À défaut d’une prise en charge de la part des pouvoirs publics, des associations cherchent à revaloriser des tonnes de verre récupérées après la double explosion du 4 août. Mais avec des moyens très limités.
Des milliers de vitres ont volé en éclats après la double explosion au port de Beyrouth. Combien exactement ? Difficile à dire à ce stade. L’ordre des ingénieurs et des architectes de Beyrouth et l’Organisation des Nations unies parlent pour le moment de 200 000 logements affectés. « Des milliers d’immeubles n’ont perdu que leurs vitres, sans autre dommage, souligne le secrétaire général du Forum arabe pour l’environnement et de développement, Najib Saad. Étant donné la nature de l’explosion, les dégâts sur les vitres ou façades en verre s’étendent sur un périmètre de 10 kilomètres, tandis que les dégâts au niveau des murs et des infrastructures sont limités à un périmètre de 2 ou 3 kilomètres. ». Interrogé par le Commerce du levant, le secrétaire général du Forum arabe pour l’environnement et le développement, Najib Saad, a estimé que 80.000 tonnes de verre avaient été soufflées pendant la double explosion du port de Beyrouth.
Or pour les militants écologistes, ce sont des déchets qu’il faut absolument valoriser. « Le verre n’a rien à faire en décharge ! » s’insurge Julien Jreissati, directeur de Greenpeace Liban, d’autant que ce verre, comme tous les gravats liés à l’explosion posent des risques sanitaires. « Ils peuvent être contaminés par du dioxyde d’azote, une substance toxique rejetée dans l’atmosphère au moment de la catastrophe, qui se transforme en particules. C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut porter des masques N95 lorsqu’on déblaie », rappelle Julien Jreissati.
Pour le moment, les gravats sont ramassés par la société al-Jihad Group for Commerce and Contracting (JCC) – qui gère par ailleurs la décharge de Costa Brava – et entreposés sur un terrain vague. Avant la catastrophe, le Liban croulait déjà sous les déchets ménagers, avec moins de 15 % de matières recyclées et des décharges saturées. Aujourd’hui, en l’absence d’une politique cohérente de gestion du secteur et d’une véritable filière de recyclage, les autorités sont totalement démunies.
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Pour valoriser le verre, la municipalité de Beyrouth s’est donc tournée vers l’association Arcenciel. L’initiative est louable, mais limitée. L’association, qui n’est pas rétribuée pour cette mission, a collecté jusque-là 1 000 tonnes. « Nos camions effectuent de nombreux passages dans les quartiers touchés. Sans compter les particuliers ou les entreprises qui nous déposent ces déchets directement », explique le responsable du programme environnemental, Mario Ghorayeb. Pour l’heure, les débris sont stockés sur un terrain de 6 000 mètres carrés à la Quarantaine mis à sa disposition, en attendant d’être dépollués et analysés pour pouvoir être transformés. « On doit aussi y installer une unité de tri secondaire afin de séparer les différentes catégories de verre ». Arcenciel mise sur une technologie récente, développée par Deakin School of Engineering en Australie, qui permettrait de transformer les débris de verre en sable, réemployé dans la fabrication de béton ou dans la réhabilitation des carrières. Mais pour cela, elle a besoin de 700 000 dollars sur deux ans.
De son côté, Cedar Environmental, une entreprise spécialisée dans la gestion des déchets, collecte également le verre, mais seulement celui qui est tombé à l’intérieur des maisons, afin d’éviter les risques de contamination liés à la présence de particules d’azote. « Les personnes nous contactent par WhatsApp et nous venons récupérer le verre à domicile », témoigne son PDG, Ziad Abi Chaker. Le verre est ensuite envoyé à Tripoli dans des ateliers de recyclage, qui le transforment en différents contenants. « Nous avons déjà envoyé un peu plus de dix tonnes de verre, créant quatre emplois pour des jeunes de Tripoli », se félicite-t-il. L’entrepreneur rachète ensuite la production de ces ateliers, pour la vendre dans des magasins partenaires.
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Mais l’initiative a elle aussi besoin de fonds pour passer à une vitesse supérieure, ne serait-ce que pour couvrir le coût du transport vers Tripoli. Ziad Abi Chaker souhaite en outre étendre son initiative aux souffleurs de verre de Sarafand. « Je travaille avec eux depuis sept ans et ils sont capables de revaloriser vingt tonnes supplémentaires sur les quatre prochains mois », souligne-t-il.