On ne dirait pas qu’il y a une crise de pouvoir d’achat. À coups de dizaines de millions de dollars, le gigantisme gagne les centres commerciaux, ces célèbres malls qui vont modifier l’espace – et les habitudes. Mais, à voir de plus près, chacun compte sur une différenciation, espère-t-il, salutaire. Coup d’oeil avant l’explosion.
ans, ABC-Achrafieh a été le premier
centre commercial de cette
taille au Liban avec plus de 37 000
m2 de surface commerciale, battant
donc son propre record de
17 000 m2 à Dbayé. Cependant,
après l’effet curiosité de l’automne
2003, les premiers mois de l’année
2004 furent plus délicats. La presse
locale s’est fait l’écho de certains commerçants
déçus. Il est vrai que le centre ne
tournait pas à plein régime. Plusieurs
emplacements, dont les cinémas et la plupart
des restaurants, n’étaient pas encore
occupés. Finalement, le malaise a persisté
jusqu’en avril. Selon notre
enquête, seulement deux
enseignes du Mall Street
(Librairie Freiha et la boutique
Ellà) sont restées sur le
carreau et ont mis la clé
sous la porte.
«Il fallait un certain temps
pour que les clients prennent
leur repère», explique
Fadel. Afin de dynamiser la
machine, les promoteurs
ont alors fait les ajustements
nécessaires. Le parking
est devenu gratuit. Les
événements promotionnels
(Festival du shopping, semaine
de la femme…) se sont
multipliés. Progressivement,
les ouvertures se sont échelonnées
: Galerie Vanlian,
Paul, Women Secret, Second
Cup, La Senza Girl, etc. Le
complexe de cinémas a été
inauguré en juillet et réalise
depuis plus de 1 000 entrées par
jour. En août, c’était le tour du
souk des bijoutiers avec six bijouteries,
dont Mouawad, Hanna,
Antoine Hakim et Zorab.
«En 6 mois, certains commerçants
ont atteint le chiffre d’affaires
de l’ABC-Dbayé qui existe
depuis plus de 20 ans», précise Fadel.
Pourtant, avec une fourchette de loyers
qui se situe entre 800 et 1 500 $ le m2,
les promoteurs avaient mis la barre
assez haut : des prix dont la limite supérieure
dépasse de 30 % ceux du centre-
Beyrouth et le commerce. Une affaire
qui remonte à très loin avec les
souks Sursock, Tawilé, Ayass. Ou
encore Bab Idriss, là où les gens faisaient
leurs emplettes à l’ABC, déjà, ou
chez Orosdi Back. Désormais, les nouveaux
temples du shopping se nomment
ABC, Achrafieh après Dbayé, et bientôt
Metropolitan Boulevard, Beirut Mall et
City Mall. Ce qui va changer tout le paysage
aux quatre coins de l’agglomération
beyrouthine. Une tendance qui
répond à de nouveaux comportements
d’achat : le consommateur libanais ne
recherche plus nécessairement la complicité
avec un vendeur, il accepte
désormais d’errer dans de nouveaux
espaces marchands couverts où l’ambiance,
l’architecture et la décoration
sont calculées pour l’inciter à dépenser,
dans la détente et la flânerie.
ABC-ACHRAFIEH
LE PIONNIER
«ABC-Achrafieh est un gros navire. Il faut
lui laisser du temps qu’il se mette en
marche», confie Robert Fadel, directeur du
centre. S’il est donc trop tôt pour faire un
bilan après seulement 9 mois d’existence,
les Fadel sortent quand même de la saison
estivale avec un large sourire : «L’afflux a
dépassé nos espérances. Notre parking de
1 500 places a été pratiquement plein tous
les jours. Nous avons eu beaucoup de touristes
du Golfe, qui ont représenté 20 à
30 % de la clientèle».
Situé sur une parcelle de 20 000 m2, louée
à l’archevêché grec-orthodoxe pour 30
«Il fallait
un certain
temps pour
que les
clients
prennent
leur repère» ABC-Achrafieh en chiffres
voilà 1 200 m2 de disponibles. «Nous
réfléchissons à la meilleure formule pour
occuper cet espace. Nous privilégions
une grande surface spécialisée, comme
dans les meubles, les articles de sport ou
les loisirs», s’interroge Fadel.
De son côté, ABC-Dbayé avait bien résisté
au moment de l’ouverture du centre
d’Achrafieh. Aucune baisse notable
n’avait été remarquée. Toutefois, à l’approche
de l’été, un léger fléchissement à
Dbayé a été observé. «Les touristes se
sont davantage tournés vers Beyrouth
pour leurs achats. Cependant, nous pensons
que les ventes vont reprendre d’ici
à la fin de 2005», explique Fadel, qui
annonce également la prochaine réouverture
du mythique ABC à Bab Idriss.
Question de nostalgie et d’avenir. Mais
ce point de vente sera spécialisé uniquement
dans les produits de beauté, la lingerie
et les accessoires.
CITY MALL
UN GÉANT À JDEIDÉ
Jeu de mots facile mais tellement réel :
200 000 m2 dont 75 000 m2 de surface de
vente, hypermarché Géant de 11 000 m2,
BHV de 18 000 m2, magasin de sport de
2 000 m2, 9 salles de cinéma, espace de
loisir de 3 000 m2 pour les enfants,
15 cafés et restaurants et une
galerie marchande. City Mall sera
donc sans contestation le plus
grand centre commercial du Liban.
Localisé à Jdeidé-Bauchrieh, le
projet, estimé à 70 millions $, est
développé par le groupe Admic, le
franchisé des enseignes Monoprix, BHV,
Hippopotamus et bientôt Géant.
Premier atout : l’emplacement. «Nous
sommes à la sortie nord de Beyrouth. Le
flux est estimé à presque 300 000 véhicules
par jour. Le site est accessible par
trois axes : d’abord l’autoroute, puis la
route maritime qui sera prochainement à
double sens, et enfin la nouvelle voie rapide
qui reliera Nahr el-Mott à Broummana et
Baabdate», souligne Michel Abchee, directeur
d’Admic.
Quand même, construire un centre commercial
de 200 000 m2 est une première.
Les plus sceptiques s’interrogent déjà sur
le bien-fondé d’un tel gigantisme. Mais pas
Abchee : «Nous devons être suffisamment
grands pour ne pas être vulnérables face à
n’importe quelle concurrence qui viendrait
s’implanter».
City Mall vise le plus large public et mise
sur le concept du “tout sous un seul toit”.
La zone de chalandise du centre touche
70 % de la population de l’agglomération
beyrouthine. En plus, «le touriste du Golfe
est déjà familier de ce type d’espaces ; et
le Libanais est assez flexible et cultivé
pour s’adapter aux centres commerciaux.
Il a souvent voyagé et les côtoie à l’étranger
», explique Abchee. Le centre
accueillera une centaine de boutiques, les
plus variées possibles. Et à
quelques semaines de l’inauguration
de la première phase en
décembre 2004, plus de 70 %
des 75 000 m2 de commerces
sont déjà loués.
Les loyers sont définis par la
taille du magasin, l’emplace-
«Nous
devons être
suffisamment
grands pour
ne pas être
vulnérables»
Parcelle de terrain 20 000 m2
Surface totale construite 120 000 m2
Surface de vente ± 37 000 m2
- Dont ABC 10 000 m2
- Grand magasin 3 100 m2
(non alloué encore)
- Mall Street 1 700 m2
(commerçants d’Achrafieh)
- Souk des bijoutiers 1 400 m2
- Aïzone 1 100 m2
- Virgin Megastore 800 m2
Nb. de boutiques dans 133
la galerie marchande
- Dont boutiques au Mall Street 36
- Franchises internationales* 40
Nb. de restaurants* 10
Cinémas 7 salles Empire
Parking 50 000 m2
Nb. de places de voitures 1 500
Zone de chalandise 1 500 000 hab.
Chiffre d’affaires 240-255 millions $
(prévision) par an
Part de marché (prévision)** 16 %
Surface de vente ± 4 500 m2
disponible encore
Taux d’occupation 85 %
Date d’ouverture Novembre 2003
Investissement 120 millions $
(y compris foncier)
(*) Uniquement dans la galerie marchande.
(**) Part de marché de détail non agroalimentaire.
Enseignes dans la galerie marchande
de l’ABC ayant déjà une adresse à
Beyrouth :
• Achrafieh : 30 %
• ABC Dbayé : 29 %
• Verdun : 18 %
• Kaslik-Jounieh : 17 %
• Centre-ville : 14 %
• Zalka-Dbayé : 13 %
• Hamra : 9 %
?
ville et de 50 % ceux de Verdun. «Ces
loyers sont justifiés. Premièrement, le
projet constitue un lourd investissement
et, deuxièmement, le centre génère un
afflux important et régulier de clients»,
insiste Fadel.
Parmi les prochains locataires, le groupe
Rayess (GS, Timberland, Bossini, Morgan)
doit prendre un grand emplacement au
niveau zéro. Alors qu’il était attendu dès
novembre 2003, ce groupe avait fait
machine arrière. Le retour est jugé par les
promoteurs comme une preuve de confiance
dans leur centre.
Actuellement, il reste environ 4 500 m2
d’espaces de vente disponibles.
L’espace normalement alloué à un grand
magasin au niveau 1 n’a toujours pas
trouvé preneur. Il reste également une
bonne surface au niveau 3. Le projet initial
prévoyait un club de remise en
forme. Mais le plan a été abandonné, et ment et le type de produits. Les boutiques
inférieures à 100 m2 se louent entre 1 000
et 1 200 $ le mètre carré par an. Les
points de vente de 100 à 300 m2 varient
de 700 à 900 $ le m2. Les autres surfaces,
supérieures à 300 m2, se négocient au cas
par cas. «C’est vrai qu’il y a une offre
abondante de surfaces commerciales sur
le marché mais elle n’est pas nécessairement
adaptée aux commerces d’aujourd’hui.
Ainsi, City Mall sera aux normes
internationales requises pour le commerce
moderne : taille, largeur, profondeur,
hauteur des boutiques…», insiste Abchee.
Qui déplore que le ministère du Tourisme
ne reconnaisse pas les centres commerciaux
comme des attractions touristiques.
BEIRUT MALL
LE FONCEUR DE LA BANLIEUE SUD
Situé à Chyah le long de l’ancienne route
de Saïda, Beirut Mall occupe une parcelle
de 9 000 m2, autrefois connue comme
l’usine Ghandour. Si la construction d’un
centre commercial dans cette région
peut surprendre, les promoteurs affirment,
au contraire, que cet emplacement,
qui est en leasing pour
une période de 20 à 40 ans,
sera un des points forts du projet.
«C’est une région populaire,
et le centre sera un espace de
détente pour les familles de
toutes les classes sociales de la
région et d’ailleurs», explique
Zaher Chatila, directeur régional
de la branche libanaise de Saudi
Marketing Company, le promo-
Projets en attente
De tailles diverses et situés
aux quatre coins de
Beyrouth, plusieurs projets
de centres commerciaux
pointent à l’horizon.
• Les Souks. Le projet le
plus connu sans contestation.
Mais la reprise des travaux,
stoppés depuis 1998,
est sans cesse repoussée.
Cet espace doit jouer le rôle
de détonateur de l’activité
marchande du centre-ville
qui n’est pas encore véritablement
devenue une destination
commerciale. Les
Souks de Beyrouth seront
compartimentés en plusieurs
attractions : une galerie
marchande, un souk des
bijoutiers, un hypermarché,
un grand magasin, un
espace de loisirs dont 8
salles de cinéma. Solidere
ambitionne déjà un revenu
annuel de 25 millions $ sur
la location des emplacements
commerciaux, qui
devront générer pour leurs
tenants un chiffre d’affaires
annuel de 270 millions $.
La société foncière est
cependant toujours dans
l’attente d’un feu vert politico-
administratif...
• Landmark. Situé au
niveau de la place Riad
Solh, le projet Landmark
(75 % capitaux koweïtiens
et 25 % libanais) comportera
une galerie marchande
de 18 000 m2. Situé sur une
parcelle de 7 700 m2 achetés
à 52,5 millions $, cet
investissement comprendra
également un hôtel de 200
à 250 chambres ainsi que
des appartements. Dessiné
par l’architecte français Jean
Nouvel, ce complexe aura
une tour de 155 mètres.
L’investissement est estimé
à 200 millions $.
• Agora. L’annonce du
projet appelé Agora à
Hazmieh, à l’opposé de
l’ancien garage Chevrolet,
n’est pas un scoop. Cela fait
plusieurs années que les
travaux sont annoncés et
reportés. Financé par le
groupe libanais Nassif
Karam, Agora devrait totaliser
une surface commerciale
de 49 000 m2.
• Verdun 5. Avec 148 000
m2 de surface bâtie dont
52 000 m2 de surface marchande,
le centre commercial
Verdun 5 sera le
premier du genre dans
cette partie de Beyrouth.
Situé sur l’ancienne parcelle
de 18 000 m2 du Carmel
Saint-Joseph, ce centre est
financé par des promoteurs
libanais (Horizon
Development) et koweïtien
(United Real Estate).
Verdun 5 accueillera un
grand magasin international,
un supermarché, des
cinémas, un “food court”
et une galerie marchande
d’une centaine de boutiques.
L’ouverture n’est
pas prévue avant 2007.
• Dbayé. Un gigantesque
projet touristique, commercial
et résidentiel, appelé
Marina City, a été annoncé
récemment sur les remblais
de Joseph Khoury. Si le projet
de l’Émirien al-Futaim se
maintient dans cette
région, il devra y ajouter ses
propres espaces commerciaux.
teur du Beirut Mall, dont l’investissement
se chiffre à 20 millions
$.
Effectivement, la banlieue sud,
avec ses 500 000 habitants, est
l’une des dernières autour de
Beyrouth à être sous-équipée en
complexes commerciaux.
«Personne n’avait auparavant
investi dans cette région, pensant
que cette
population
n’était pas
rentable. C’est
faux. La région
est idéale pour
ce type d’espaces
commercial
et de
loisirs», ajoute
Chatila.
Conçu par
l’architecte
libanaise
Dolly Debs
Braidi, qui a
déjà mis sa
griffe aux
galeries marchandes
Verdun 730,
«Aucun
investisseur
n’avait investi
dans cette
région,
pensant que
ce n’était pas
rentable.
C’est faux»
Verdun 732 et le centre commercial
ABC-Achrafieh, Beirut Mall totalisera
55 000 m2, dont environ 16 000 m2 de
surface commerciale. Tout semble avoir
été conçu pour améliorer l’accueil et le
confort : 50 % de chaque niveau seront
des espaces libres et de déambulation,
alors que dans les autres galeries marchandes,
ce taux tourne autour de 30-
40 %. Et une attention particulière sera
portée aux enfants : «Nous allons leur
proposer un espace spécifique de 4 000
m2 réparti sur deux niveaux. Une niche
encore peu exploitée». Les promoteurs
confirment avoir plusieurs contacts avec
des compagnies du Golfe déjà spécialisées
dans la gestion de ce type d’espaces.
Beirut Mall espère accueillir quelques
enseignes locomotives, avec 50 % des
boutiques spécialisées dans l’habillement.
La restauration sera concentrée
sous la forme d’un “food court” de 1 300
m2. Pour le commerce, les négociations
vont bon train avec des groupes comme
Rayess (GS, Bossini, Springfield) et
Daher (Zara, Mango, Berschka, Promod).
«Mais rien n’est encore conclu», insiste
Chatila. À ce jour, seuls l’hypermarché
saoudien Farm (environ 8 000 m2) et
l’enseigne Cinnzeo ont confirmé leur ment de plus de 180 malls dans le monde,
dont certains dans les grandes villes régionales
comme à Abou Dhabi, Dubaï, Le
Caire et Koweït-City.
Le Boulevard, qui ouvrira ses portes en avril
2005, mise donc sur la notoriété du groupe
al-Habtoor et sur l’expérience des consultants
australiens, pour attirer des
enseignes de renom : «Il faut des enseignes
complémentaires les unes aux autres.
Nous ne sommes pas pressés dans notre
sélection. Notre choix doit être cohérent
avec notre stratégie».
Actuellement, les promoteurs s’abstiennent
de divulguer les noms des enseignes du
centre. En accord avec les commerçants
concernés, le secret doit être maintenu
jusqu’à une prochaine conférence de
presse. Le prix des loyers reste également
confidentiel.
Cependant, toutes les catégories de
commerces seront représentées (cosmétiques,
habillement, accessoires, parfumerie,
multimédia, bijouterie, restaurants
et cafés, etc.). De nouvelles franchises
internationales devraient y faire
leur première apparition au Liban. Selon
Saarti, «nous ne voulons pas impressionner
avec des dizaines de milliers de
mètres carrés de surfaces marchandes.
La taille que nous avons définie est idéale
pour créer une ambiance et pour favoriser
le bien-être des clients».
el-Fil, baptisé le
Boulevard, sont
déjà chiffrées.
Situé au pied du
Metropolitan
City Center
(MCC) qui comprend
une tourhôtel
d’une hauteur
de 33
étages, la plus
haute de la ville,
le Boulevard
s’étend sur
25 000 m2 dont
environ 15 000
m2 de surface
de vente. À
terme, le centre
regroupera plus
de 100 boutiques
réparties
sur cinq
niveaux.
«Facile d’accès,
le Boulevard
sera à la fois
une destination commerciale et touristique,
confie le directeur Walid Saarti. Car
pour cette première galerie marchande “à
thème” du Liban, tout l’intérieur avec la
décoration, le revêtement, le mobilier
urbain sera aux couleurs de la ville de
Paris». Y compris les pavés au sol, les
façades des boutiques, les anciennes
bouches de métro, les terrasses des
cafés, les noms des rues. En misant sur
l’image de Paris, ce centre veut donc marquer
sa différence. «Cela va être une
valeur ajoutée considérable, et l’une de
nos forces pour pérenniser et renforcer
notre centre par rapport à la concurrence»,
précise Saarti.
Les promoteurs espèrent ainsi que le
centre commercial deviendra une vraie
destination touristique incontournable au
Liban au même titre que les sites historiques.
Le Boulevard comptera également
sur l’afflux des clients qui viendront à l’observatoire
panoramique situé au dernier
étage de la tour, censé offrir une vue
imprenable sur Beyrouth. Ce sera un peu
comme le Montparnasse de Paris.
Le centre, à coup de 150 millions $, sera le
quatrième projet du groupe émirien al-
Habtoor au Liban (voir encadré). Le groupe
a confié la gestion et la promotion du
centre commercial à la société australienne
FDP Savills qui bénéficie d’une solide
réputation dans le métier avec le lancevenue.
De plus, la fourchette des loyers
étant en cours d’étude, aucun chiffre
n’est actuellement disponible.
Les promoteurs du Beirut Mall ne semblent
pas inquiets de la concurrence. «Les nouveaux
centres commerciaux visent des
régions et des catégories de clientèle spécifiques.
À Chyah, nous aurons un cachet particulier
dans une région encore vierge pour ce
type d’espaces», conclut Chatila. Qui prévoit
une inauguration pour début 2006.
METROPOLITAN BOULEVARD
PARIS À BEYROUTH
Plus de 3 millions de visiteurs en 2007, un
chiffre d’affaires de 50 millions $ la même
année, puis 70 millions en 2008 : les ambitions
du nouveau centre commercial de Sin
«Le centre
commercial
deviendra
une vraie
destination
touristique
au même titre
que les sites
historiques»
Aswad et al-Habtoor
à la conquête du Liban
• Classé parmi les plus importantes sociétés
saoudiennes, le groupe Aswad est actif
dans de nombreux domaines : industrie,
commerce, immobilier, électromécanique.
Il a ensuite diversifié ses activités
vers la bijouterie, la construction, la gestion
de centres commerciaux, le tourisme
à travers une agence de voyages Space
Travel, la représentation pour 15 pays de
la région de la franchise Cinnzeo et la
grande distribution avec l’enseigne Farm.
D’où sa percée libanaise : le groupe
Aswad s’y active déjà via sa société Saudi
Marketing Company Ltd (SAMCO) dont
le siège est à Verdun. Cette dernière gère
actuellement les points de vente Cinnzeo
à Beyrouth et s’active à la construction du
centre Beirut Mall.
• En l’espace de 30 ans, l’émirien al-
Habtoor est devenu l’un des groupes les
plus puissants du Moyen-Orient. Actif
dans des domaines d’activités, comme
c’est souvent le cas, très diversifiés :
immobilier, ingénierie, hôtellerie (la chaîne
Metropolitan et Monkey Island à
Londres), loisirs (Metroplex à Dubaï),
éducation (Emirates International
School), automobile (Rolls Royce,
Bentley, Aston Martin, Mitsubishi), édition,
etc. En fait, l’empire al-Habtoor ne
cesse de s’agrandir aux Émirats arabes
unis et dans le monde. Son chiffre d’affaires
annuel est estimé à 1,5 milliard $.
Al-Habtoor mise beaucoup sur l’avenir
touristique du Liban. Le groupe va y
investir au total plus de 360 millions $ et
créer environ 2 500 emplois. Après la
construction de l’hôtel Metropolitan (183
chambres, 20 suites) et du complexe résidentiel
Jamhour Village (53 résidences
haut de gamme), deux projets sont en
cours : Metropolitan City Center (hôtel,
centre commercial, club de remise en
forme, salle de réception…) et
HabtoorLand (parc d’attractions de
107 000 m2, amphithéâtre de 1 200
places…) à Haret el-Sit (Jamhour). leurs promoteurs vont devoir
s’adapter en baissant les loyers.
Quant aux rues marchandes,
elles vont continuer à fonctionner.
Elles seront très peu affectées
par ces malls. Les loyers
vont également être nivelés surtout
si les prix sont surélevés
comme à Verdun. Le centre-ville
est un cas particulier. Les loyers
vont se maintenir, voire augmenter,
parce que la prochaine
construction des Souks de
Beyrouth va renforcer la valeur
commerciale du centre.
À l’avenir, de nouveaux
centres commerciaux un
peu partout doivent également
arriver, allons-nous
vers une saturation du
marché ?
Il y a de la place pour tout le
monde. Je ne dis pas qu’il y a
de la place pour 100
centres commerciaux,
mais le
nombre des projets
en cours est correct.
De plus, les bons
emplacements disponibles
et la hausse de
prix du foncier vont
naturellement limiter
une prolifération trop
abusive des projets.
du consommateur
est en baisse. Mais
il y a quand même
une clientèle pour
les centres commerciaux.
Parallèlement, il ne
faut pas négliger la
clientèle touristique.
Nous ne savons pas
exactement combien
elle dépense
dans le shopping.
Que pensez-vous des
loyers demandés par les
promoteurs ?
Ils demandent des loyers élevés
parce qu’ils ont
des locomotives commerciales
– des
enseignes renommées
– qui bénéficient,
elles, de loyers
avantageux. En
contrepartie, les promoteurs
se rattrapent
en faisant payer les
petites boutiques. Je pense que
les loyers devraient être calculés
selon le chiffre d’affaires du
point de vente. Cependant,
aujourd’hui, certains commerçants
sont conscients qu’ils
paient un peu trop.
Quel est l’avenir des
anciennes galeries marchandes
et des
rues commerçantes
comme
Hamra, Verdun,
Furn el-Chebback,
etc. ?
La situation de certaines
galeries peut
devenir problématique.
Ces petites
structures ne vont
pas fermer, mais
commercial est un excellent
investissement. Avec des loyers
qui peuvent varier de 250 à 1 500
$ le m2, l’opération peut être très
rentable. De plus, les Libanais
sont de plus en plus excités par
les malls. Par exemple, ABCAchrafieh
a été une réussite. Les
clients sont heureux d’y aller.
Cela encourage les investisseurs,
dont des promoteurs expérimentés
du Golfe. Il a fallu du temps
pour qu’ils aient confiance dans
le pays.
Quelles sont les recettes
du succès d’un centre
commercial ?
Il faut tout d’abord un
bon emplacement.
Puis, il faut une
“masse critique”,
c’est-à-dire une taille
suffisante pour permettre
de regrouper le
plus grand nombre
d’enseignes et favoriser
une bonne mixité
des fonctions. Plus le centre est
grand et plus il peut satisfaire
toutes les catégories sociales,
les classes d’âges et accueillir
différentes attractions comme
un hypermarché, des cinémas,
des grands magasins, des boutiques,
un espace pour les
enfants et des restaurants. À
mon avis, la taille d’un centre à
Beyrouth peut atteindre
100 000 à 120 000 m2.
Aujourd’hui, c’est le manque de
terrains disponibles
qui limite la taille des
centres.
Est-ce que la
demande libanaise
justifie ces investissements
?
Le pouvoir d’achat
City Mall, Metropolitan
Boulevard, Beirut Mall,
pour ne citer que les plus
imminents. Quel est votre
sentiment à l’arrivée de
ces trois nouveaux centres
commerciaux ?
C’est une bonne nouvelle. City
Mall sera le premier véritable
centre commercial de Beyrouth
avec ses 75 000 m2 de surfaces
commerciales. Sa
“masse critique” et son emplacement
sont excellents. Les
promoteurs ont acquis une
bonne expérience du marché
avec BHV-Monoprix. Ils savent
ce qu’ils font. Beirut Mall va être
un petit centre qui vise les quartiers
environnants. Ce sera une
première pour la banlieue sud. Il
va trouver son public.
Metropolitan Boulevard sera la
première structure commerciale
de cette taille dans cette région
résidentielle. Le centre va naturellement
miser sur les touristes
des deux hôtels voisins.
Ces trois espaces vont-ils
se marcher sur les pieds ?
Ils sont situés dans trois
régions distinctes avec des
zones de chalandises différentes.
Chacun va trouver sa
place. Il y aura certainement
une petite compétition. Mais
chacun doit prendre sa part du
gâteau. Si j’étais un commerçant,
je ne vois pas le problème
d’ouvrir une enseigne dans les
trois centres.
Comment expliquez-
vous ce phénomène
des
centres commerciaux
à Beyrouth ?
Pour les promoteurs,
construire un centre
C
«Il y a de la place pour tous»
De son bureau au 12e étage dans le quartier de Hamra, Raja Makarem, managing partner de Ramco Real Estate
Advisers, analyse l’arrivée prochaine des centres commerciaux et les éventuelles conséquences sur l’évolution
du paysage commercial de Beyrouth.
«La taille
d’un centre
à Beyrouth
peut
atteindre
100 000
à 120 000 m2»
«Les loyers
devraient
être calculés
selon
le chiffre
d’affaires
du point
de vente»
«Il n’y a pas
de place
pour 100
centres
commerciaux,
mais le
nombre
des projets
en cours
est correct»