La part de marché des produits libanais par rapport aux produits importés a augmenté ces derniers mois dans la grande distribution. Elle est passée de 26% à 29% en valeur chez Carrefour. L’effet de substitution reste cependant limité en raison du manque de compétitivité et de diversité de l’offre locale.
A quelque chose malheur est bon. Étranglés par la crise, les Libanais se tournent de plus en plus vers la production locale. La consommation de produits fabriqués, ou simplement conditionnés, au Liban a augmenté ces derniers mois par rapport à celle de produits importés, selon les spécialistes de la grande distribution. « Sur de nombreux segments, les alternatives locales sont désormais en position dominante », affirme Nabil Fahed, propriétaire des supermarchés Fahed.
Même constat chez Carrefour, où la part de marché des produits libanais - hors produits frais - est passée de 26% des ventes en valeur en 2019 à 29% en 2020. En volume, elle a augmenté de 32% à 34%.
Céréales, détergents, lessives...
C’est particulièrement le cas dans l’agro-alimentaire, où le "Made in Lebanon" était déjà bien représenté. Une des marques locales de céréales a par exemple vu sa part de marché en valeur passer de 17% à 29% en un an, pour devenir numéro 1 dans les cinq magasins de la chaîne.
Les Libanais plébiscitent aussi les détergents locaux, qui représentent désormais 61% des ventes en valeur, contre 41% il y a un an, et 52% en volume contre 34% en 2019. « Quatre nouvelles marques locales ont fait leur apparition dans nos rayons », souligne le directeur de Majid Al Futtaim Retail - Carrefour Liban, Jean Abdessater.
Lire aussi: L’industrie libanaise à la croisée des chemins
Certaines marques étrangères produites au Liban ont elles aussi bénéficié de la tendance. « Pour la lessive, la marque Persil, fabriquée au Liban par la multinationale Henkel, a mieux tiré son épingle du jeu que ses concurrents importés », illustre Jean Abdessater.
Hausse des prix des produits locaux de 63% en un an
Face à la forte dévaluation de la livre par rapport au dollar, et la crise économique sévère subie par les ménages, la tendance n’a à priori rien d’étonnant, les produits libanais étant censés être moins chers. Mais c’est sans compter le renchérissement des matières premières en majorité importées, qui pèse sur leur compétitivité.
Chez Carrefour, même si elles restent moins chères, les marques libanaises ont connu une hausse de prix plus importante que leurs concurrentes. Le prix moyen des références libanaises a ainsi augmenté de 63% en un an, à 4.070 livres libanaises, contre 54% pour les produits importés, à 4.800 livres libanaises.
« La politique de soutien aux importations de base, assortie du contrôle des prix imposé par le ministère de l’Economie, a permis de freiner l’inflation. Certains importateurs bénéficient aussi du soutien financier de leurs partenaires à l’étranger », explique Jean Abdessater.
Certaines multinationales, comme le suisse Nestlé par exemple, ont relativement contenu leurs prix pour conserver leurs parts de marché. « La donne changera peut-être lorsque les grandes marques importées augmenteront leurs prix dans les semaines qui viennent », observe Jean Abdessater.
Pauvreté de l'offre
Encore faut-il qu’il y ait une alternative locale, ce qui n’est pas toujours le cas. « La dynamique de marché change d’une catégorie de produits à l’autre, et pour que le changement s’opère, il faut au moins un équivalent local disponible en quantité suffisante pour répondre à la demande du marché », relève ainsi Jean Abdessater.
Autre frein à la substitution : le manque de diversité des gammes. C’est notamment le cas pour les shampoings libanais dont la part de marché chez Carrefour a augmenté de 10 à 14% en valeur en un an, mais reste minime.
Lire aussi: Les cosmétiques, future locomotive des exportations libanaises?
Les industriels libanais veulent néanmoins y croire et cherchent à diversifier leur offre. La marque de produits d’hygiène du groupe Malia, Cosmaline, a par exemple « lancé plusieurs nouveaux produits ces derniers mois », raconte la PDG, Joanne Chehab. « Nous voulons saisir toutes les opportunités, qu’il s’agisse de produits de niche ou de masse », conclut-elle.