Il y a quelques années, on se devait de faire son shopping à Paris. On le fait encore un peu.
Mais ce n’est plus par pénurie locale de griffes françaises…

Le paysage commercial de l’agglomération beyrouthine est à l’image du nouvel ordre économique mondial qui symbolise l’introduction de nouveaux systèmes de distribution, de gestion, de logistique, de marketing – et la prolifération des franchises. Dans le contexte libanais, les enseignes françaises occupent une place privilégiée. Toujours plus nombreuses, elles se développent dans la plupart des grandes rues marchandes de la ville. Question prix, la différence avec Paris subsiste, surtout en comptant la détaxe à l’aéroport parisien. Mais la disparité tend à se rétrécir, depuis la baisse de nos taxes douanières, et par le fait de la concurrence. Paradoxalement, la disparité est surtout visible dans le moyen de gamme. Quelques instantanés :

Lancel
BCBG

Les produits Lancel sont distribués depuis plus de 15 ans par le groupe Abou Adal, l’un des leaders locaux de distribution. Mais ce n’est qu’en juillet 1997 que la première boutique Lancel au Moyen-Orient fut inaugurée à Beyrouth, en respectant les normes de décoration prescrites par les accords de franchise. «La clientèle a retrouvé à Dbayé l’ambiance parisienne des boutiques Lancel de Passy ou de l’Opéra», précise Ivana Mascico, responsable des produits Lancel dans le groupe Abou Adal. Dans le monde des maisons françaises de la maroquinerie et des accessoires de voyage, Lancel se positionne parmi les plus prestigieuses avec des produits éclectiques. En effet, l’enseigne parisienne maintient son image en mettant l’accent sur la tradition avec des articles à la fois classiques et modernes.
La clientèle Lancel, essentiellement BCBG, adore les marques françaises de renom. Offrir un cadeau Lancel est toujours apprécié dans la société. «Il y a toujours eu un lien spécial d’un point de vue historique, culturel et économique entre les Français et les Libanais. Et cela se retrouve dans leur façon de consommer», constate Mascico. Ce n’est donc pas un hasard si l’image de la France est régulièrement présente dans les campagnes publicitaires de Lancel, comme le montre récemment la présence du mannequin français, Estelle Haliday, ou l’évocation du célèbre film, “Le fabuleux destin d’Amélie Poulain”.
«Lancel est associée aux marques les plus prestigieuses comme les enseignes Louis Vuitton et Longchamp par exemple. Toutefois, Lancel propose une gamme de produits moins chère», explique Mascico. À l’avenir, le groupe Abou Adal étudie la possibilité de s’implanter au centre-ville après avoir renoncé à ouvrir un point de vente à Verdun. Plusieurs localisations sont à l’étude. Une boutique rue Weygand à proximité du futur souk des bijoutiers serait une éventualité. «Cela constituera une phase de croissance logique pour l’enseigne», confirme Béchara Korban, directeur commercial dans le groupe Abou Adal.

Etam
Déjà quatre

Avec près de 750 boutiques dans le monde, Etam (propriété du groupe français qui exploite les enseignes Celio, 1-2-3 et Tammy) jouit d’une bonne renommée internationale sur le marché de la mode féminine (prêt-à-porter, lingerie et accessoires). Apparue en octobre 1999 à Beyrouth, à l’initiative des Éts Massoud, la franchise Etam compte aujourd’hui 4 points de vente : Achrafieh, 2 à Hamra et ABC-Dbayé. «Certaines clientes, surtout rue Makdissi, ont été agréablement surprises d’apprendre qu’Etam était une franchise française avec sa propre ligne de vêtements et de lingeries. Depuis, elles ne viennent plus par hasard», explique Roula Rebeiz, gérante des boutiques Etam au Liban.
Parce qu’elle a une identité forte, Etam développe une fidélité et une relation “affective” avec sa clientèle. «Nous avons 15 % de notre clientèle qui vient chaque semaine pour voir nos nouveaux articles», souligne Rebeiz. Avec une gamme de produits qui vise un large public féminin de 15 à 60 ans, Etam s’attache à proposer une mode colorée, innovante à un bon rapport style-qualité-prix.
«Nous avons entamé l’année avec un meilleur chiffre d’affaires par rapport à l’an 2001. C’est vrai qu’avec la crise économique locale, les personnes qui prenaient 10 pièces s’en contentent désormais de 7. Mais nous avons toujours de nouveaux clients, ce qui confirme que l’enseigne continue son extension sur le marché libanais», note Rebeiz.

G. Darel
Nouvelle visibilité

L’enseigne parisienne Gérard Darel existe depuis le début des années 1970 et n’a cessé, depuis, de gagner en notoriété en France et dans le monde. Inaugurée en mars 2002, rue Riad Solh au centre-ville, la franchise Gérard Darel appartient à une compagnie sœur du groupe Zabbat spécialisé depuis plusieurs années dans l’habillement, et agent exclusif au Liban de plusieurs enseignes françaises comme Alain Manoukian, Rodier, Devernois et Georges Rech.
Les produits Darel sont également distribués dans une vingtaine de boutiques multimarques au Liban. «L’ouverture de la franchise au centre-ville n’a pas eu d’effet négatif sur le volume des ventes pour les autres boutiques ; au contraire, nous observons même un chiffre d’affaires plus important. Cela confirme que la nouvelle boutique rue Riad Solh a donné une nouvelle visibilité aux produits Gérard Darel», explique Leila Diab, directrice commerciale dans la compagnie Zabbat.
Gérard Darel veut séduire principalement la Libanaise de 30 à 40 ans qui a un souci d’élégance raffinée un peu complexe, mais typique : porter un vêtement haut de gamme qui garde un certain classicisme tout en suivant les nouvelles tendances. «Généralement, notre clientèle est fidèle au style Darel et s’identifie dans cette marque. Ainsi, 70 % des ventes se font hors périodes de soldes», précise Diab.
Malgré l’arrivée de nouvelles enseignes européennes sur le marché, Gérard Darel, comme les autres maisons françaises connues depuis de longues années, bénéficie d’une meilleure image de marque. «On pense incontestablement à Paris qui est la capitale mondiale de la mode, la ville des grands couturiers et des défilés de mode. Même les plus grands couturiers internationaux y font leur défilé», précise Diab.

Tartine et Chocolat
Ciel et rose

Créée en 1977 par Catherine Painvin, l’enseigne Tartine et Chocolat, associée à la fameuse rayure ciel et rose, a rapidement trouvé sa place sur le marché de l’habillement et les accessoires pour enfant de 0 à 10 ans. Implantée depuis novembre 1999 à Achrafieh, la boutique Tartine et Chocolat – la première franchise au Moyen-Orient – semble avoir conquis la clientèle. «Au début, on a été très étonné par l’impact de la marque Tartine et Chocolat (TC pour les intimes !). À notre surprise, beaucoup de Libanais connaissaient, et appréciaient, l’enseigne», explique Ghassan També, copropriétaire en famille de cette franchise au Liban.
Avec une gamme de produits très variée, Tartine et Chocolat a confié la fabrication de ses lignes de produits à 22 fournisseurs français de renom. Par exemple, les parfums TC sont préparés par la maison Givenchy et les chaussures par la compagnie Bopy. Avec plus de boutiques à l’étranger qu’en France, TC est un peu le porte-drapeau tricolore. «TC représente une enseigne 100 % bleu-blanc-rouge avec un nom français, une styliste bretonne et des produits fabriqués principalement en France», précise També, en faisant allusion à d’autres enseignes françaises «qui vendent des produits bon marché fabriqués en Asie». La prochaine étape pour l’enseigne TC est l’ouverture d’un second point de vente au centre-ville. Naturellement.