C’est l’achat impulsif par excellence. Vous avez 15 minutes avant l’heure d’embarquement et votre humeur n’est pas exactement à l’économie. Heureusement donc que le duty-free de l’AIB est là, et désormais bien fourni. Les premiers investisseurs ne se plaignent pas.

Le 14 mai 2003, le duty-free de
l’Aéroport international de
Beyrouth (AIB) a inauguré sa
nouvelle configuration avec plus de
4 000 m2 de surface commerciale.
Conséquence immédiate : les ventes
ont augmenté dès la semaine suivante
de 28 %.
La compagnie Phoenicia Aer Rianta
Company (PAC) est à l’origine de cette
renaissance. C’est le fruit d’une coopération
entre l’irlandais Aer Rianta, un
des leaders du duty-free dans le monde,
et le groupe libanais Phoenicia Trading
Afro Asia (présidé par Mohamed Zeidan)
qui a déjà eu une expérience avec la
gestion du duty-free au Liban (depuis
1980), mais aussi, entre autres, en
République tchèque, en Slovaquie et en
Arménie. Les premiers contacts avec le
nouvel aéroport avaient commencé au
milieu des années 1990, et un accord
de type BOT fut pratiquement conclu avec
l’IDAL. Mais en réalité, PAC a eu de multiples
déboires avec le gouvernement libanais.
L’accord avait été signé une première fois
en 1996 pour un contrat de concession sur
15 ans, moyennant 40 millions $. Quelques
années plus tard, la concession a été ramenée
par le gouvernement à 4 ans, mais le
groupe Phoenicia s’en tient au contrat initial.
Aujourd’hui, en plus de l’investissement de
départ, la PAC verse, chaque année, le prix
de la concession du duty-free à l’État libanais.
Cette somme est déterminée en fonction
du nombre de passagers annuels de
l’aéroport de Beyrouth, dont les derniers
chiffres donnent un trafic de 2 608 600
personnes pour l’année 2003.
une bonne sélection haut de gamme»,
affirme Walid Saleh, managing director
du groupe Phoenicia.
La PAC s’autorise d’ailleurs un droit
de regard particulièrement pointu.
Les commerçants ne peuvent pas
introduire un produit ni imposer des
prix sans un accord préalable de la
PAC. «Les différentes enseignes travaillent
sous notre contrôle et notre
management. Nous surveillons l’évolution
des ventes, le type de produits
exposés et la qualité du service.
Lorsqu’une enseigne est en baisse,
nous redéfinissons avec son propriétaire
une stratégie pour redynamiser
ses ventes», avoue Saleh.
La présence d’une boutique dans le dutyfree
est régie par des conditions spécifiques
et sélectives. «Cela ne nous intéresse
pas un commerçant qui propose
des prix trop élevés et qui ne vend pas. Ce
serait en contradiction avec notre stratégie»,
reconnaît Saleh. Pour ces différentes boutiques,
soit une douzaine d’enseignes, elles
ont chacune un contrat spécifique et différent
en fonction de l’emplacement et du produit.
Certaines versent une somme fixe annuelle,
alors que d’autres paient un pourcentage de
leur chiffre d’affaires. Pour simplifier, cela
représente pour les uns et les autres un montant
variant entre 5 et 20 % de leur chiffre
d’affaires, à reverser à la PAC.
CUBA LIBRE
Présente depuis 1999 à l’aéroport, la
marque internationale Casa del Habano
occupe aujourd’hui, avec 450 m2, une
Le Liban est devenu un centre régional du commerce des cigares grâce à
La Casa del Habano de l’AIB, qui est «la plus grande boutique de cigares
au monde».
L’IMAGE DE MARQUE
Ayant quadruplé sa surface de ventes par
rapport à 1998, le duty-free de Beyrouth
comporte un nouvel espace détaxé au
départ (inauguré en mai 2003) et un autre
à l’arrivée (ouvert dès fin 2002). Ces
espaces regroupent plusieurs enseignes
locales (Hallab, Goodies, al-Rifaï, Doueihy,
Zoughaib, Bonja) et internationales (Virgin
Megastore, Neuhaus, Swarovski, Fratelli
Rossetti, La Casa del Habano).
La sélection a été particulièrement réfléchie.
«Nous avons été attentifs dans nos
choix pour avoir les meilleures enseignes.
Notre objectif était de concevoir une galerie
marchande pour que le passager retrouve place privilégiée dans l’espace du dutyfree.
Fort de trois points de vente, un dans
la zone départ et deux dans la zone arrivée,
ce palais du cigare cubain assure à lui seul
près de 25 % du chiffre d’affaires du dutyfree
de l’AIB. Chiffre exceptionnel lorsque
l’on sait qu’en moyenne la vente de cigares
représente 1 à 2 % du chiffre d’affaires d’un
duty-free “normal” dans le monde. «Le Liban
est devenu un centre
régional du commerce
des cigares grâce à La
Casa del Habano.
Notre enseigne à l’AIB
est la plus grande boutique
de cigares au
monde», indique Walid
Saleh. Il faut dire que
le groupe Phoenicia
est déjà le franchisé régional de La Casa del
Habano et l’agent exclusif des cigares
cubains depuis plus de 20 ans au Liban, en
Syrie, en Ukraine, en Égypte…
Comment expliquer un tel succès ? À part
l’engouement des Libanais, le design de La
Casa del Habano à l’AIB est particulièrement
soigné, avec une boutique constituée
de 4 compartiments : une zone d’achats
d’accessoires et de cigarillos, un espace de
ventes (de 100 m2) de cigares qui comporte
plus de 34 marques cubaines, une zone
“cave à cigares de collection” et un espace
de détente, salon et
bar, où les amateurs
peuvent fumer,
prendre un verre, se
connecter à Internet
et regarder la télévision
en attendant
leur vol. Un système
d’humidification
unique a été conçu
pour conserver les cigares dans de
bonnes conditions.
Les prix de vente entre l’aéroport et les
autres boutiques La Casa del Habano
(centre-ville, Zalka, Achrafieh et Verdun,
sous l’enseigne Little Havana) varient de 15
à 20 %. «Nous vendons plus de 515 types
de cigares cubains. Notre politique n’est
pas de faire obligatoirement de grosses
marges de profit. Nos tarifs à l’aéroport font
partie des plus compétitifs au monde.
Certains clients viennent spécialement à
Beyrouth avec leur avion privé pour acheter
leurs cigares au duty-free», ajoute Saleh.
LE TEST DE L’AÉROPORT
La réussite de La Casa del Habano confirme
donc l’idée que le Libanais est un
amoureux du cigare. Le pays se classe au
sixième rang mondial au niveau des ventes
et devance des pays comme le Canada et
l’Angleterre, l’Espagne étant le n° 1. En
réalité, La Casa del Habano et l’espace de
ventes générales à rayons multiples (cosmétiques,
parfums, alcools et confiseries)
représentent ensemble près de 80 % du
chiffre d’affaires du duty-free de Beyrouth.
Reste donc près de 20 % pour la dizaine
d’enseignes indépendantes.
Parmi ces enseignes, le franchisé Neuhaus
semble particulièrement satisfait. «Notre
stand à l’aéroport est une carte de visite.
Cela correspond à une stratégie de communication
», explique Maroun Karam, franchisé
au Liban de Neuhaus, l’un des plus
anciens chocolatiers belges, qui est connu
internationalement comme l’inventeur de
la praline. Inauguré en avril 2003, le
stand Neuhaus de 12 m2 fut le premier
point de vente de l’enseigne belge au
Liban. La seconde boutique a été ouverte
le 11 décembre dernier dans le centreville,
rue Uruguay. «Le stand du duty-free
était une façon de tester notre produit sur
le marché. Si cela fonctionnait à l’aéroport,
nous étions décidés d’ouvrir
ailleurs», explique Karam, qui vit depuis
1990 entre Bruxelles et Beyrouth.
Les prix des chocolats dans la zone dutyfree
sont inférieurs de 27 % à ceux de la
boutique rue Uruguay. Finalement, les
Certaines boutiques versent
une somme fixe annuelle,
alors que d’autres paient
un pourcentage
de leur chiffre d’affaires
?
Inauguré en avril 2003, le stand Neuhaus de 12 m2 fut le premier point de vente de l’enseigne belge au Liban.
La seconde boutique a été ouverte le 11 décembre dernier dans le centre-ville.
Le duty-free en chiffres
Superficie (m2)
Zone départ 3 620
Accessoires, bijouterie et habillement 1 100
Cigarettes, alcools et confiserie 1 050
La Casa del Habano 450
Cosmétiques et parfums 350
Articles électriques et musique 320
Pâtisseries libanaises et alimentation 250
Jouets 100
Zone arrivée 460
Total AIB* 4 080
(*) Près de 1 000 m2 restent donc disponibles.
Source : The Moodie Report, 28 mai 2003.
Aer Rianta, un géant irlandais
Fondé par l’État irlandais en 1937, Aer
Rianta n’est pas un inconnu dans le milieu
du duty-free dans le monde. Bien au
contraire. Cette compagnie fut la première
à l’échelle internationale à développer le
concept du duty-free en 1947 à l’aéroport
irlandais de Shannon, puis Dublin et Cork,
avant de prendre une dimension internationale.
Associé avec des partenaires
locaux, Aer Rianta International opéra en
1988 à Moscou, puis à Saint-Pétersbourg.
Par la suite, le groupe a multiplié ses activités,
entre autres, en Ukraine, en
Allemagne, en Grèce, en Bulgarie et au
Canada. En 1990, la compagnie se diversifie
et acquiert la chaîne hôtelière Great
Southern Hotels.
À travers sa filiale régionale, Aer Rianta
International-Middle East (ARIME) est
devenu le plus important opérateur de
duty-free au Moyen-Orient avec une présence
dans 5 pays : à Manama (depuis
1993), à Kuwait City (depuis 1993), à
Doha (depuis 1997), à Mascate et à
Beyrouth. La compagnie affichait un
chiffre d’affaires de 250 millions $ en
2002. Dernière réussite en date, Aer Rianta
International vient d’obtenir en juin 2003
la gestion de 14 boutiques dans le terminal
4 de l’aéroport JFK de New York. C
débuts de Neuhaus à l’AIB ont été positifs.
L’enseigne belge a multiplié son chiffre
d’affaires par trois en l’espace de 6 mois.
Depuis août 2003, il est également possible
de retirer ses achats dans la zone arrivée.
BIJOUX AUTRICHIENS
Swarovski, ouvert depuis 1999, sur 9 m2, au
duty-free de l’AIB, a inauguré en mai 2003 un
nouveau point de vente de 20 m2. La marque
autrichienne s’est donnée un nouveau look,
plus moderne, avec une boutique en forme
circulaire et facile d’accès. «Les premiers
résultats sont très bons. Nous avons un bon
emplacement situé dans la partie des produits
de luxe avec les bijouteries et en face de
la parfumerie, juste avant le dernier contrôle.
Nos nouvelles couleurs aux dominances
rouges et bleues contrastent avec l’ancien
décor gris et transparent», explique Nadine
Nashawati, responsable marketing dans le
groupe Brillance qui est le franchisé
Swarovski au Liban.
La stratégie de Swarovski est de se positionner
comme un article cadeau accessible
au plus grand nombre et essentiellement
à la clientèle féminine. Actuellement,
les 2/3 du chiffre d’affaires sont assurés
par la vente des bijoux. «La clientèle du
duty-free a une pratique de consommation
très spécifique. Généralement, elle a un
achat spontané et impulsif, sur un coup de
coeur», explique Nashawati.
Assurant l’une des meilleures ventes parmi
les six magasins à Beyrouth (ABC Dbayé et
Achrafieh, Sioufi, Verdun et au centre-ville),
Swarovski est uniquement situé dans la zone
départ du duty-free. «Toutefois, si le client le
désire, il peut prendre livraison de son achat
dans la zone arrivée, à
son retour au Liban»,
ajoute Nashawati.
L’année 2003 aura
été prometteuse pour
l’activité du duty-free
de l’AIB. Pourtant, les
mois de mars et avril avec la guerre en Irak
avaient été particulièrement désastreux
avec un chiffre d’affaires en chute de 70 %.
«Heureusement, la période estivale a été
très bonne et nous avons réussi à retrouver
une croissance normale», avoue Saleh.
Autre sujet de satisfaction, le taux de fréquentation,
c’est-à-dire le nombre de
clients par rapport au nombre de passagers,
qui se situe désormais à près de
25 %. Il faut dire que la PAC peut se permettre
des prix compétitifs,
car, entre
autres raisons, elle
peut traiter sans
intermédiaire avec
les compagnies internationales,
contournant
ainsi le plus souvent l’agent local.
C’EST LE MEILLEUR !
De plus, il est indéniable que la zone détaxée
bénéficie désormais d’une bonne image
auprès des passagers et des fournisseurs à la
fois. Ainsi, Diageo, n° 1 des spiritueux de
marque dans le monde, avec Johnny Walker,
J&B, Smirnoff, Gordon’s, Baileys, Guinness…
a désigné le duty-free de Beyrouth comme le
meilleur dans la région (Moyen-Orient, Afrique
du Nord, Europe de l’Est) pour l’année 2003.
Ont été prises en compte la présentation des
produits, l’ambiance de l’espace commercial,
l’évolution du chiffre d’affaires et les stratégies
de promotion. Beyrouth devance alors le prestige
de Dubaï, qui a pourtant un chiffre d’affaires
6 à 7 fois supérieur. «Nous sommes
fiers d’être dans cet espace luxueux et
agréable. C’est une marque de prestige pour
l’enseigne Swarovski», confie Nashawati.
Ces compliments sont les bienvenus pour la
PAC qui dispose d’une superficie totale de
6 000 m2, dont 2 000 m2 de surface encore
disponible. Et la compagnie libano-irlandaise
attend une augmentation du nombre de passagers
annuels pour envisager de nouveaux
aménagements. Le business n’est encore
qu’à ses débuts.
Le nombre de clients
par rapport à celui
des passagers se situe
désormais à près de 25 %
Dubaï, la référence régionale
Les chiffres étaient éloquents
ce 24 octobre
2003 : 33 751 transactions,
1,6 million $ de chiffre d’affaires,
plus de 47 $ d’achats
par client. C’est le nouveau
record de vente en 24
heures, mais pas vraiment
une journée exceptionnelle.
La zone hors taxes de l’aéroport
de Dubaï, de 12 000
m2, connaît une évolution
continue, avec par exemple
une progression de vente
en 2003 de 15 % par rapport
à l’année précédente.
Au hit-parade des
meilleures ventes, les cigarettes
et les alcools (plus de
1,8 million de cartouches et
3,3 millions de canettes de
bières en 2002) demeurent
les articles les plus vendus.
Les ventes de bijoux (12 %
du chiffre d’affaires du dutyfree),
de parfums et d’articles
électroniques connaissent
également une forte
progression.
Avec un chiffre d’affaires
d’environ 350 millions $,
soit près de 1 million $
quotidien en moyenne,
l’année 2003 s’est terminée
en beauté. Ce résultat
positionne Dubaï à la cinquième
place internationale
derrière l’incontestable
numéro un :
Londres-Heathrow (plus
de 620 millions $ de
chiffre d’affaires).
Viennent ensuite
Singapour, Amsterdam et
Paris. Belle performance
pour Dubaï qui ne se classe
pourtant que 16e en termes
de trafic avec près de 16
millions de passagers par
an. En comparaison,
Londres-Heathrow accueille
annuellement plus de 60
millions de passagers.
Le duty-free de Dubaï a été
inauguré en 1983, le volume
des ventes avait à cette
époque atteint 20 millions
$. L’année 2003 coïncidait
avec son 20e anniversaire.
Le duty-free, qui est la
propriété du département
de l’Aviation civile
présidé par cheikh Ahmed
ben Saïd al-Maktoum,
emploie plus de 1 000
personnes qui représentent
31 nationalités et
sont capables de parler
36 langues différentes.
Les 2/3 du chiffre d’affaires sont assurés par la vente des bijoux chez Swarovski, selon Nadine Nashawati,
responsable marketing.