L’armée souffre. Oh la grande et belle surprise! Pour quiconque est payé en livres libanaises, la nouvelle n’a rien de bien singulier. Comme les fonctionnaires de l’État, qui appellent à une grève ce vendredi, comme la plupart des salariés du privé, les soldats ont vu leur pouvoir d’achat balayé. Avec un dollar à plus de 10.000 livres cette semaine sur le marché noir, il n’en reste plus rien. «Vous voulez une armée ou vous n’en voulez pas?» a interpellé ce lundi le commandant en chef, le général Joseph Aoun, en s’adressant à une classe politique qui a gonflé les rangs de l’institution sans se donner les moyens d’en assumer les conséquences.
Pour régler l’affaire, Ali Hassan Khalil a sorti de son chapeau une «mesure d’urgence» dont on louerait la générosité si elle avait une chance d’être d’un quelconque effet: octroyer à chaque soldat un million de livres supplémentaires. L’ancien ministre des Finances est pourtant censé savoir que faire tourner la planche à billets est précisément ce qu’il ne faut pas faire. Mais non, continuons d’imprimer de la livre et payons en monnaie de singe la population qui se plaint. Après tout, les Libanais ne s’en rendront peut-être pas compte! Incapable de proposer la moindre issue à la crise, l’oligarchie communautaire poursuit son éternelle fuite en avant. L’armée, au moins, a le panache d’une solution plus originale : allouer des hommes à la culture de la terre pour espérer les nourrir. Muriel Rozelier |