L’année écoulée a confirmé la lutte acharnée entre les leaders de la grande distribution.
Mais la bataille ne fait que commencer. On s’attend à de nouvelles manœuvres à partir de 2002.

Au cours de 2001, le paysage commercial libanais a continué son inexorable mutation. La présence d’enseignes internationales a attisé la bataille entre les différents leaders pour s’imposer sur le marché local. Cette concurrence n’est plus uniquement axée sur les prix, sur la diversité des produits et sur les promotions, mais elle est également géographique. Chaque enseigne cherche à s’étendre et à rechercher de nouvelles implantations géographiques.

Achrafieh, vedette de 2001

L’événement majeur de 2001 a été, sans conteste, l’ouverture du magasin Spinneys (2 000 m2) à Achrafieh, rue Mar Mitr. Toutefois, ce choix géographique demeure sujet à de multiples interrogations, puisque le parc des supermarchés à Achrafieh est arrivé à son paroxysme. Pas moins de 4 enseignes parmi les plus importantes du marché se sont agglutinées en contrebas et autour de la place Sassine, chacune étant à moins de 300 mètres de l’autre. En plus de Spinneys, Monoprix a repris depuis décembre 2000 l’ancien emplacement de Abela’s rue Achrafieh. Le Charcutier Aoun dispose de deux enseignes : l’une à la place du supermarché Embassy à Sassine et l’autre sur le boulevard Charles Malek. Pour finir, l’enseigne Saint-Élie est implantée place Sassine. Le comble est que l’on parle d’un hypermarché dans le nouveau complexe commercial ABC.
Cette surconcentration résulte de l’absence de normes spécifiques d’harmonisation des implantations des grandes surfaces. Aucune loi n’interdit à une enseigne de s’implanter en face de son concurrent comme cela est le cas en France par exemple.
D’autre part, en augmentant sa surface de vente à 8 000 m2, Spinneys Dbayé est devenu le plus important hypermarché par sa superficie du Liban. De son côté, l’établissement Bou Khalil a investi dans un supermarché de 1 400 m2 à Zahlé afin de se positionner sur le marché de la grande distribution de la Békaa.
Finalement, l’agglomération beyrouthine avec son potentiel de 1,4 million d’habitants concentre le plus grand nombre d’enseignes. Près de 70 % des supermarchés et des hypermarchés sont localisés dans le Grand Beyrouth. L’hypertrophie est réelle et le déséquilibre demeure flagrant avec le reste du pays.
La présence et le succès des enseignes internationales comme Monoprix et Spinneys ont entraîné une restructuration du paysage et une évolution des stratégies des supermarchés locaux. Par exemple, depuis la fin des années 1990, le groupe Bou Khalil se prépare à cette concurrence. Son entrée à la Bourse de Beyrouth en 1998 (à travers la vente de 25 % de son capital) et la construction d’un dépôt central à Hadeth sont les bases de la politique d’expansion de Bou Khalil au Liban. Également, le Charcutier Aoun a multiplié ces dernières années ses points de vente afin de redynamiser son image sur le marché. Les Coop, elles aussi affectées par la concurrence et des problèmes internes, essaient de sortir d’un état de crise. Une nouvelle gestion et une nouvelle politique marketing tentent de leur redonner un second souffle.

2002 : encore plus…

Malgré la saturation apparente sur le marché beyrouthin, le parc des grandes surfaces va continuer à s’agrandir au cours des années 2002 et 2003. Plusieurs projets sont en cours. Les stratégies d’expansion seront tournées vers de nouveaux marchés dans le reste du Liban. Bou Khalil va ouvrir un petit (900 m2) supermarché “de dépannage” dans le Kesrouan. Spinneys va passer à l’offensive en s’implantant à Tripoli et à Saïda. Il sera en compétition à Saïda avec les supermarchés Bsat et à Tripoli avec Bou Khalil.
De nouveaux investissements sont aussi à prévoir dans le Grand Beyrouth. On se livre à une dernière course aux quelques emplacements encore disponibles et intéressants aux sorties de la capitale et le long des grands axes. La société Cupola Corporation, basée à Dubaï et qui gère Spinneys au Liban, veut investir 20 millions $ pour son expansion à travers tout le pays dont l’inauguration de deux nouvelles grandes surfaces, l’une à Jounieh et l’autre rue de Damas. Spinneys parle, toujours et depuis des années, d’un retour à Jnah à proximité de son ancien établissement (construit en 1967). Le groupe français Casino prévoit d’inaugurer prochainement un hypermarché sous la marque Géant à Bauchrieh et l’enseigne saoudienne Giant Stores va s’implanter à Jbeil
puis à Hazmieh.
Ces nouveaux projets vont, à nouveau, imposer une transformation de la géographie commerciale. La concurrence entre les leaders et les multiples supérettes locales va incontestablement devenir de plus en plus serrée. Dans cette logique, des surfaces non adaptées à cette évolution risquent de disparaître.
La multiplication des déclarations au sujet de futures implantations est également devenue un remarquable outil de propagande. Les différents leaders exposent publiquement et fièrement leurs prochaines stratégies sans toutefois dévoiler avec exactitude ni les localisations ni les dates d’ouverture. Parallèlement, une multitude de rumeurs circulent sur d’éventuels investissements : on entend régulièrement parler d’une future implantation de l’enseigne Carrefour au Liban, d’un hypermarché à Dbayé sur le remblai de Joseph Khoury, d’un Monoprix à la Quarantaine et au centre-ville dans les souks de Beyrouth ou d’un Spinneys à Broummana. “Intox” ou vérité, la compétition se joue également à ce niveau.


Principales sources : Syndicat des propriétaires des supermarchés au Liban (SPSL) ; Chaouki Bou Khalil, directeur, copropriétaire des établissements Bou Khalil et président du SPSL ; Ibrahim Medawar, responsable marketing à l’UCCM ; Ali Berro, directeur du bureau technique des prix au ministère de l’Économie et du Commerce.