C’est comme un jeu de devinettes : qui sera la prochaine enseigne à fermer – ou à ouvrir – au centre-ville ? Chiffres à l’appui, 2005 restera en tout cas une année record en termes de fermetures. Mauvaise conjoncture et, parfois, calculs approximatifs.

PRENEURS POTENTIELS
Selon notre étude sur le terrain, 58 % des
espaces de vente qui ont fermé en 2005 sont
aujourd’hui toujours vacants. Un chiffre particulièrement
considérable pour une région
hautement convoitée. Pourtant, de nombreux
spécialistes des espaces commerciaux ne
cessent de répéter que la majorité des
Beyrouthins, hors clientèle élitiste, perçoit
encore le centre de Beyrouth non pas comme
un espace marchand mais comme un quartier
de promenade.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer les
fermetures à répétition, en dehors de la situation
sécuritaire en 2005.
• Il est indéniable d’abord que beaucoup de
commerçants se précipitent au centre-ville
sans aucune étude de faisabilité. Croyant à
une réussite immédiate, certains acceptent
des loyers particulièrement élevés pour des
emplacements qui ne
le méritent pas. Les
prix actuellement pratiqués
varient entre 2
extrêmes : 500 et
1 500 $/m2, ou une
moyenne de 1 000 $/m2 par an, soit, pour
un espace de 100 m2, un loyer mensuel
moyen de 8 300 $, et des extrêmes allant
de 5 000 $ à 12 000 $. Exemple, une boutique
située au rez-de-chaussée de l’immeuble
Venice rue Dabbagha (au nord de la
rue Foch) a déjà connu 7 enseignes différentes
en l’espace de 5 ans. Ce cas montre
l’entêtement de certains commerçants qui
font fi des échecs de leurs prédécesseurs
et s’obstinent dans une logique risquée.
• D’un autre côté, à quelques pas des vitrines
Psychose des attentats, manifestations à
répétition, journées de grève, désertion
des noctambules et des touristes, le
centre-ville a été malmené au cours des 12
derniers mois. Dès février 2005, la presse
locale avait relaté les difficultés des commerçants
et restaurateurs à faire face à une vague
de désertion des clients. Des chiffres d’affaires
divisés par 2 au cours des premières
semaines qui ont suivi l’assassinat de Rafic
Hariri… du moins jusqu’au festival de l’unité
nationale en avril dans les rues du centre-ville.
Mais même ce lifting du moral national n’a
pas pu résister aux incidents successifs qui
ont jalonné le reste de l’année.
Au total, 67 enseignes (boutiques et restaurants)
ont mis la clé sous la porte l’année passée,
avec cependant en contrepartie 72
ouvertures. Les premières victimes (31 % des
fermetures) ont été les restaurants : exemples
extrêmes, trois enseignes (el-Azhari, Spark
Café et Mozzarella)
ont ouvert et fermé la
même année.
Résultat statistique :
le nombre de restaurants
fait du surplace
depuis 2-3 ans, et reste compris entre 85 et
90 établissements.
Le phénomène des fermetures touche également
les boutiques d’habillement et d’accessoires.
Quelques enseignes connues
comme Magrabi, Foot Avenue et Thierry’s
Friends, qui possèdent plusieurs adresses
à Beyrouth, ont préféré quitter le centreville.
Les deux chocolatiers belges Neuhaus
et Godiva ont plié bagage ; le premier avait
ouvert en décembre 2003 et le second en
mai 2003.
des couturiers européens et des terrasses de
café, plusieurs ruelles telles que Youssef
Rami, Abdel Hamid Karamé, Uruguay et le
centre Lazarieh offrent un alignement de bou-
L’exception des franchises
La fermeture d’enseignes internationales
est généralement rare, dans tout espace
marchand. Depuis cinq ans, seules 15 franchises
ont fermé au centre-ville. Cela ne
représente que 8 % seulement des fermetures.
L’année 2005 a bien vu le départ des
deux chocolatiers, Neuhaus et Godiva,
mais également les boutiques d’habillement
Offshore Legends et Sp & Co, ainsi
que l’opticien Magrabi. Mais il s’agit souvent
d’enseignes peu connues sur le marché
local, et qui n’ont pas réussi à trouver
rapidement leur public. Ces échecs résultent
d’une combinaison de plusieurs facteurs.
D’abord, il y a le mauvais choix d’implantation,
car il ne suffit pas d’avoir une
enseigne connue mondialement pour
accepter d’ouvrir des points de vente dans
des rues désertées ; une raison à laquelle on
ajoute parfois le manque de professionnalisme
de la part du franchisé et le peu de
renommée de l’enseigne au Liban.
58 % des espaces de vente
qui ont fermé en 2005 sont
aujourd’hui toujours vacants
Franchises qui ont fermé*
Activités Nb. Enseignes
Habillement 6 Benetton, Laltramoda,
Nara, Camicie,
Offshore Legends,
Sp & Co, Lilico &
Tigor, Liberto**
Restaurants 3 Joffreys, Cinnabon,
Fashion Bar
Chocolatier 2 Neuhaus, Godiva
Chaussures 1 Clarks
Lingerie 1 Body One
Accessoires 1 Magrabi
Total 15
* Fermetures observées depuis 2000.
** Cette enseigne française a fermé l’une de ses
deux adresses, rue Émir Béchir. rues Maarad et Malek et les places de l’Étoile
et des Martyrs (cette dernière pour un but
moins commercial que politique). Les piétons
s’aventurent rarement hors de ces axes, ce
qui pénalise les rues secondaires.
• Les emplacements disponibles en rez-dechaussée
d’anciens immeubles sont, pour la
plupart, de tailles réduites (petite façade sur la
rue et boutique allongée), donc peu conformes
aux standards commerciaux ; ce qui ne favorise
pas la venue de franchises qui suivent des
normes internationales.
L’AUTRE MOITIÉ DU VERRE
Pour les ouvertures, les années se suivent et
se ressemblent avec une moyenne annuelle
de 70 nouvelles enseignes (74 en 2004 et 72
en 2005). Cette constance prouve une fois de
plus que, malgré tout, le centre-ville attire toujours.
Toutefois, cette stabilisation démontre
également que la pénurie de bons emplacements
ralentit le développement commercial
de la région. Les axes les plus fréquentés ne
disposent plus de boutiques disponibles. Ce
qui fait que les enseignes qui souhaitent s’implanter
au centre de Beyrouth ne cessent de
repousser leur décision faute de trouver un
emplacement adéquat. L’inauguration prochaine
de la partie sud des souks de Beyrouth
– on parle du second semestre 2007 – va
modifier leur frustration. Ainsi, la majorité des
enseignes les plus actives dans le paysage
commercial beyrouthin, et qui ne sont pas
encore présentes au centre-ville, a déjà réservé
un emplacement dans ce futur espace
marchand censé raviver les souvenirs des
anciens souks.
Entre-temps, le commerce du luxe, principalement
des enseignes internationales, a mis
son dévolu sur le quartier Foch-Allenby.
Plusieurs enseignes comme Marina Rinaldi,
Mabro, Giorgio Armani, Diesel, W’ite sont
venues grossir les rangs des griffes européennes.
L’ouverture prochaine de la franchise
Gianfranco Ferre (rue Allenby) devrait également
confirmer cette tendance. D’autres
enseignes haut de gamme, comme Salvatore
Ferragno (rue Riad Solh), Bonpoint (Bab Idriss),
Frey Wille (rue Maarad), ont renforcé la prédominance
des franchises internationales au
centre-ville, qui constituent actuellement près
de 25 % de l’ensemble des boutiques et restaurants
(voir encadré).
À noter également le retour de l’ABC à Bab
Idriss dans son point de vente initialement
inauguré en 1936, il y a donc 70 ans. Les
célèbres lettres y ont ouvert un espace entièrement
dédié aux cosmétiques et aux partiques
vides. Ces axes n’arrivent pas ou plus à
tirer leur épingle du jeu dans le paysage commercial
du centre-ville. L’immeuble Opéra
(Virgin Megastore) a également enregistré une
cascade de départs au cours des 12 derniers
mois. La proximité des chantiers d’un projet
hôtelier (Bab el-Seray) et résidentiel (Beirut
Gardens) et les événements observés place
des Martyrs ont été néfastes pour eux.
• Le Beyrouthin, comme le touriste, suit un
parcours bien défini à l’intérieur du centre-ville
qui se résume à quelques lieux comme les
C
Ouvertures et fermetures
2004 2005
Nb. de fermetures 52 67
Nb. d’ouvertures 74 72
Différence + 22 + 5
Les principales enseignes
qui ont fermé en 2005
Enseignes Activités Zones
Foot Avenue Sport Place des
Martyrs
Godiva Chocolat Riad Solh
La Maison Restaurant H. Ahdab
du Saumon
Magrabi Optique Allenby
Mozzarella Restaurant Mosquée
Dabbagha
Nakhlé & Co Habillement Riad Solh
Neuhaus Chocolat Uruguay
Sp & Co Habillement Y. Rami
Thierry’s Accessoires Place des
Friends Martyrs
Trend Habillement A. H. Karamé
& Fashion
Les principales enseignes
qui ont ouvert en 2005
Enseignes Activités Zones
ABC Beauté Cosmétiques Bab Idriss
Diesel Habillement Foch
Frey Wille Bijouterie Maarad
Giorgio Armani Habillement Allenby
Izzat Daouk Cosmétiques É. Béchir
Tabkha Restaurant Souk
Bazerkane
Marina Rinaldi Habillement Allenby
Petit Bateau Habillement Y. Rami
Salvatore Habillement Riad Solh
Ferragno
W’ite Habillement Foch
Le va-et-vient en 2005
selon la catégorie
Activités Ouvertures Fermetures
Restaurants, 18 21
bars, snacks…
Habillement 19 18
Accessoires 15 10
Articles de maison 1 3
Bijouterie 4 3
Chaussures 3 3
Autres 12 9
Total 72 67
NB : Ont été pris en compte uniquement les axes
commerciaux du centre-ville, excluant donc les
zones périphériques telles que Saïfi, Kantari, Minet
el-Hosn et Wadi Abou Jmil.
Source : Ramco Real Estate Advisers.
fums. Fort d’une réussite fulgurante à
Gemmayzé, le restaurant libanais Tabkha n’a
pas échappé à l’aimant centre-ville et a ouvert
une seconde adresse rue Souk Bazerkane. Au
total, 7 nouvelles ouvertures sur 10 concernent
des restaurants et des boutiques d’habillement
et d’accessoires, donc peu de diversité
encore au centre ville. Mais on le répète
encore une fois : le centre-ville est parti de
zéro. Et tout le monde s’accorde à dire que
cette destination sera vraiment commerciale
d’ici 2 à 3 ans.
Où est-ce que l’on ouvre
le plus ?
Zones Ouvertures
Toubia Aoun 8
Uruguay 8
Souk Abou Nasr 7
Maarad 6
Foch 5
Parlement 4
Mosquée Omari 3
Allenby 3
Émir Béchir 3
Souk Bazerkane 3
Riad Solh 2
Abdel Malek 2
Immeuble Lazarieh 2
Youssef Rami 2
Mère Gelas 2
A. H. Karamé 2
Bab Idriss 2
Autres 8
Total 72
Où est-ce que l’on ferme
le plus ?
Zones Fermetures
Toubia Aoun 8
Foch 6
Youssef Rami 6
Uruguay 5
Place des Martyrs 4
A. H. Karamé 4
Riad Solh 4
Parlement 3
Mosquée Dabbagha 3
Souk Bazerkane 3
Abou Nasr 2
Émir Béchir 2
Abdel Malek 2
Allenby 2
Mosquée Omari 2
Autres 11
Total 67