Pannes, baisse des dépenses de maintenance, coup de frein sur le déploiement de la fibre… le directeur général d’Ogero évoque les implications de la crise économique et sanitaire sur le secteur.
Les problèmes de connexion à Internet sont de plus en plus fréquents. Que se passe-t-il ?
Le principal défi auquel nous faisons face aujourd’hui sont les coupures d’électricité prolongées d’EDL. Notre fonctionnement est étroitement lié aux capacités du réseau électrique. Nous avons des générateurs, mais ils ne sont pas faits pour fonctionner plus de six heures d’affilée et notre budget pour l’achat de fioul est limité.
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La vétusté des câbles en cuivre du réseau secondaire, connectant les cabinets de distribution de quartier aux consommateurs, pose également de fréquentes difficultés. Nous avons aussi expérimenté la semaine dernière plusieurs incidents techniques ponctuels liés au caractère inadapté de certains modems-routers. Beaucoup d’utilisateurs achètent en ce moment des terminaux d’origine douteuse, ce qui facilite la propagation de logiciels malveillants.
La hausse du trafic liée au confinement risque-t-elle de saturer le réseau Internet ?
Il n’y a pas de souci à se faire de ce point de vue. Le trafic a augmenté d’environ 40% depuis le début de la pandémie. Les projets de modernisation du réseau central menés depuis 2017 permettent toutefois de répondre à une hausse pouvant aller jusqu’à plus de 100% du trafic.
Le gouvernement a décidé de doubler le quota d’utilisation et la vitesse de connexion pour les abonnés d’Ogero jusqu’en mars 2021. Quel est l’impact financier de cette mesure ?
Cela représente une baisse de profits de 17% pour le ministère des Télécoms, qui collecte les factures d’Ogero. Mais les revenus de l’État en livres libanaises sur les services de données ne devrait pas baisser énormément car le manque à gagner est compensé par l’augmentation du trafic.
Comment la crise de change affecte-t-elle vos activités ?
Environ 30% des 63 milliards de livres libanaises de dépenses opérationnelles et de maintenance dans le budget d’Ogero, pour les services de données et de téléphonie, se règlent en dollars. Tous nos achats de pièces détachées ou nos projets d’expansion se paient notamment en devises. Pour le moment, la Banque du Liban nous fournit des dollars au taux officiel, ce qui veut dire que les services internet d’Ogero sont subventionnés. Nous avons toutefois été contraints de revoir à la baisse certaines dépenses non indispensables afin d’assurer la continuité des services
Quelles seraient les conséquences d’une levée de ces subventions ?
Ce serait une catastrophe car il n’y a pas de plan B. Ogero ne génère pas de revenus en dollars et dépend de toute façon du ministère des Télécoms. Le gouvernement serait contraint d’augmenter fortement le budget en monnaie nationale et nos tarifs pour les opérateurs privés des lignes E1 et les utilisateurs finaux pourraient être revus à la hausse. Nous n'avons pas d'estimations à communiquer à ce stade.
Quelles sont les conséquences de cette situation sur le déploiement de la fibre optique, qui a débuté en octobre 2018 ?
Le déploiement de la fibre se poursuit mais à une vitesse très réduite. Nous ne travaillons sur ce projet qu’à 20% de nos capacités en raison du manque de devises. Nous prévoyions initialement d’atteindre environ 70% du 1,2 million de foyers visés d’ici à fin 2021. Avec la situation actuelle, nous devrions plutôt atteindre un déploiement de 35 à 37% du projet à la fin de cette année, à condition que la Banque centrale continue à nous soutenir.
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Les opérateurs privés n’ont pas non plus beaucoup avancé car la rentabilité a baissé compte tenu des prix de vente imposés par le Conseil des ministres. Nous réfléchissons depuis octobre 2019 à remplacer la fibre optique par de l’internet fixe sans fil dans les zones rurales. Cette technologie alternative serait plus rapide à mettre en place et permettrait d’économiser environ 60 millions de dollars. Nous avons fait cette proposition au ministère des Télécoms et attendons son aval.