«De mes vignes, j’ai une vue imprenable sur la ligne bleue, la ligne de démarcation avec Israël…», s’amuse Dany Makhoul. Le jeune homme, d’à peine 25 ans, ne se lasse pas du spectacle. Lui qui a vécu toute sa vie en Allemagne, où sa famille s’était installée il y a 35 ans, le voici revenu «au village», à Rmeich, à 20 minutes en voiture de Naqoura dans le Sud du pays.
«Aujourd’hui, j’y passe huit mois de l’année. La vigne et le vin sont devenus une obsession familiale: on se lève le matin avec l’envie d’aller vérifier que tout se passe bien dans le vignoble», ajoute-t-il.
Les Makhoul se sont lancés en 2017, lorsque Ibrahim, le père, a commencé à envisager sa retraite. «En Allemagne, mon père était distributeur de vins libanais, mais il avait toujours caressé le projet de s’essayer à faire son propre vin», relate son fils.
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Au début, le projet est sans ambition commerciale. Mais il plante malgré tout des cépages internationaux de type sauvignon pour les blancs ou Syrah pour les rouges sur les sept hectares de terrains, dont certains en terrasse, que sa famille détient dans la région. Au fur et à mesure que la famille s’implique, l’idée de créer une marque, Le Domaine de Rmeich, et de l’inscrire dans la route des vins libanais fait son chemin.
Dany Makhoul est en effet persuadé que la crise que traverse le pays est une opportunité: les Libanais qui ignoraient la production locale pour ne jurer que par les Bordeaux français ou les Barolo italiens, se voient désormais contraints de se tourner vers les caves libanaises. «C’est déjà une petite révolution», s’amuse-t-il.
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Pour parvenir à les persuader de goûter les vins de ce nouveau domaine, sa famille a investi 700.000 dollars environ. «Au début, cela a été assez difficile autour de nous. A Rmeich, 80% de ceux qui vivent au village sont des producteurs de tabac. Nous aimerions leur montrer que la vigne peut être une alternative plus saine pour l’environnement, voire rentable. On espère que notre exemple fasse boule de neige».
Selon lui, Rmeich a du potentiel: situé à 600 mètres d’altitude, dans un paysage très vallonné, il bénéficie d’une influence continentale. «C’est clairement moins humide que Batroun», explique l’œnologue qui les conseille, Diana Salamé.
Son premier millésime, le 2019, vient tout juste d’être lancé sur le marché. Avec un blanc, qui marie sauvignon et viognier, vendu 60.000 livres libanaises et un rouge, qui allie cabernet et syrah, à 55.000 livres libanaises, la famille espère vite écouler sa petite production d’environ 10.000 bouteilles.
«Pour nous, la première étape est de nous faire connaître localement. À rebours de ce que les vignerons d’antan avançaient, je crois important de se faire connaître au Liban avant d’envisager d’écouler à l’étranger», conclut-t-il.