fabriquer en février en petites quantité, puis, après avoir trouvé le bon filtre en avril, nous avons augmenté les volumes de production. «Nous produisons chaque semaine environ 10.000 masques mais notre capacité totale pourrait nous permettre d’en fabriquer 30.000», explique Carla Skaff, la responsable.
«Nous nous sommes appuyées sur les normes françaises», affirme-t-elle. Il a en effet fallu attendre début mai pour que des normes locales rédigées par l’Institution libanais de normalisation (Libnor) soient finalement approuvées par le gouvernement .
Un œil sur l’export
Tous ces masques ne sont cependant pas destinés au marché local. Ainsi, alors qu’Indevco donne la priorité au marché local, d’autres ont aussi le regard tourné vers l’étranger. «Nous avons déjà des clients au Qatar et en Arabie saoudite», explique Fouad Zarzour, à la tête de Phibraco. Une petite partie de la production de Skaff est également exportée vers les pays du Golfe et l’Egypte.
La hausse de l’offre sur le marché libanais a, en tout cas, permis de baisser des prix. La boîte de 50 masques chirurgicaux est désormais vendue aux pharmacies autour de 45.000 livres libanaises, contre 75.000 livres dans les premiers jours de la crise sanitaire. Le prix de vente aux consommateurs a, lui, baissé de 2.000 à 1.500 livres en moyenne.
Une dépense quotidienne qui reste toutefois élevée pour une partie des Libanais, particulièrement dans le contexte économique actuel. «Pour une famille de cinq personnes, cela représente un budget d’environ 7.500 livres par jour, soit 225.000 livres par mois ; c’est une dépense conséquente», reconnaît Ghassan Hachem al-Amine.
Ce qui explique que l’utilisation de masques jetables par le grand public tend à diminuer, selon le pharmacien. Aujourd’hui, une pharmacie de taille moyenne écoule environ une boîte de 50 masques chirurgicaux par jour, soit environ 900.000 pièces vendues quotidiennement à travers le pays.
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Les décisions d’achat se reportent parfois sur les masques lavables en tissu, plus économiques sur le long terme car réutilisables après lavage. Ceux de Skaff coûte, par exemple, 8 000 livres libanaises.
Beaucoup renoncent cependant tout simplement au port préventif du masque. «Le nombre de nouveaux cas quotidiens étant relativement peu élevé au Liban, beaucoup de Libanais, notamment en dehors de la capitale, accordent moins d’importance au port du masque », explique le pharmacien, qui estime toutefois que « baisser la garde maintenant est une erreur».
Le bilan de l’épidémie est monté jeudi à 31 décès et 14 nouveaux cas portant le nombre total de contaminations dans le pays à 1.402 cas.