Le paysage de l’espace commercial à Beyrouth est en pleine mutation. Finies les certitudes nées des découpages géographiques postconflit. Les idées reçues et consommées cèdent la place à
un rééquilibrage des marchés. Des analyses, quartier par quartier, pour économiser quelques millions.

Cela n’aura échappé à personne. Le retour spectaculaire du centre-ville est en train de modifier progressivement le paysage commercial de l’agglomération beyrouthine. Parallèlement, les différents quartiers commerçants de Beyrouth, comme dans toutes les grandes villes mondiales, sont sujets à des cycles liés à divers éléments conjoncturels (économiques, démographiques et politiques). En perpétuelle mutation, il faut admettre l’idée que ces espaces marchands ne sont pas de simples entités stables et figées – comme pourraient l’être les surfaces résidentielles –, mais demeurent des réalités évoluant suivant plusieurs logiques de rentabilité. Ainsi, chaque espace bouge, vit, s’étale, mais aussi s’essouffle, sature et suffoque. Dans ce jeu complexe de périodicité, le marché de l’immobilier commercial change sans cesse, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas.
Aussi, nous vous proposons un état des lieux du commerce à travers les plus importants quartiers marchands de Beyrouth et sa proche banlieue. Avec les scénarios possibles ou probables.
Centre-ville :
la vedette du jour

Incontestablement, l’année 2001 a été celle du boom du centre-ville de Beyrouth.
«Brusquement, il s’est réveillé», précise Mario Méhanna, directeur général de Patrimoine Conseil, consultant en immobilier. En l’espace de quelques mois, tout s’y est accéléré. Le début de l’année 2002 le confirme amplement. Les faits sont là, les restaurateurs s’y sont précipités et les plus grandes enseignes internationales cherchent à s’y implanter. Du coup, le marché de l’immobilier y a connu une agitation spectaculaire.
Les premières fonctions commerciales sont apparues dès la fin de 1999, alors que le centre-ville était encore partiellement rénové et les rues demeuraient désertes. Pourtant, quelques pionniers ont pris l’initiative de s’y implanter : Casper & Gambini’s en octobre 1999, Bang & Olufsen en février 2000, Le Cercle Hitti en mars 2000 et Versace en juin 2000, pour ne citer que ceux-là, éparpillés entre Maarad, Foch et Riad Solh. «Certaines transactions ont atteint des sommes importantes. On a parlé d’une vente à 9 000 $ le m2 dans l’immeuble Atrium rue Weygand», explique Méhanna. Au début, les propriétaires immobiliers (suivant les prévisions de Solidere) ont vendu autour de 5 000 $ le m2 ou ont loué à 500 $ le m2 par an. «Selon des contrats de location progressifs, le locataire payait 40 % du loyer la première année, puis 60 % la seconde, etc., cela faisait des loyers annuels de départ à 200 $ le m2. Ces chiffres étaient, tout de même, très élevés pour un espace qui était vide. Il aurait été sans doute plus judicieux de commencer à des prix plus abordables pour remplir plus vite le centre-ville», note Joe Kanaan, PDG de Sodeco Gestion, spécialiste en gestion immobilière et du marché immobilier en général.
Le secteur de la restauration connaît un développement considérable. En l’espace de quelques mois, une cinquantaine de restaurants et de cafés se sont installés le long de la rue Maarad, autour de la place de l’Étoile et dans le quartier Foch-Allenby. L’engouement populaire a suivi. À partir de l’automne 2001, la demande des restaurateurs fut très importante. Les propriétaires immobiliers en ont profité pour augmenter leur prix. Selon Kanaan, les loyers ont augmenté de 60 % en l’espace de quelques mois. «Au début, les propriétaires demandaient des loyers de 50 000 $ par an pour une surface moyenne, puis ils acceptaient à 40 000 $, aujourd’hui, on leur propose 80 000 $, ils refusent et réclament 100 000 $», ajoute Kanaan. Toutefois, depuis cette surenchère, les commerçants se sont sentis pris au piège et la flambée des prix s’est apaisée au début 2002. Et cette hausse des prix a commencé déjà à faire quelques victimes. Selon nos informations, 11 restaurants qui avaient accepté des loyers prohibitifs cherchent des repreneurs. En effet, avec des loyers moyens de 700 $ le m2 par an, les restaurants se sont agglutinés dans l’un des espaces les plus onéreux de la ville. Beyrouth est-il un cas à part lorsque l’on sait que dans les grandes capitales du monde les quartiers des restaurants ne se trouvent pas nécessairement dans les rues les plus chères. Seuls les fast-foods peuvent se permettre ce type de stratégie.
Dans l’attente de l’inauguration des souks de Beyrouth (voir encadré), le développement commercial s’est surtout focalisé sur la zone piétonnière de Foch-Allenby. Ce quartier offre une variété architecturale avec ses immeubles rénovés, appréciée des flâneurs locaux et des touristes. La proximité de plusieurs parkings environnants est également un atout important. Les loyers annuels diffèrent d’une rue à une autre, mais la fourchette se situe entre 600 à 700 $ le m2. Plusieurs enseignes connues se sont déjà implantées comme Versace, Tod’s, Timberland, Springfield, Florsheim et bien sûr l’imposant Aïshti. Quelques nouvelles franchises doivent suivre, telles Ermenegildo Zegna, Hugo Boss et Swarovski. Incontestablement, les enseignes locales et internationales recherchent le prestige véhiculé par le nouveau centre-ville. «Maintenant, la grande mode est d’être à Solidere. Tout le monde se dispute pour y avoir sa boutique ou son restaurant. C’est nouveau et beau, cela attire les investisseurs», confirme Patrick Geammal, vice-président de Ascot, spécialiste en courtage immobilier. Aussi, une boutique à Foch-Allenby reste une adresse symbolique et offre une excellente visibilité. Il s’agit d’une façade de prestige à défaut d’être déjà un emplacement rentable. «Chaque boutique doit avoir cependant les reins solides pour au moins 3 ans», ajoute Kanaan. En effet, le centre-ville n’est pas encore une destination commerciale. Au cours de la journée, les clients sont rares. On est loin du flux de clientèle de l’ABC de Hamra ou des galeries marchandes de Verdun. Malgré ce constat, les prix du commercial restent à un niveau très élevé. «Il y a quelques mois, on ne trouvait pas d’acheteurs à 5 000 $ le m2 ; maintenant que les prix se situent à 6 000-7 000 $ le m2, les preneurs se bousculent. L’offre y est même devenue limitée», précise Méhanna. Selon Kanaan, les futurs immeubles résidentiels de luxe en front de mer (Park View et Karagulla) proposent des locaux commerciaux à 9 000-10 000 $ le m2. Dans le secteur des locations, on ne trouve plus rien à 500 $ le m2, les prix sont passés à 600-700 $ le m2 par an. Certains conseillers en immobilier demeurent toujours perplexes. «Je m’interroge sur le bien-fondé de payer aujourd’hui de tels prix aussi élevés dans un espace qui se résume à des restaurants et quelques boutiques d’habillement», explique Méhanna. Pour Kanaan, la meilleure solution est l’attentisme pour savoir comment vont évoluer les commerces et le marché.
Verdun : le pays du luxe

Le développement commercial de la rue Verdun (officiellement, rue Rachid Karamé) est relativement récent.
Cette rue a connu un essor spectaculaire à partir des années 1990, qui s’est traduit par la multiplication des projets commerciaux, le plus souvent sous la forme d’imposantes galeries marchandes de plusieurs niveaux (Plaza 1, Plaza 2, Dunes, Verdun 730 et Verdun 732).
À son apogée en 1999, Verdun fut la 33e rue la plus chère du monde avec un loyer moyen de 800 $ le m2 par an (la première étant l’Avenue Madison à New York avec 5 900 $ le m2). Aux emplacements les plus chers situés entre l’épicerie fine Goodies et le boulevard Mazraa, les ventes étaient en moyenne de 9 000 à 10 000 $ le m2. Par exemple, la boutique Charles Jourdan dans l’immeuble Ibiza a été vendue entre 8 000 et 9 000 $ le m2.
De 1997 à 2001, la demande fut considérable. Une multitude de boutiques déjà implantées à Kaslik et à Achrafieh s’installent dans les différentes galeries marchandes. «Le boom de Verdun a été une révolution sur le marché», souligne Raja Makarem, directeur de Ramco, opérateur immobilier bien établi. Aujourd’hui, la rue Verdun cumule la plus importante concentration d’enseignes internationales au Liban (environ 120 franchises).
Le succès considérable de la galerie Dunes en est une parfaite illustration. Ce complexe réunit dans un même espace plus de 40 boutiques, 6 salles de cinéma, un espace de loisirs avec des pistes de bowling, des restaurants et le seul hôtel Holiday Inn du Liban – qui est très apprécié de la clientèle des pays du Golfe. Les samedis et les fins d’après-midi, Dunes attire une foule considérable. «Aujourd’hui, l’activité commerciale à Verdun est beaucoup plus importante que celle du centre-ville», souligne Geammal. Il y a toujours une forte demande à Verdun, pourtant l’espace est pratiquement saturé. Les ventes se situent entre 7 500 à 10 000 $ le m2. En moyenne, les locations sont de 700 $ le m2, mais les meilleurs emplacements se négocient à 1 000 $ le m2 par an. La nouvelle galerie marchande Verdun 732 a été entièrement occupée en l’espace de quelques mois avec des ventes à 8 000 $ le m2. Toutefois, Verdun n’a plus d’espaces disponibles hormis dans les galeries (Verdun Plaza 1 et 2) devenues démodées et peu attirantes. De nouveaux immeubles vont prochainement être inaugurés tels JM Plaza et Verdun Twins à proximité du centre Concorde. Il sera intéressant de voir quels commerces désireront s’y implanter. Cela sera un bon indice du maintien de l’attractivité de Verdun par rapport au nouveau centre-ville.
«Actuellement, Verdun a atteint une certaine maturité, mais elle est encore trop jeune pour perdre de la vitesse. Le centre-ville ne va pas dans l’immédiat rayer Verdun du paysage commercial», explique Méhanna. Dans cette probabilité d’une concurrence avec le centre-ville, l’Association des commerçants veut améliorer l’image de Verdun. Un projet urbain d’embellissement doit donner un nouveau look à la rue. «Les travaux vont commencer cet été, il s’agit de rénover les trottoirs, d’installer un nouveau système d’éclairage et de planter des arbres tous les 20 mètres. Cela va coûter 2,5 millions $. On prévoit également d’adapter la rue en sens unique, du nord vers le sud», précise Raymond Nahas, président de l’Association des commerçants de la rue Verdun.
Hamra :
une résistance étonnante

«Hamra est toujours la meilleure rue commerçante du Liban», semblent affirmer les pros de l’immobilier commercial.
Les prix des meilleurs emplacements attestent de la position de cette rue marchande sur le marché. Par exemple, en 2002, les contrats de location les plus élevés peuvent atteindre 800 à 1 000 $ le m2 par an. Pourtant, l’évolution urbaine et commerciale de Hamra est riche en mutations et en rebondissements. L’ancien quartier moderne de Beyrouth a connu son heure de gloire au début des années 1970. «Le mètre carré valait 16 000 LL quand le franc français était à 0,46 livre. Hamra était plus cher que les Champs-Élysées», se souvient Méhanna. Puis, suite à la guerre, la rue a perdu de son éclat. Aujourd’hui, l’activité nocturne a disparu. La nuit, Hamra est sombre et offre un alignement de portes blindées. La plupart des cinémas sont fermés (Piccadilly, Strand, Colisée) ou réaménagés en grands magasins (Eldorado et prochainement Al-Hamra). Les anciens cafés-trottoirs (Le Café de Paris, Modca et Wimpy) sont devenus pathétiques avec leur décor ringard. Les principaux immeubles de bureaux ont des façades dégradées. La route, les trottoirs et les arbres ont un besoin urgent d’entretien (un projet de rénovation est en cours depuis mars). Hamra a donc progressivement tourné la page de son passé. Mais cela n’a en rien freiné son dynamisme commercial.
Au contraire, aujourd’hui, le quartier offre un nouveau paysage plein de diversités et de contrastes. Sa force est liée à sa structure commerciale hétéroclite qui associe des franchises internationales, les plus grandes enseignes locales et une multitude de petites boutiques. Tous les publics sont visés. «Avec son hétérogénéité, Hamra est en 2002 comparable, en plus moderne, au vieux centre-ville d’antan», ajoute Méhanna. Ainsi, le quartier bénéficie toujours d’un important pouvoir symbolique. Ceci se manifeste par une demande constante qui contribue à la stabilité des prix. Une boutique se vend environ à 4 000-5 000 $ le m2 et les locations varient en moyenne de 400-500 $ le m2 par an. Toutefois, il y a peu d’emplacements disponibles. Les rares opportunités sont soit bloquées à la suite de contentieux, soit dans des galeries marchandes inhospitalières, soit encore parce que les propriétaires demandent des prix exorbitants et injustifiés.
Néanmoins, l’inauguration en mai prochain du Taj Tower à la fin de la rue Hamra constituera une nouvelle étape vers un renouveau de Hamra. Le Taj Tower est un vaste projet immobilier constitué de l’hôtel 5 étoiles Crowne Plaza de 198 chambres, d’une galerie marchande de 6 500 m2 avec 67 boutiques, de 2 salles de cinéma et d’un espace loisirs de 1 000 m2. Selon nos informations, les contrats de location commenceraient à 1 000 $ le m2 par an. Pour Méhanna, ce projet, ajouté à l’arrivée de nouvelles enseignes comme Starbucks, Intimissimi, Big Star, Passa Parola, ou La Pause Gourmande, représente un «lifting» pour Hamra qui va ainsi retrouver progressivement une seconde jeunesse.
De plus, la région de Hamra se compose de plusieurs rues marchandes aux dynamiques hétéroclites. Le long de l’Université américaine, Bliss est devenue la rue des fast-foods locaux et internationaux. Fini les noms mythiques de Faysal ou de l’Uncle Sam ; désormais, les enseignes sont McDonald’s, Burger King, Dunkin’ Donuts ou Hardees. «Les meilleurs emplacements ont été vendus à des sommets allant jusqu’à 8 000-9 000 $ le m2», ajoute Makarem. Aujourd’hui, les prix restent soutenus, étant donné la demande toujours constante. La moyenne des ventes est de 3 500 et 4 000 $ le m2. Bliss connaît une vie nocturne animée qui contraste avec le calme de la rue Hamra.
La rue Makdissi a connu un développement rapide à la fin des années 1990, en se spécialisant dans le commerce de l’habillement. «La force de Makdissi est cet alignement, de chaque côté de la rue, des belles vitrines», précise Makarem. La présence du megastore GS (plus de 1 000 m2), l’arrivée de franchises européennes (Etam, Eternity, Original Marines) et la rénovation de plusieurs boutiques ont donné à cette rue un essor important. «Néanmoins, les commerces de la rue Makdissi sont très regroupés, de l’hôtel Cavalier à la banque HSBC. Il n’y a pas de possibilités d’expansion, ceci sera un handicap à l’avenir», ajoute Makarem.
La rue Abdel Aziz qui, à proximité de l’hôpital américain, regroupe des centaines de cabinets médicaux est un axe très fréquenté et s’est spécialisé, entre autres, dans le commerce de l’optique. Les prix des locaux commerciaux se situent entre 2 500 et 3 000 $ le m2.
Achrafieh : les 3 axes

Le quartier Achrafieh est constitué de trois zones commerciales différentes : Fouad Chéhab-Sofil, avenue Élias Sarkis-Sassine et la région de Sodeco. Chacune a connu des dynamiques et des évolutions distinctes.
La zone la plus chère se situe le long du boulevard Fouad Chéhab-Charles Malek qui relie l’immeuble Bourj al-Ghazal (Tabaris) au centre Sofil. Cet axe est avant tout un important axe tertiaire qui regroupe de nombreux immeubles de bureaux occupés par des ambassades européennes, des agences et des sièges sociaux de banques (BNPI, ABN Amro, Crédit Lyonnais, prochainement banque Saradar). À ces fonctions financières, quelques enseignes internationales (Agnès B, Guess, Jacadi, Kipling) s’y sont implantées. Le carrefour Sofil constitue un lieu très attractif avec ses prestigieuses joailleries (Hakim, Assi, Mrad, Tabbah, Tufenkjian, Bvlgari et Salamoun). Cette particularité en fait l’espace le plus cher d’Achrafieh, les ventes se situent entre 3 000 et 4 000 $ le m2. «Dans l’immédiat, il n’y a pas d’équivalent à Solidere ; mais à l’avenir, le développement de ce type de fonction au centre-ville aura des répercussions», estime Kanaan. De plus, le départ de Aïshti pour la rue Moutran reflète sans doute une situation complexe dans laquelle le boulevard se retrouve trop proche du centre-ville pour avoir sa propre identité commerciale. Le déclin progressif du cinéma Empire en est déjà la preuve.
La place Sassine est devenue un espace dominé par les cafés-trottoirs et la restauration rapide. La transformation du cinéma Élysée en boutique d’informatique n’a pas eu d’incidences négatives. Les fonctions commerciales se sont concentrées le long du boulevard Élias Sarkis qui s’étire de Sodeco à Sassine. Large avenue, bordée d’immeubles de standing, d’immeubles de bureaux, cet axe a connu depuis quelques années un rapide développement commercial. En règle générale, les prix y sont inférieurs à ceux du boulevard Fouad Chéhab-Charles Malek. Les ventes se négocient autour de 3 000 $ le m2 et les locations se situent entre 250-300 $ le m2 par an. Toutefois, l’avenir de Sassine va être lié à l’imposant complexe commercial (35 000 m2) de l’ABC qui est en construction en contrebas de la place. Pour Geammal, le projet est une excellente initiative. Ceci va donner un nouvel élan à la région. ABC sera le lien parfait entre les autres quartiers marchands d’Achrafieh qui sont Sodeco, Sassine et Sofil. «Si les promoteurs proposent des prix justifiés, soit une location annuelle de 300 à 400 $ le m2, le complexe de l’ABC s’imposera comme un Verdun n° 2», conclut Geammal.
La rue Petro Trad plus connue sous le nom de Sodeco a perdu de son prestige d’antan. Cette petite rue marchande située au cœur de Beyrouth n’a jamais retrouvé son statut d’avant-guerre. Pourtant, la rue Sodeco a une structure commerciale diversifiée avec des commerces d’antiquaires, des bijouteries, des cafés, des pâtisseries, des boutiques d’habillement dont des franchises internationales comme Prenuptia et Sonia Rykiel. Malgré un léger essor au milieu des années 1990, Sodeco n’a pas réussi à s’imposer par rapport aux autres rues marchandes haut de gamme comme Kaslik, Verdun ou Sofil. «Aujourd’hui, la demande est très faible», précise André Kosremelli, président de l’Association des commerçants de Sodeco et de ses transversales. En effet, l’absence de parking ne favorise pas le développement de la rue. Le marché immobilier a chuté depuis 4-5 ans. De 200-250 $ le m2 par an, les prix sont passés à 150 $ le m2. La vente se situe autour de 2 000 $ le m2. «Aujourd’hui, je n’arrive pas à vendre à 2 500 $ le m2», ajoute Kanaan. Parallèle à Sodeco, la rue Monnot a connu un boom retentissant ces dernières années, surtout auprès des jeunes, avec une multiplication de restaurants et essentiellement de pubs. Inévitablement, les prix très hétéroclites ont décollé. Les loyers varient de 200 à 400 $ le m2 par an.
Accolé à la rue Petro Trad, le centre Sodeco Square (inauguré en 1997) est une zone commerciale avec des restaurants et 6 salles de cinéma gérées par le Circuit Empire. Ses activités ludiques attirent un flux constant de clientèle. Les deux niveaux commerciaux du centre sont presque pleins. Il reste très peu d’espaces disponibles. «Sodeco Square est une réelle réussite commerciale. Il est bien situé, bien conçu. Le promoteur (Jamil Ibrahim) a eu une politique de prix très raisonnable, soit 20 à 30 % en dessous du marché», note Méhanna. Les ventes ont été conclues de 2 000 à 3 000 $ le m2. Aujourd’hui, les contrats de location sont de 200 $ au premier étage jusqu’à 250 $ le m2 par an au rez-de-chaussée.
Furn el-Chebback :
intersection commerciale

La principale force de Furn el-Chebback est sa localisation entre Achrafieh et la banlieue sud-est.
Située sur un axe routier important de Beyrouth, la rue de Damas, Furn el-Chebback se trouve à proximité de quartiers résidentiels à forte densité, précise Fouad Jalgha, président de l’Association des commerçants de Furn el-Chebback. Elle comprend plus de 400 boutiques en incluant les activités ludiques et de restauration dans l’immeuble Abraj. Sa structure commerciale n’a cessé de se développer depuis 40 ans. D’une petite rue marchande, elle est devenue un pôle marchand très connu à Beyrouth. Progressivement, Furn el-Chebback s’est spécialisée dans l’habillement. «La plupart des grandes boutiques libanaises y ont une succursale. Cela prouve que Furn el-Chebback constitue une rue appréciée par la clientèle et les investisseurs», ajoute Jalgha. De plus, plusieurs boutiques internationales telles que Benetton, Naf Naf, Kookaï, U2 y sont présentes et touchent une clientèle jeune. Et l’arrivée de Big Sale, enseigne spécialisée dans les articles à bas prix, constitue une nouvelle tendance à Furn el-Chebback. Comme son concurrent Eldorado Shopping Center de la rue Hamra, qui a pris la place d’un ancien cinéma, Big Sale a réaménagé le cinéma Scala en un vaste magasin de 2 200 m2 sur 3 niveaux. Selon un agent immobilier, Big Sale a un loyer annuel de 120 000 $, soit 50 $ le m2 selon un contrat de 2 ans avec une option d’achat après la seconde année.
En 1998, un local commercial à Furn el-Chebback se vendait entre 3 000 et 5 000 $ le m2. Aujourd’hui, selon Jalgha, les ventes ne dépassent plus 3 000 $ le m2 et les locations annuelles sont en moyenne de 150 $ le m2. Cette tendance à la baisse peut être associée à différents éléments qui nuisent à l’image commerciale de Furn el-Chebback : l’étroitesse ou l’absence de trottoirs, le manque de parkings, le trafic très dense (malgré la nouvelle voie rapide qui relie Adlieh à Hazmieh) et l’état déplorable de la route. L’Association des commerçants a proposé un plan de rénovation aux autorités publiques concernées. Elle attend une réponse.

Mar Élias :
structure hétéroclite

La rue Mar Élias s’est développée dès la fin des années 1970 suite à l’arrivée d’anciens du centre-ville qui désiraient avoir un commerce à proximité de leur domicile.
En 1976, Mar Élias n’avait que 20 boutiques. Au cours des années 1980, cette rue située au cœur d’une région résidentielle très dense (Tallet el-Khayat, Zarif, Mousseitbé) s’est rapidement transformée en rue marchande. Aujourd’hui, elle regroupe une multitude de fonctions avec des dizaines de cabinets médicaux, 15 agences bancaires, 25 bijouteries et quelque 270 boutiques. Ainsi, Mar Élias a réussi à trouver sa place surtout qu’elle a bénéficié d’un projet d’aménagement en 1997 qui lui a donné une nouvelle image (élargissement et rénovation des trottoirs, nouveau système d’éclairage, bancs publics, retrait des lignes électriques illégales). En 2002, la structure commerciale de Mar Élias demeure très hétéroclite. On trouve quelques noms connus comme GS, Patchi et Red Shoe. Par contre, il y a très peu d’enseignes internationales. Mar Élias constitue essentiellement une vitrine pour des commerces indépendants issus de petites industries textiles locales.
Les meilleurs emplacements se vendent autour de 3 000-3 200 $ le m2. Sinon, la moyenne des ventes se situe entre 2 500 à 2 700 $ le m2. Aux extrémités de la rue Mar Élias, les prix sont de 2 000-2 200 $ le m2. En moyenne, les locations varient de 150 et 350 $ le m2 par an. «En l’espace de 8 mois, 32 nouvelles boutiques ont été inaugurées. Et il y a une forte demande. De nombreux commerçants viennent de Zalka, de New Jdeidé et de Jounieh pour dédoubler leur enseigne à Mar Élias», explique Adnan Fakhani, président de l’Association des commerçants de Mar Élias. Pourtant, l’offre reste très limitée. Les emplacements disponibles sont rares et il n’y a pas de nouvelles constructions en projet. Face à la concurrence des autres rues marchandes de la ville, l’Association des commerçants ne veut pas rester attentiste et cherche de nouvelles solutions pour maintenir la bonne image de Mar Élias. La mise en place de parcmètres doit voir le jour pour tenter de régler le problème du stationnement. De plus, l’Association essaie de contacter des investisseurs pour ouvrir des cafés-restaurants afin d’avoir des lieux publics pour la clientèle.

Bourj-Hammoud :
le savoir-faire arménien

Depuis de nombreuses années, Bourj-Hammoud a la réputation d’être un vaste quartier commerçant essentiellement tenu par des Arméniens.
Paul Ayanian, président de l’Association des commerçants de Bourj-Hammoud, le confirme. «Sur les 500 boutiques du quartier, 75 % sont tenus par des Arméniens».
Les bijouteries le long de la rue d’Arménie sont le principal pôle attractif de Bourj-Hammoud. Ce souk possède une excellente notoriété nationale. La clientèle vient de toute l’agglomération beyrouthine, même les touristes y vont faire des affaires, attirés par un bon rapport qualité-prix. On comptabilise une centaine de bijouteries, la plupart travaillent avec les ateliers de joaillerie du quartier. De nombreux bijoutiers sont d’anciens du souk es-Sagha de la place des Martyrs. Parallèlement, la rue Arax constitue un axe commercial important avec ses commerces d’habillement et de cuir. Arax Plaza, un ancien cinéma transformé en centre commercial, en est un pôle dominant. «L’approche de Noël, du Nouvel An, de la Saint-Valentin, des fêtes des mères et de l’été sont généralement les périodes les plus actives à Bourj-Hammoud», explique Ayanian.
Néanmoins, depuis 1995-1996, les prix des locaux commerciaux ont baissé de 50 %. À cette époque, certaines boutiques étaient vendues à 3 000-3 500 $ le m2. Aujourd’hui, les ventes se concluent autour de 1 000-1 500 $ le m2 et les locations vont de 100 à 250 $ le m2 par an. Selon Ayanian, cette baisse s’explique par plusieurs éléments : le manque évident de parkings, qui nuit à l’accessibilité du quartier, le problème de l’odeur parfois tenace de la montagne des poubelles sur le littoral décourage la clientèle à se rendre à Bourj-Hammoud. Progressivement, la clientèle populaire a pris l’habitude de se rendre à Damas pour acheter des produits à des prix très réduits. Et également, le développement des enseignes comme Eldorado Shopping Center (Hamra) et Big Sale (Furn el-Chebback) font une forte concurrence aux commerces de Bourj-Hammoud.