Le “dictateur” de facto c’est le centre-ville, en matière de restaurants et de cafés-snacks. Un engouement normal, tout le monde en convient. Mais alors aucune chance pour d’autres complexes de restauration ? Pas sûr. Deux spécimens, nouveau et ancien, cultivent la différence.
Embouteillages nocturnes rue Émir
Béchir, des milliers de voitures garées
dans l’énorme parking de Maarad, ou
en triple file, des terrasses bondées place de
l’Étoile, et près de 90 enseignes dans le périmètre
Solidere : on a vraiment l’impression
qu’actuellement tous les chemins mènent au
centre-ville de Beyrouth. Pourtant, il existe,
dans la capitale et ailleurs, d’autres choix pour
prendre un verre ou déguster tout genre de
mets. C’est ce que semblent défendre nombre
de restaurateurs.
Par exemple, au bord de la Méditerranée,
Palm Springs Village et Color City sont deux
complexes immobiliers qui regroupent plusieurs
restaurants offrant une alternative à la
“tornade du centre-ville”.
Sur la rue côtière de Maameltein, Color City
était – est toujours – un projet ambitieux. Sur
une parcelle rectangulaire de 10 000 m2, le
“conglomérat” regroupe autour d’un large
parking pas moins de onze restaurants, deux
discothèques et une salle de jeu. Inauguré en
1990, ce complexe a connu son heure de gloire
quand “le Tout-Beyrouth” venait danser à
Kaslik et s’attabler à Jounieh et Maameltein.
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Le
littoral du Kesrouan n’a plus autant la cote. Et
les ressortissants des pays du Golfe se sont
massivement repliés vers les régions montagneuses
– en plus du centre-ville.
D’UN BOOM À L’AUTRE
«Actuellement, les affaires sont très difficiles.
Surtout depuis deux ans : le chiffre d’affaires
a baissé de 50 % depuis 2001. L’un des responsables
de cette chute est le boom de la
restauration à Beyrouth», avoue Roger Khalil,
directeur du Color City, propriété de la famille
Chamoun (Kozhaya et ses enfants, Zeina et
Omar), qui exploite également quatre autres
restaurants (trois à Ajaltoun et un à Faytroun)
et qui gère l’hôtel Aquarium à Maameltein. Les
chiffres attestent de l’ampleur de la crise.
Avec une capacité totale phénoménale de
4 100 places, Color City accueille à peine 600
personnes le samedi et 150 à 300 par jour
dans la semaine, soit un taux d’occupation au
mieux de 15 %. «Le problème n’est pas spécifique
au Color City, beaucoup de restaurants
de la région ont des difficultés. Face à cette
situation, nous avons tout essayé : nouveaux
décors et nouvelles formules avec une réduction
des prix. Par exemple, le narguilé est à
5 000 LL, alors qu’il coûte trois fois plus cher
au centre-ville», explique M. Khalil.
Autre lieu, autre ambiance. À l’étage du Palm
Springs Village avec une vue sur la Grotte aux
Pigeons, le restaurant Burj al-Andalous
réussi à se positionner sur le marché. «Sans
faire de campagne publicitaire et malgré la
crise régionale, notre chiffre d’affaires a augmenté
de 15 à 20 % depuis novembre 2002
explique Joseph Karam copropriétaire du Burj
al-Andalous, restaurant et mak’ha. Ce dernier
remplace, depuis juillet 2003, la brasserie Le
Florian. «Nous avons seulement changé l’enseigne,
tout en gardant la même carte. La
seule modification est qu’il est désormais possible
d’y fumer le narguilé. En fait, nous avions
constaté que, pour la majorité des gens, une
enseigne en français est synonyme de haut de
gamme et de prix élevés», précise M. Karam,
qui a à son actif le célèbre Larissa, traiteur et
gérant des restaurants. Le résultat a été
«À Beyrouth, ce ne sont
que des murs et des immeubles.
Les gens reviendront à Maameltein»
Color City
Catégorie
Al-Jaroufa Cuisine internationale
et discothèque
Axaral Cuisine internationale
et discothèque
Barbecue Cuisine européenne
et discothèque
Bazaar Café Cuisine libanaise
Blue Label Discothèque
Buffalo Fish House Cuisine internationale
Dalis Discothèque
Élite Cuisine libanaise
et discothèque
Istirahat al-Khalij Cuisine libanaise
Kasr el-Hawanem Cuisine libanaise
Pool Club Salle de jeu
Reem al-Badawi Cuisine libanaise
Shanghai Cuisine chinoise
Tarabia Cuisine libanaise spectaculaire. En l’espace de quelques
jours, la fréquentation a été multipliée par
trois. Mak’ha Burj al-Andalous profite parfaitement
de la mode du café-narguilé, un
concept qui prolifère.
L’ALTERNATIVE DE LA DISCRÉTION
Color City et Palm Springs Village doivent
cependant compter, encore et toujours, avec
l’engouement du centre-ville. «C’est un espace
de prestige pour les touristes du Golfe et les
Libanais. C’est nouveau, c’est donc logique
que les gens veuillent le découvrir», affirme
Roger Khalil. Toutefois, tous les Beyrouthins
ne sont pas attirés par les terrasses surpeuplées
et la superposition des restaurants.
Raouché mise sur son cadre naturel pour se
différencier. «Nous voulons offrir autre chose.
Si le centre-ville est plutôt “m’as-tu-vu”, Burj
al-Andalous est un espace plus calme et plus
privé, où le client n’est pas exposé aux
regards du passant», explique Joseph Karam,
qui avoue avoir eu l’opportunité de s’implanter
rue Bazerkane avant de choisir un emplacement
au Palm Springs Village.
En fait, d’année en année, Raouché retrouve
des couleurs, après avoir perdu son image de
croisette de Beyrouth. L’implantation d’un
souk provisoire de 1975 à 1982, l’afflux de
populations réfugiées et l’occupation illégale
d’hôtels avaient entraîné inévitablement sa
détérioration. «Malgré ce passé, nous avons
constaté que les Beyrouthins sont encore nostalgiques
de cette région qui a gardé un pouvoir
symbolique très fort», constate M. Karam.
Ces derniers mois, plusieurs signes prouvent
que cette région est dans une dynamique
d’essor. Inauguré l’été 2002, le Mövenpick
(293 chambres, 70 chalets, 1 010 cabines,
plusieurs restaurants et une galerie marchande)
est l’un des symboles du nouveau
Raouché. À cela, il faut ajouter plusieurs
autres hôtels, nouveaux ou reconstruits, dont
le Royal Plaza, l’hôtel Du Roy, le Searock, le
Heliopolitan géré par la chaîne koweïtienne
Safir International et la prochaine réouverture
de l’hôtel Federal. Également, un complexe
hôtelier doit être construit sur la parcelle (de
4 900 m2) adjacente à l’immeuble “Shell”. Un
hôtel de 250 chambres (on parle de la chaîne
Le Méridien), une galerie marchande et des
restaurants sont prévus.
LA GÉNÉRATION RAOUCHÉ
La restauration est également en pleine mutation.
Les célèbres enseignes qui avaient
contribué aux heures de gloire de Raouché ont
disparu (Nasr et Yildizlar) ou font de la résistance
(Dbaibo et Massis). D’autres (Popeye,
al-Dar et Bella Napoli) gardent leur clientèle.
Aujourd’hui, signe d’un renouveau progressif
de la région, de nouveaux établissements arrivent.
Burj al-Hamam vient de s’implanter au
Mövenpick. L’enseigne saoudienne al-Bayt
Baytak a ouvert juste au-dessus de Dbaibo.
«Raouché est en train de retrouver son charme
d’antan avec le retour progressif de la
clientèle haut de gamme. Également, les
investisseurs sont de plus en plus nombreux
et plusieurs enseignes (Bay Rock Café et Le
Petit Café) ont embelli leur décoration», confie
M. Karam.
Alors que le site était connu dans les années
1980 comme un terrain de tennis, puis un restaurant
libanais familial sous des tentes, les
propriétaires des lieux (la société libanaise
Decoma qui réunit plusieurs actionnaires
dont la famille Bahri) ont aujourd’hui de
nouvelles ambitions.
C’est dans ce cadre que le complexe s’est
implanté. La première étape a été la construction
du Palm Springs Village, officiellement
inauguré cet été 2003. Ce complexe comprend
six restaurants dont Starbucks, China
Wok, La Bucca et Burj al-Andalous, un espace
de jeu pour enfants (Happy Palm) et une boutique
d’articles cadeaux. Les locations sont de
cinq ans pour les restaurants (autour de 500 $
le m2 annuel) et d’un an pour les commerces.
Dessiné par un bureau d’étude espagnol,
Arcadia, le Village est un pari architectural qui
privilégie le style méditerranéen (toits en tuiles
rouges, pergolas en bois et fontaines). «C’est
un concept original et innovateur, peut-être
avant-gardiste pour le Raouché d’aujourd’hui
», avoue M. Karam. Avec une fréquentation
moyenne de plus de 800 clients par jour,
Palm Springs Village a réussi ses débuts. La
diversité des enseignes permet d’attirer des
consommateurs de tous âges et de toutes
classes : «Notre clientèle est à 80 % libanaise
et 20 % étrangère (arabe et occidentale). Mais
pendant l’été, nous avons 50 % d’étrangers».
Situés sur une parcelle adjacente au complexe
des restaurants, Palm Springs Plaza et Palm
Springs Tower constitueront la seconde étape.
Le Tower sera un immeuble de 90 m (16
étages) avec des appartements de 500 m2 et
trois duplex. Résolument tourné vers la clientèle
haut de gamme, ce projet voudra se positionner
au sommet du marché immobilier à
Beyrouth avec des prix à la vente d’environ
3 500 $ le m2.
La Plaza, de son côté, sera un espace commercial
articulé autour d’une galerie marchande
de 4 000 m2 dont un espace de 2 500 m2
spécifique pour six salles de cinéma ou bien
un grand magasin, avec une priorité pour les
commerces de luxe. Le tout sera achevé d’ici
à 2006. Avec, à terme, un centre d’attraction
majeur pour les résidents des appartements et
des hôtels qui fleurissent à Raouché. Les
concernés sont donc sereins.
Retour à Maameltein, où Roger Khalil est, lui
aussi, optimiste ; il espère que d’ici à deux
ans cette belle région côtière sera à nouveau
appréciée : «À Beyrouth, ce ne sont que des
murs et des immeubles. Les gens reviendront
alors plus souvent à Maameltein, qui offre un
autre paysage avec une vue sur la mer et la
montagne». Surtout si les autorités locales
font preuve d’imagination pour améliorer
l’aménagement urbain de cette zone unique,
à l’image des villages touristiques autour de
la Méditerranée. C
«Notre clientèle est à 80 % libanaise
et 20 % étrangère. Mais pendant
l’été, nous avons 50 % d’étrangers».
Palm Springs Village
Catégorie
Burj al-Andalous Cuisine libanaise
China Wok Cuisine chinoise
Happy Palm Salle de jeu
pour enfants
La Bocca Cuisine italienne
Mak’ha Restaurant,
Burj al-Andalous café et narguilé
Starbucks Café-trottoir
international
Village Café Cuisine
internationale