Probablement que sans Ziad Rahbani peu auraient su que des pensions existaient vraiment, en dur.
Et ça continue : elles sont là à vous proposer un lit pour 4-10 $. Étonnant business.

Dans le paysage hôtelier beyrouthin, les petits hôtels bon marché souffrent d’un grave déficit d’image. Ils sont encore catalogués comme des lieux dégradés. Parfois à tort. Mais pas toujours : sur la dizaine d’adresses essentiellement localisées à Saïfi et à Aïn el-Mreissé, une partie offre effectivement des prestations indignes. «Certaines pensions sont à vomir. Sales, mal entretenues (ou pas du tout), sans aucune rénovation. Il est devenu urgent de redonner une autre réputation aux petits hôtels», insiste Michel Abou Assali, directeur avec son père de l’enseigne al-Nazih, une petite pension de 10 chambres et 15 lits. Façon de dire qu’un minuscule hôtel peut être aussi habitable.
Mentionnés dans quelques guides touristiques étrangers (Lonely Planet, Footprint, Let’s Go et Petit Futé), ce type d’établissement est une alternative économique pour jeunes touristes qui souhaitent visiter le pays sans se ruiner. Exemple de prix : un lit en dortoir à 4 $ et une chambre double à 10 $. «70 % de ma clientèle sont surtout des Européens – pays nordiques, France, Allemagne, pays slaves – et des Asiatiques. En moyenne, j’ai 5 à 6 Japonais par semaine», explique Zaher Abou Lteif, copropriétaire de Talal’s New Hotel à Saïfi, qui comprend 27 lits répartis entre 5 dortoirs (pour groupes de jeunes), 3 chambres double et 1 simple.

L’Internet au secours

Le profil type du client est le routard qui déniche via Internet les meilleures adresses bon marché. «Généralement, le client réserve pour 2 ou 3 jours, puis finalement reste une semaine. Cela est bien la preuve que notre pension et notre accueil lui ont plu», souligne Abou Assali, dont l’établissement n’a pas à rougir de certains hôtels 2 étoiles de Beyrouth. «Étant donné que le bouche-à-oreille constitue notre moyen de publicité, nous misons sur la convivialité et l’honnêteté», précise Abou Lteif, qui nous présente le livre d’or de l’hôtel plein de messages signés par des clients enchantés de leur passage.
La présence de ces petits hôtels confirme ce que toute ville doit offrir : une diversité des structures d’accueil. «Cette forme de service bon marché a un excellent potentiel. À l’avenir, je suis convaincu que la clientèle sera de plus en plus intéressée par nos prestations», explique Abou Assali, qui espère prochainement agrandir al-Nazih en prenant en gérance un immeuble voisin, avec une vingtaine de chambres supplémentaires. D’ailleurs, al-Nazih a été entièrement rénové en 2001. «De la cage d’escalier à la salle de réception en passant par les 10 chambres, j’ai tout repeint, réaménagé et redécoré moi-même», précise Abou Assali. L’effet a été immédiat. En quelques mois, la clientèle est devenue à 95 % occidentale, alors qu’elle était plutôt syrienne, irakienne… De plus, la mise en service d’un site Internet permet une meilleure visibilité.
Dans l’éventualité d’une paix régionale et d’une situation économique plus favorable, Abou Assali envisage même de créer sa propre chaîne de pensions en reprenant en gérance plusieurs enseignes actuellement mal tenues. Sa région de prédilection : les ruelles à proximité du centre-ville et de la gare routière Charles Hélou.
Les taux d’occupation laissent penser que l’affaire peut être rentable. «Notre hôtel a un taux d’occupation de 90 %. Mais on ne fait pas fortune. L’essentiel est de pouvoir entretenir convenablement l’hôtel», note Abou Lteif, de retour au Liban en 1995 après 8 ans d’exil en Colombie.
Toutefois, aujourd’hui, il y a de plus en plus de compétition entre les petits hôtels. «Chacun essaie de proposer de nouveaux services : accès Internet, transport à l’aéroport, air conditionné et télévision satellite dans les chambres», confirme Abou Lteif.
Mais ce créneau, quoique marginal jusqu’à maintenant, pourrait bien prendre de l’ampleur, avec l’idée d’une chaîne à enseigne reconnue. La chaîne Formule 1 en France, avec ses dizaines d’hôtels 1 étoile à la périphérie des villes, propose bien des chambres à 20-24 $.