Le quartier Hamra compte 24 hôtels dont la plupart sont des gestions locales qui bénéficient
d’une réputation “historique”. Face aux grands noms internationaux, ils réussissent à tirer
leur épingle du jeu. Explications.

C’est la plus importante concentration d’établissements hôteliers au Liban, dans un rayon de 2 km2. Le quartier Hamra demeure toujours une importante destination touristique, avec un parc hôtelier très hétérogène qui regroupe un large panel d’enseignes et de prestations (voir tableau).
En 2002, 83 % des hôtels de Hamra ne sont toujours pas affiliés à des groupes internationaux. Seuls Gefinor, Commodore, Berkeley et Napoléon sont respectivement associés aux chaînes Rotana, Le Méridien, Mercure et Best Western. Dernièrement, deux établissements ont d’ailleurs rompu leur contrat international pour récupérer leur autonomie. Le Bristol n’est plus dans le réseau du géant américain Starwood et l’hôtel Versailles a quitté le groupe Howard Johnson.
Dans le paysage hôtelier actuel, les petits indépendants de Hamra demeurent très actifs. Pourtant, épisodiquement, on annonce leur disparition à moyen terme face à l’arrivée très médiatisée de chaînes internationales. Il n’en est rien. Au contraire, les recettes de cette longévité sont simples et se résument à une politique tarifaire adaptée à une clientèle très ciblée, à une réputation de longue date et à une singularité propre.

Un travail de fourmi

Ces indépendants bénéficient d’une bonne image de marque auprès d’une clientèle essentiellement européenne de classe moyenne. «Durant la guerre, nous étions le QG des médias internationaux qui couvraient les événements. Quinze ans après, ces mêmes médias choisissent toujours aussi fidèlement notre hôtel», confirme Nadim Safa, responsable des relations publiques à l’hôtel Cavalier. En effet, de nombreux hôtels sont implantés à Hamra depuis de longues années et jouissent d’une certaine notoriété et d’une bonne publicité. «Aujourd’hui, l’hôtel capitalise sur la réputation qu’il s’est faite depuis plus de 40 ans», explique Mounir Samaha, propriétaire du Mayflower, fondé en 1956.
Incontestablement, ces petits hôtels veulent se démarquer des palaces haut de gamme standardisés, impersonnels. Et à défaut d’avoir des chambres ultramodernes, une décoration high-tech et un service à la minute près, les hôtels de Hamra jouent la carte de la convivialité, en maintenant un bon rapport qualité/prix et en s’offrant le luxe des relations plus privilégiées avec le client. «Notre hôtel ne s’adresse pas à la clientèle qui recherche le “show off” en se montrant dans un hôtel prestigieux», explique le directeur général du Casa d’Or.
De ce fait, la majorité des hôtels indépendants fonctionne avec des atouts un peu particuliers. «Notre meilleure politique marketing et la base de notre réputation sont le bouche-à-oreille. Ceci est plus efficace et moins fragile qu’une campagne publicitaire dans les médias. Si notre clientèle est satisfaite de nos prestations, elle fera automatiquement notre publicité auprès de ses proches», souligne le directeur général du Casa d’Or. Et ça marche. Mentionnés et recommandés dans de nombreux guides touristiques européens – par exemple Guide du Routard, Petit Futé, Lonely Planet, Footprint –, ces petits hôtels réussissent parfaitement à s’imposer dans le marché. «Nous ne sommes affiliés à aucun tour-opérateur ni aux réseaux de réservation. Nous avons juste une adresse e-mail et l’hôtel est mentionné dans les différents sites touristiques libanais sur Internet. Cela est suffisant pour nous permettre d’avoir un taux d’occupation en 2001 de 75 %», explique Yaacoub Jarouj, propriétaire de Mace, l’un des hôtels les moins chers du quartier avec une chambre simple à 25 $. Et ce n’est pas une exception : le Casa d’Or a affiché un taux d’occupation de 65 % en 2001 et le Cavalier 50-60 % au 1er trimestre 2002.

Une rentabilité plus accessible

Il faut dire que ces hôtels bénéficient d’une localisation privilégiée : centre estudiantin, espace hospitalier, quartier commerçant, pôle bancaire, lieu des affaires et des loisirs, la centralité de Hamra réside dans la diversité de ses fonctions. «Hamra reste le plus important quartier économique du Liban», souligne Safa.
Toutefois, avec 46 nouveaux hôtels au Liban au cours de ces 6 dernières années, la compétition est de plus en plus féroce. En réponse à une situation régionale toujours instable, et à cette logique concurrentielle, la guerre des prix a bien lieu. Et tout le monde s’y met. Même les grandes chaînes internationales offrent des tarifs attractifs pour remplir leurs chambres. Les indépendants ont dû s’aligner à cette stratégie. «Normalement, la nuitée dans une chambre simple coûte 102 $, aujourd’hui, nous la proposons à 55 $ avec le petit déjeuner. Si même les grands hôtels cassent leur prix, nous sommes obligés de suivre», dit Safa. Toutefois, les établissements indépendants semblent moins vulnérables aux difficultés actuelles. «Pour la plupart, nous sommes propriétaires de nos murs. Ainsi, nous pouvons fonctionner avec des taux d’occupation de 30 à 40 % ; par contre, si les chaînes internationales ont un taux inférieur à 55 %, elles sont déjà dans le rouge», conclut Samaha. CQFD.