Les provinces canadiennes francophones comptent 6 millions de personnes,
mais leur dynamisme style FFA fait bouger les choses. Qui ont besoin
d’être bougées, selon l’ambassadeur Michel Duval.

Le Forum francophone des affaires (FFA) est-il une organisation (trop) ambitieuse ?
Depuis sa création en 1987 sur l’initiative du gouvernement du Québec, le FFA s’est fixé de multiples ambitions : établir des contacts entre les gens d’affaires des pays francophones, développer les échanges commerciaux et les investissements, faciliter des participations conjointes. De plus, le bureau international du FFA (créé lors du sommet de Dakar en 1989) coordonne l’activité et les objectifs des 49 comités nationaux pour faire de ce forum un outil de développement international, de transfert de connaissances et de savoir-faire.
Le but du FFA est de créer un climat de confiance entre les entrepreneurs pour qu’ils puissent partager leurs compétences. Nous visons essentiellement les petites et moyennes entreprises. Les grandes entreprises n’ont pas besoin du FFA pour se développer. Nous cherchons à informer une catégorie d’entreprises qui est généralement assez frileuse d’adhérer au réseau actif et interactif qu’est le FFA.
Par exemple, le gouvernement de la province du Nouveau-Brunswick, qui cherche à développer des relations économiques internationales pour ses PME, va envoyer une délégation à Beyrouth pour nouer des contacts commerciaux avec des partenaires qu’il sait francophones.

La création d’une Bourse d’affaires, qui est un répertoire d’inscriptions et de promotion d’offres de partenariats économiques, est-elle une initiative utile ?
L’échange d’informations stratégiques est essentiel. Il est déterminant de fournir aux entrepreneurs les données disponibles sur le marché.
Car, actuellement, ce qui fait défaut c’est l’absence de connaissances précises sur les différents marchés économiques francophones. La mission de cette Bourse d’affaires est double. Il faut familiariser les gens avec les pratiques et les contraintes. Puis, il faut les informer des facilités, des possibilités et des opportunités d’investissement.

Comment renforcer et développer donc le FFA ?
Bien que le réseau réunisse de nombreux comités nationaux, nous pouvons faire beaucoup mieux en termes de partenariats et d’échanges. L’effort a été sous-financé. Nous devons investir davantage dans le développement du FFA et lui conférer une plus grande efficacité. Indéniablement, le FFA n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Ce forum, qui est jeune, n’a pas encore réussi à engager et à intéresser les grands milieux d’affaires. Le FFA ne peut pas fonctionner sans eux. Les pays francophones peuvent créer des outils mais, si les personnes concernées décident de ne pas les utiliser, les résultats resteront modestes. Par exemple, la communauté d’affaires libano-canadienne, très active, peut injecter un dynamisme à ce forum et inciter les grands milieux économiques à y adhérer.

Quelles sont les perspectives d’avenir ?
Au plan institutionnel, le sommet de Beyrouth peut être l’occasion d’examiner s’il est possible de faire du FFA un opérateur au même titre que l’Organisation des universités francophones afin de lui conférer une nouvelle dimension avec des objectifs précis, comme le financement de projets de développement économique. Ce sont les pays du Sud qui ont le plus à bénéficier du FFA afin de faire connaître leurs entreprises et de participer à des échanges de technologie. Les objectifs de la délégation canadienne, qui sera présente du 16 au 19 octobre, seront de faire progresser ce réseau et lui donner un nouvel élan et son plein potentiel. Certains entrepreneurs sont réticents à cet événement qu’ils jugent trop socioculturel. Par contre, ils sont intéressés par des missions commerciales, des rencontres professionnelles entre des hommes d’affaires. Peut-être que nous allons nous diriger vers une formule liée à des événements économiques mieux ciblés et plus adaptés à l’attente des milieux d’affaires.

Quel rôle peut jouer le Canada dans l’espace économique francophone ?
Il est double. Premièrement, il y a une dimension de développement économique qui fait partie de nos programmes d’aides pour favoriser les échanges commerciaux. Cela vise les capacités de production des pays francophones en développement. Deuxièmement, le Canada veut inciter ses entrepreneurs à investir dans l’espace économique francophone, mais celui-ci reste encore loin des marchés traditionnels du Canada qui sont essentiellement tournés vers les États-Unis (85 % des échanges économiques canadiens) et le Mexique.

Le Canada peut-il devenir également une plate-forme dans le réseau économique francophone ?
Effectivement, le Canada offre une excellente opportunité de travailler dans le vaste marché nord-américain. Ainsi, le Québec et le Nouveau-Brunswick peuvent jouer le rôle d’accueil de bases commerciales pour les entreprises francophones afin d’établir des contacts et se familiariser avec les milieux des affaires de cette région.