À l’appréhension succède une période d’euphorie pour aboutir récemment à une plus grande
prudence. Les banquiers collent à la réalité et évitent les insolvables.

Avant 1995, l’IFC proposait des crédits aux banques commerciales qui voulaient octroyer des prêts logement. Élie Francis, directeur du département marketing de la Bank of Beirut & the Arab Countries, explique : «En 1995, la banque a bénéficié de ces crédits aux conditions spéciales : un minimum de 25 000 $ et un plafond de 150 000 $ pour un appartement, échelonnés sur 10 ans avec un intérêt d’environ 12 %».
«Entre-temps, le marché a bougé, de nouveaux produits ont été créés par les banques, et les crédits logement ont vu le jour à grande échelle depuis environ 6 ans», confirme Élie Aractingi, conseiller du directeur de la BLOM. Par la suite, en 1999, l’avènement de l’Établissement public pour l’habitat a permis aux citoyens aux revenus limités de prétendre aux crédits logement, ce qui a créé un nouveau marché pour les banques participant au programme. (Voir p. 32).

Des conditions sur mesure

D’après les différentes banques, les personnes ayant recours aux crédits logement ont en moyenne 35 ans et leur revenu varie autour de 1 800 $. «Nous acceptons en général les candidats qui peuvent payer le tiers de leur revenu mensuel en traites. Ce sont généralement des employés, des professions libérales et des chefs d’entreprise», précise Yacoub Nadda, directeur du département des prêts logement à la Banque Audi.
Mais les conditions ne s’arrêtent pas là. Selon Nada Moghabghab Fadlallah, directeur du département du crédit au consommateur à l’ABN-Amro Bank, les salariés doivent avoir deux ans d’ancienneté et les professionnels libéraux doivent présenter une preuve de leurs rentrées pour que la banque puisse faire la moyenne sur 2 ou 3 années consécutives de travail».
Les conditions de sélection des candidats ont toujours été rigoureuses, mais avec la crise actuelle de liquidités, les banques ont redoublé de prudence. À titre d’exemple, Nada Moghabghab indique que le salaire minimal exigé a été haussé à 1 000 $, alors qu’il était de 600 $ il y a 3 ans.
Selon Yacoub Nadda, «pour conserver des portefeuilles sains, plusieurs facteurs sont pris en considération : l’employeur, la situation financière du salarié, le secteur économique auquel il appartient, l’historique du candidat s’il a une profession libérale... Ainsi, la Banque Audi refuse entre 15 et 20 % des dossiers présentés».
Comment se comportent les banques avec les personnes qui ne sont plus capables de rembourser les prêts ? «En maintenant des portefeuilles bien étudiés à l’avance, nous essayons d’éviter ce problème. Toutefois, s’il survient, nous commençons par baisser le montant des paiements mensuels et par les rééchelonner sur une période plus longue. Nous cherchons toujours à privilégier des solutions adaptées à la situation du débiteur avant d’arriver au procès», rassure Nada Moghabghab.

Une demande
plus raisonnable

Généralement, les candidats aux prêts optent pour des logements d’une valeur de 60 000 à 80 000 $ aux superficies allant de 100 à 170 m2. Pour Nada Moghabghab, «les régions les plus demandées sont Kornet Chehwan, Beit Chaar, Aïn Saadé, Mansourieh, Ballouneh, Jounieh, Adma, Fatka et Kléiat ; avec seulement 5 % de la demande pour la capitale à cause du prix élevé du mètre carré. Les budgets inférieurs à 100 000 $ se dirigent vers la périphérie, mais nous recevons aussi des demandes pour des anciens appartements à Achrafieh dont le mètre carré varie aux alentours de 800 $».
Selon Yacoub Nadda, «les régions les plus prisées sont celles du Mont-Liban, car Beyrouth est devenu inabordable aux candidats dont 80 % adhèrent au programme de l’EPH contre seulement 20 % aux crédits purs de la Banque Audi».
Les étrangers et les Libanais émigrés constituaient, il y a quelques années, une portion non négligeable des candidats aux prêts logement. D’après Élie Aractingi, «la BLOM avec ses bureaux à Paris, Dubaï, Sharjah et Oman facilite ce genre de transaction. Celle-ci devient cependant de plus en plus rare à cause de la situation régionale instable».
Une situation qui se répercute sur les promoteurs immobiliers qui ont à leur charge des appartements vides en quête d’acquéreurs. «Nous maintenons à l’ABN-Amro de bons contacts avec les agents immobiliers qui font souvent le lien avec les candidats aux prêts. Toutefois, nous n’acceptons pas la vente sur plan, car il faut pouvoir hypothéquer le logement», précise Nada Moghabghab.