En l’espace de 15 ans, Rectangle Jaune est passé d’un petit atelier local de chemises à un concept de franchise qui part à la conquête du marché extérieur. Itinéraire d’une enseigne dans un secteur qui ne fait pas de cadeaux.
«Notre niche était de créer des
produits extrêmement qualitatifs.
Derrière la marque, il y a
une équipe qui ne veut pas faire n’importe
quoi, ni copier les produits des autres.
Nous misons sur la recherche et le développement
des plus belles matières»,
explique d’emblée Charles Arbid, patron de
la société Rectangle Jaune.
Des premières chemises fabriquées en
1988 à l’ouverture de la septième boutique
en 2005 au City Mall à Nahr el-Mott,
Rectangle Jaune n’a cessé d’intriguer sur
le marché de l’habillement hommes, au
milieu d’une panoplie toujours plus riche de
concurrents italiens et français aux noms
prestigieux. Derrière cette réussite, une
PME dynamique installée sur les hauteurs
de Jal el-Dib où elle conçoit et fabrique
70 % de sa production. Le reste, pour des
raisons techniques, est fait à l’étranger
(Maroc, Italie et Turquie), alors que, inversement,
80 % de la matière première vient
d’Italie.
L’aventure Rectangle Jaune a donc commencé
à la fin des années 1980 avec la
confection de chemises. L’entreprise vend
alors en gros et distribue ses produits dans
des boutiques multimarques. Mais la véritable
visibilité s’opère à partir du milieu des
années 1990 quand Rectangle Jaune s’est
construit une image et un style. C’était la
naissance d’une griffe. En 1996, ce fut
l’ouverture du premier point de vente à
l’ABC Dbayeh. La gamme des produits se
développe ; à la chemise qui a fait la réputation
de la maison viennent s’ajouter
d’autres cravates, pantalons, costumes et
accessoires. «Nous avons découvert que
pour monter une marque, il ne suffisait plus
d’avoir un bon produit ni d’exhiber un total
look, il fallait développer
un concept, c’est-à-dire
monter un système de
boutiques uniformes pour
montrer le produit et aller
dans la franchise», précise
le PDG. Et le concept a
bien fonctionné.
LE JEU DES CENTRES
Rapidement, Rectangle
Jaune étoffe son réseau
avec une identité propre.
Hormis une expérience de
courte durée dans le
centre-ville de Beyrouth
(rue Zaghloul) où la boutique
a fermé après
quelques mois, Rectangle
Jaune a réussi à bien se
positionner sur le marché
local avec 7 adresses :
ABC Dbayeh, ABC
Achrafieh, City Mall, avenue
Charles Malek à
Achrafieh, BHV Jnah, faubourg
de Tripoli et à Saïda.
Des choix géographiques
qui obéissent aux flux des
consommateurs.
«Actuellement, nous suivons
la tendance internationale,
et locale, qui voit les clients
s’orienter de plus en plus vers les centres
commerciaux, aux dépens des rues marchandes.
Les marchés bougent et nous
bougeons avec. Nous avons notre part de
marché et notre clientèle, le centre génère
du trafic, nous aussi. Chacun profite de
l’autre», explique Charles Arbid. Qui projette
de tenter
une
seconde chance
au centre-ville
dans les attendus
souks de Beyrouth.
Parallèlement à cette prolifération
géographique,
Un nom original
Le nom a beau être à
consonance française,
Rectangle Jaune
est on ne peut plus
libanais. «L’origine
du nom Rectangle
Jaune est très personnelle.
Au début,
j’aimais beaucoup
la marque d’électronique
allemande
Blaupunkt (point
bleu). Quand le
moment est venu
de trouver un
nom, j’ai pensé :
pourquoi ne pas
associer une
forme et une
couleur ?»,
dévoile
Charles Arbid.
Toutefois, ce
choix pose
aujourd’hui
quelques
problèmes à
Dubaï : le
vocable a du
mal à se prononcer
dans
les pays du
Golfe. Pour
palier ce petit
désagrément, la
compagnie réfléchit
à une reformulation
du type
RJ by Rectangle
Jaune plus facile à
prononcer. Rectangle Jaune vient de miser sur un nouveau
look à travers des boutiques plus
lumineuses et plus dégagées. La surface
de vente type est passée en moyenne de
50 à 100 m2 : «Nous avons lancé un nouveau
concept de boutique au City Mall.
Notre gamme de produits a augmenté,
donc nous avons un besoin d’espace».
L’une des forces de Rectangle Jaune est
en fait son fichier de clients qui compte
près de 15 000 noms. Le client est ainsi
sollicité par des e-mails, des SMS et des
catalogues qui peuvent être acheminées
jusqu’en Afrique pour la clientèle libanaise
expatriée. C’est l’une des solutions
pour ne pas se faire écraser par la concur-
Dubaï, quelques règles du jeu
Mettre en place un réseau de franchises à Dubaï implique d’avoir en tête
plusieurs éléments. Charles Arbid nous en donne 5 exemples :
1) Quand vous êtes à Dubaï, vous êtes dans la cour des grands. Vous faites la
concurrence à des sociétés commerciales qui ont des dizaines de boutiques
internationales dans le pays.
2) C’est un marché très changeant avec une clientèle cosmopolite parfois difficile
à fidéliser car elle n’arrête pas de bouger ; elle peut résider seulement
quelques mois, ou quelques jours tous les mois.
3) Il faut être déjà fort dans son marché d’origine avant
de se développer à l’export. Quand on atteint la
maturité nécessaire pour un produit donné, on peut
l’exporter. On ne peut tester le produit à Dubaï.
4) Les Émirats sont à la porte de la Chine qui y
exporte de nombreux produits. Mais il y a toujours
une place pour des produits conçus intelligemment
et des concepts libanais.
5) Les Arabes ont une bonne image de nous. Ils
apprécient notre façon de vendre.
Francesco Biasia aussi
Au moment où Rectangle Jaune cherche à
étoffer son réseau de franchise à l’étranger,
Charles Arbid et sa femme ont en parallèle pris
en franchise l’enseigne italienne Francesco Biasia.
«C’était notre première expérience en tant que
franchisé. Cela faisait longtemps que nous suivions
de près ce produit de qualité», explique Arbid. Un
premier point de vente a été inauguré en 2004 à
l’ABC Achrafieh. Un second est prévu prochainement à
l’ABC Dbayeh. Rachetée dernièrement par la compagnie
Mariella Burani, Francesco Biasia est une marque
spécialisée dans les accessoires féminins et les sacs.
Cette initiative ne devrait pas être isolée. «C’est dans la
continuité de notre aventure Rectangle Jaune, nous voulons
nous développer dans ce créneau de la franchise internationale,
précise Arbid. Nous avons déjà la structure et une bonne expérience
du commerce. C’est à nous de trouver le produit idéal et intelligent.
Sur le marché local, il y a de la place pour ce type de produits».
• 7 boutiques + 3 à Dubaï
• Conception et fabrication locale :
70 %de la production
• 15 000 : fichier clients
• Export : 25 à 30 %
• En négociation : Jordanie,
Qatar et Bahreïn
• Dépense moyenne d’un client :
125 $
rence qui, au Liban, a des noms internationaux
comme Façonnable, Lacoste ou
NewMan. D’autant que les articles
Rectangle Jaune ne sont pas bon marché :
une chemise à partir de 45 $ et un costume
à partir de 300 $. La dépense moyenne
d’un client est de 125 $.
LE CAP SUR DUBAÏ
«Nous voulons nous consolider d’abord sur
le marché libanais, où nous sommes déjà
bien implantés. Mais pour les dix années à
venir, nous allons développer notre système
de franchise à l’étranger. Depuis plusieurs
années, nous sommes présents
dans certains pays de la région à travers
des boutiques multimarques. Les distributeurs
venaient nous voir, c’était des commandes
saisonnières. Avant, nous exportions
des produits, désormais nous exportons
un concept», clarifie Arbid.
Associé avec son franchisé local à hauteur
de 35 % du capital, Rectangle Jaune a fait
ses premiers pas hors frontières, à Dubaï,
en 2001. «Le marché y est certainement
difficile. L’appétit d’achat n’est pas si
important que cela, contrairement à ce que
l’on croit. À côté, le Liban, malgré la crise
économique, est un pays de miracle», précise
Arbid, également très actif au sein de
l’Association des industriels libanais.
À ce jour, l’export représente 25 à 30 %
du chiffre d’affaires de la compagnie.
L’objectif à terme serait d’atteindre 80 %.
Actuellement, Rectangle Jaune compte
trois points de vente dans les principaux
centres commerciaux de Dubaï. Une quatrième
boutique doit ouvrir cet été 2005.
Les Libanais expatriés représentent un
vivier de consommateurs important ; puis
suivent les clients émiriens, les étrangers
occidentaux et, enfin, des ressortissants
russes et arabes (égyptiens, jordaniens,
koweïtiens).
La prochaine étape pour la firme libanaise
est la Jordanie, à Amman, où les
contacts sont avancés avec des partenaires
pour une nouvelle franchise. Une
option de location a même été prise dans
un centre commercial actuellement en
construction – appelé aussi City Mall –,
où sera implanté l’hypermarché français
Carrefour, avec une ouverture prévue en
2006. Après la Jordanie, des implantations
au Qatar et à Bahreïn sont également
envisagées. Après son aventure
libanaise, Rectangle Jaune a bien entamé
le périple régional.