Déployée progressivement depuis mars dernier, l’application Impact permet de lier les autorités locales et l’administration centrale, et de créer une banque de données transparente pour soutenir les politiques publiques.
En pleine crise politique, économique et sanitaire, le Liban fait ses premiers pas vers le e-gouvernement, avec le déploiement progressif depuis mars dernier de l’application Impact. Fruit d’un partenariat entre l’Inspection centrale et les consultants Siren Associates, spécialisés dans le bien-être social, cette plate-forme permet de faciliter la communication entre les autorités centrales et locales, et de créer une base de données accessibles aux différentes parties prenantes. Objectif: assurer un « niveau de transparence inédit au sein de l’administration », a expliqué la directrice de recherche de Siren, Carole Alsharabaty, lors d’une présentation officielle de l’outil, organisée en visioconférence le 15 octobre.
« Il s’agit d’une banque d’information à laquelle contribuent les autorités locales, les ministères, et certaines ONG partenaires comme la Croix-Rouge libanaise, qui ont chacun un nom d’utilisateur et un mot de passe » a précisé Carole Alsharabaty, ajoutant que « certaines données pourront être consultées par le grand public à travers un site web qui sera lancé la semaine prochaine ».
La plate-forme comprend différents modules, dont l’un des plus importants est celui qui a été développé dans le cadre du projet de développement rural et local, porté par le ministère des Déplacés. Pour cibler au mieux les besoins, les municipalités ou, à défaut, les moukhtars ont été appelés à remplir un formulaire en ligne, divisé en plusieurs catégories: données démographiques, infrastructure, éducation, santé, tourisme, agriculture, industrie, services, mais aussi la situation culturelle et sociale (présence d’ONG, de divertissements, de bibliothèques…) dans chaque localité.« Sans être un recensement, ce formulaire numérique permet d’apporter des estimations très précises et utiles pour la recherche et l’administration publique », a commenté Carole Alsharabaty.
À ce jour, plus de 150 municipalités, englobant 1,2 million de résidents dans les cazas de Akkar, Hasbaya et Hermel, se sont prêtées à l’exercice. La deuxième phase de déploiement, qui inclut le Batroun, le Chouf et Rachaya, débutera ce mercredi.
Identifier les besoins
Les données récoltées permettront aux autorités d’identifier les besoins des localités libanaises de façon transparente et chiffrée, pour « mettre au point des plans de développement plus adaptés et ciblés », a illustré le président de l’Inspection centrale, Georges Attié, tandis que le ministre démissionnaire des Affaires sociales, Ramzi Moucharrafié, soulignait de son côté l’intérêt d’exploiter ces formulaires pour identifier les ménages les plus vulnérables dans le cadre du programme national de la lutte contre la pauvreté.
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Au lendemain de la catastrophe du 4 août, un autre formulaire digital a permis par ailleurs de recenser les dommages subis par 200 institutions publiques situées dans un rayon de 10 km autour du port de Beyrouth. Avec la coopération de l’ordre des Ingénieurs, les informations recueillies ont permis de chiffrer les dégâts à plus 39 millions de dollars.
Au-delà de la collecte de données, l’application est un moyen d’information et de communication entre les différentes administrations, facilitant la coordination tant au niveau vertical qu’horizontal. Les municipalités sont par exemple informées en temps réel des mesures prises dans les localités voisines pour lutter contre le Covid-19, ou encore des risques d’incendies transmis par le Conseil national de la recherche scientifique. À l’avenir, un module sera également développé pour accroître la transparence dans l’attribution des marchés publics.
Surmonter les obstacles
Pour optimiser la plate-forme, le gouvernement devra toutefois surmonter les appréhensions des autorités locales, qui se sentent parfois démunies. Parmi les obstacles à la mise en place d’une vraie administration électronique, les représentants locaux ont cité le manque de consultation des autorités locales, mais aussi l’absence de connexion Internet dans certaines municipalités, le manque d’employés qualifiés capables de travailler sur une plate-forme digitale, ou encore les coupures de courant répétées.
La ministre démissionnaire des déplacés Ghada Chreim, qui dirige le Comité ministériel technique pour le développement rural, s’est toutefois employée à les rassurer en se disant « prête à répondre à toutes leurs préoccupations. Nous avons mis à disposition de tous un numéro sur lequel ils peuvent demander de l’aide », a-t-elle indiqué en soulignant qu’il s’agit d’une « plate-forme dynamique pouvant être améliorée ».
Le coût de développement de l’application, estimé à environ un demi-million de dollars, a été couvert à hauteur de 20 % par l’ambassade du Royaume-Uni. Le reste a été pris en charge par les différents partenaires qui ont travaillé pro-bono. Signe, selon Carole Alsharabaty, « de l’engouement suscité par ce projet ».