Tout va bien, a déclaré en substance le gouverneur de la Banque du Liban dans un entretien télévisé, alors que les détenteurs de comptes en dollars sont de plus en plus lésés.
« Les dépôts sont dans les banques » a assuré mardi soir le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, dans un entretien à la chaîne télévisée saoudienne al-Hadath. Preuve en est : « Entre 500 et 600 millions de dollars sont retirés du secteur bancaire tous les mois », a-t-il poursuivi, sans préciser leur équivalent en livres libanaises.
La question du taux de change n’a pourtant rien d’un détail pour des déposants pas prêts de revoir des billets verts. Le gouverneur a en effet implicitement confirmé la politique de "lirification" des dépôts. « Comme dans tous les pays du monde, les dépôts en devises doivent être retirés en monnaie nationale», a-t-il déclaré comme si le contraire n’était pas la norme il y a encore un an, que la dollarisation de l’économie n’avait pas été encouragée pendant des années par la Banque centrale, et surtout comme si « tous les pays du monde » avaient trois taux de change différents. Le taux officiel appliqué dans les banques n’a en effet plus rien à voir avec la valeur réelle de la livre, qui s’échange désormais au taux de plus de 8000 livres le dollar sur le marché noir, tandis que l’inflation atteint les trois chiffres.
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Pour amoindrir le "haircut" de facto imposé aux détenteurs de comptes en dollars, la BDL avait introduit en avril, à travers la circulaire n°151, le taux dit « du marché » permettant aux déposants de retirer une partie de leurs dollars à 3900 livres, dans des limites définies par les banques. Or celles-ci réduisent les plafonds, dans le cadre de la politique de resserrement des liquidités adoptée par la BDL. Après avoir inondé le marché de livres libanaises, la banque centrale cherche désormais à limiter l’expansion de la masse monétaire pour tenter de freiner la dégringolade de la livre, et juguler l’hyperinflation. Un employé dont le salaire est libellé en dollars et domicilié à la SGBL s’est ainsi vu annoncer qu’il ne pourra convertir que 1500 dollars au taux de 3900 livres ce mois, contre 2000 le mois dernier, ce qui correspond à une perte pour lui d’environ 1,2 million de livres. Un autre, dont le salaire est domicilié à Bank Audi, a vu son plafond passer de 2000 à 1000 dollars. Selon différents témoignages, cela serait aussi le cas chez Bank of Beirut, BankMed et BLC, entre autres.
Contactés par le Commerce du Levant, les services de presse des différentes banques n’ont pas souhaité commenter. Une source bancaire s’est contenté de confirmer, sous couvert d’anonymat, « avoir baissé ses plafonds, comme le font d’ailleurs toutes les autres banques », sans préciser les nouvelles limites applicables.
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Après la dépréciation de la livre, le "dollars libanais", qui ne peut être échangé qu’au Liban, semble donc lui aussi se déprécier, alors que le gouverneur dit « espérer l’unification du taux de change » après l’adoption d’une loi de contrôle des capitaux, en gestation depuis plus d’un an.
Alors que le secteur bancaire est totalement paralysé, Riad Salamé s’est également dit « confiant » dans sa capacité à augmenter son capital avant la fin de l’année. Il n’y aura pas de faillite, a-t-il assuré, en promettant de restructurer le secteur pour lui permettre de reprendre « graduellement » son activité, dès mars 2021.