Face à notre chocolat, quatre grands noms ont pris le pari de débarquer chez nous, par franchises interposées. Mais au-delà de ce courage, c’est de la persévérance qu’il faudrait. Et encore, le résultat n’est pas garanti.

L ’ arrivée des grands chocolatiers
européens sur le marché libanais a
eu l’effet d’une petite révolution
dans une profession qui vivait calmement à
l’heure de l’artisanat indépendant. Des artisans
qui doivent désormais cohabiter avec
des chocolatiers de calibre international, mais
sans vraiment une grande concurrence jusqu’à
maintenant. À ce jour, ils sont quatre à
tenter l’aventure libanaise.
TEUSCHER L’IMPRONONÇABLE
Fondée par Dolf Teuscher à Zurich, la franchise
Teuscher a mis 50 ans pour arriver à
Beyrouth, fin 2002. Situé autour de la place du
Musée, Teuscher se positionne sur le haut de
gamme avec des produits à 100 % naturels,
sans additif et selon une recette artisanale. Au
total, 40 à 65 variétés de chocolats sont proposées,
mais, pour préserver la qualité du
produit, la boutique de Beyrouth dispose d’un
stock limité, réapprovisionné toutes les 3
semaines, avec des règles d’hygiène et d’humidité
particulièrement strictes.
qui n’exclut pas d’ouvrir à Beyrouth un café
“made in Teuscher” comme le Schober à
Zurich.
L’objectif de la franchise est de changer
les habitudes de consommation des
Libanais en les incitant à miser sur la
qualité. «Actuellement, ils privilégient la
quantité, s’emporte el-Hachem. Par
exemple, ils veulent toujours offrir des
paquets volumineux avec une décoration
exagérée. Mais progressivement, ils vont
arriver à faire la différence entre les
enseignes».
LEONIDAS : APRÈS LE GOLFE
Profitant de la renommée belge, Leonidas
dispose déjà aussi d’une bonne notoriété
libanaise – et internationale avec plus de
1 700 points de vente dans le monde.
Maison fondée en 1913, elle compte de
véritables aficionados. «Nous avons une
quinzaine de clients réguliers, qui savent
ce qu’ils veulent, et viennent chaque
semaine prendre 200 à 250 grammes. En
règle générale, 50 % de notre clientèle
sont des fidèles», précise Aline el-Haiby,
responsable de la boutique située à proximité
de la place Sassine à Achrafieh,
inaugurée le 21 décembre 2003, plus un
stand à l’ABC-Dbayé.
Avec un prix au kilo de 50 $, ce qui correspond
à 60 pièces, Léonidas se situe
dans le moyen-haut de gamme.
L’enseigne, dont la franchise appartient à
Ziad Rahmon, séduit également une
clientèle jeune qui apprécie les célèbres
pièces en forme de coquillage. Six mois
après l’ouverture, le bilan semble encourageant.
Après seulement 3 kg par jour
en été, la période hivernale est plus pro-
Pour certaines commandes spécifiques, la
décoration (argenterie, verrerie et porcelaine)
peut être signée Baccarat, Bernardaud
ou Lalique, directement apportée de chez
Manasseh, leur agent libanais.
Si au début, les gens ne connaissaient pas la
marque suisse, ni ne savaient prononcer correctement
son nom, aujourd’hui, le chiffre
d’affaires de la franchise est en progression
de 40 %. Seule implantation Teuscher au
Moyen-Orient, parmi les 29 franchises dans
le monde, 60 % du CA de la boutique de
Beyrouth repose sur le service de livraison,
au Liban et ailleurs. «Avec DHL, nous pouvons
livrer en un temps record n’importe où,
précise Hamid el-Hachem, propriétaire de la
franchise. Beaucoup de commandes viennent
de ressortissants du Golfe ou même de
plus loin». Cependant, le pic des ventes
(autour de 70 % du CA annuel) se concentre
de novembre à avril.
Avec un kilo à 110 $, Teuscher fait manifestement
dans la “joaillerie”. «Cependant, notre
clientèle est variée. Certains clients n’achètent
que quelques pièces ou une petite tablette.
Parfois, nous avons
des étudiants qui
viennent prendre un
café et s’offrent une
truffe au chocolat
dans notre boutique
qui compte 4 tables»,
insiste el-Hachem,
Du hand made pour un kilo
à 110 $. «Cependant, notre
clientèle est variée.
Certains clients n’achètent
que quelques pièces ou une
petite tablette», précise
Hamid el-Hachem, propriétaire
de la franchise
Teuscher.lifique avec 7 à 10 kg de chocolat vendus
quotidiennement, et des pics aux
alentours des fêtes (Pâques, Noël,
Nouvel An, St-Valentin). Le panier moyen
du client varie entre 15 et 30 $, mais
«30 % de notre CA
concerne les événements
comme les
mariages, les naissances,
les baptêmes
et les premières
communions,
ajoute el-
Haiby. Cela représente en moyenne des
commandes de 200 pièces».
Connu sur le marché régional avec plusieurs
adresses à Bahreïn (depuis 1997), à
Amman (2001), à Abou Dhabi (2001) et à
Dubaï (2002), le point de vente d’Achrafieh
attire quelques clients arabes. «Cela peut se
chiffrer à une quinzaine de commandes
par mois. Mais cette clientèle
achète de gros volumes de 2 à 3
kilos à chaque fois», précise el-Haiby.
GODIVA AU CENTRE-VILLE
Originaire de Belgique, Godiva a
connu avec l’arrivée de partenaires
américains une nouvelle stratégie
de communication qui a dopé la
marque. Aujourd’hui, l’enseigne a
deux unités de production en
Belgique (Bruxelles) et en
Pennsylvanie (États-Unis). Cette
dernière unité distribue à plus de
3 000 points de vente sur le marché
nord-américain.
Appartenant au groupe libanais
Zahra, actif entre autres dans les
pays du Golfe, la franchise Godiva
a été ouverte à la place Riad Solh,
en mai 2003. «Les responsables
de la marque sont venus à
Beyrouth pour découvrir – et
apprécier – l’emplacement que
nous avions choisi. Cela correspond
à l’esprit Godiva, qui
recherche essentiellement des
adresses prestigieuses», précise Roula
Tannous, responsable de la boutique.
Parmi les pics de l’année, St-Valentin a
été fabuleux : «Nous avons beaucoup
travaillé, avec surtout bien sûr des
hommes, et même des étudiants qui se
sont permis un petit coffret en forme de
coeur avec deux pièces à l’intérieur. Cela
prouve que Godiva n’est pas exclusivement
réservée à une clientèle aisée»,
ajoute Tannous. Pourtant, à 100 $ le kilo,
Godiva, qui fut fondée en 1926 par
Joseph Draps, se positionne sur le créneau
du luxe.
Godiva constate une baisse de 30 % des
ventes durant la
saison chaude :
plus de 50 kg de
chocolat vendus
mensuellement en
hiver, contre 35 kg
en été. Une baisse
partiellement compensée
par la clientèle touristique, surtout
du Golfe, où Godiva est déjà bien
implantée. «Ces clients, amateurs de
chocolat, parfois ne connaissent que la
marque Godiva, précise Tannous. Cela
peut représenter 40 % de nos ventes en
juillet et août. Les Libanais expatriés
sont également de bons clients, environ
20 % de notre CA en été».
SECTEUR À RISQUES
Pour séduire le consommateur, les
enseignes internationales ont compris
qu’il ne suffisait pas de proposer du bon
chocolat. Ce serait trop facile. Elles font
dans la communication ciblée. «Par l’intermédiaire
d’hôtesses, nous faisons
essentiellement des distributions dans
les hôtels comme le Phoenicia, le
Mövenpick, Le Gabriel ou le Monroe,
mais aussi aux terrasses des cafés du
centre-ville et de Verdun», précise al-
Haiby (Leonidas).
Cependant, chacun tente de cultiver sa
différence, sans même nier la qualité de
certains chocolatiers libanais. «Il n’y a
pas de compétition directe. Par exemple,
nous n’avons pas été affectés par l’ouverture
de Patchi qui s’est installé au centreville
en décembre 2003 à quelques
mètres de nous. Nous sommes différents
par le goût et la variété des produits. De
plus, nous ne vendons pas d’accessoires
de présentation comme l’argenterie»,
explique Tannous, de Godiva.
Cependant, le Liban reste un marché délicat.
D’abord, le chocolat étranger,
déjà cher, subit une taxe douanière
de 20 %, à part la TVA. «Nous
avons encore un petit volume de
vente. Mais, nous savions que cela
allait être ainsi. Il faut du temps
pour s’imposer sur le marché et
nous misons sur le bouche-àoreille
», ajoute al-Hachem
(Teuscher). Pourtant, les précédentes
franchises Godiva et
Leonidas, détenues dans le milieu
des années 90 par d’autres investisseurs,
n’ont pas pu résister.
«C’est vrai, nous ne sommes pas
satisfaits à 100 %, nous nous
attendions à mieux. Pourtant, nous
sommes convaincus que le marché
libanais a du potentiel»,
explique un responsable d’une
enseigne, qui a préféré garder
l’anonymat. D’autres parlent d’un
secteur à risques.
Dans ces conditions, verra-t-on un
jour les chocolatiers De Neuville, Jeff
de Bruges, Corné-Port Royal, Galler
ou Daskalides, qui rencontrent un
franc succès en France et en
Belgique, sur le marché libanais ?
50 % des clients de Leonidas
sont des fidèles, avec un prix
au kilo de 50 $, ce qui
correspond à 60 pièces
C
Les responsables belges sont venus à Beyrouth pour découvrir l’emplacement
de la boutique Godiva au centre-ville, qui correspond à l’esprit de la marque
qui recherche des adresses prestigieuses.
Les franchises de chocolat au Liban
Chocolatiers Nationalité Adresse
Godiva Belgique Centre-ville, rue Riad Solh
Leonidas Belgique • Achrafieh, rue Adib Ishac
• ABC-Dbayé
Neuhaus Belgique • Centre-ville, rue Uruguay
• AIB, Duty-Free
Teuscher Suisse Badaro, rue du Musée