Une dizaine de sites d’informations composent le paysage du Web libanais. « Le Liban est très orienté news, bien plus que d’autres marchés de la région, comme l’Arabie saoudite. Cela est dû vraisemblablement à l’instabilité politique. Les internautes recherchent une information actualisée », fait valoir Line Abou Nasr, de l’agence Vertical. Qu’il s’agisse de sites d’obédience politique ou de journaux en ligne, tous font cependant face à la difficulté de trouver un modèle économique viable. « Le modèle payant ne fonctionne pas ou fonctionne mal sur Internet. Mais, pour l’heure, la gratuité associée aux seuls revenus publicitaires ne permet pas non plus un essor économique suffisant », déplore ainsi Naji Tuéni, directeur financier d’an-Nahar. Certes, chacun des sites consultés affirme connaître une augmentation sur ce plan. « Depuis 2005, nous doublons d’une année sur l’autre », avance ainsi Patrick Bassil, qui gère le site d’informations politiques tayyar.org. Avec une moyenne de 50 000 visiteurs par jour, Tayyar truste la première place en termes d’audience des sites libanais, selon nos estimations. « Nous sommes bénéficiaires. La publicité représente aujourd’hui 65 % de nos rentrées. » Mais Patrick Bassil le reconnaît, malgré ces résultats alléchants : « Notre modèle s’appuie sur le bénévolat. Si nous devions supporter les frais salariaux d’une équipe de journalistes, nous n’aurions pas pu nous maintenir, la publicité ne couvrant pas nos frais d’exploitation. »
Le constat ne vaut pas que pour le Liban. Il est mondial. Internet se définit comme un média de l’immédiateté, lié à l’abolition des distances (ou des frontières), basé toujours sur la gratuité des contenus. Différents modèles ont pourtant été essayés pour tenter de trouver un mode de rétribution de l’information sur la Toile. Les sites ont tenté les “formules mixtes” : gratuité le jour de la parution (ou la semaine) mais paiement pour les archives ; abonnements spécifiques à des services “plus” (dépêches, alerte SMS…) censés justifier le paiement d’un forfait. Mais l’option “payante” n’a jamais marché à l’aune des espérances. En 2007, certains sites de journaux prestigieux, à l’instar du Washington Post ou du New York Times, sont même repassés au 100 % gratuit. Ils donnent depuis libre accès aux articles comme aux archives, pour mieux faire grimper l’audience et, ainsi, engranger de meilleurs revenus publicitaires.
Le hic ? Naji Tuéni, directeur financier d’an-Nahar, le reconnaît : l’audience des sites libanais (hors pics d’affluence liés à l’actualité) se situe toujours à des niveaux peu susceptibles d’intéresser un annonceur régional ou international. « Je ne crois pas qu’on ait besoin de nous sur le marché publicitaire. Les géants de l’Internet, Google, MSN, Yahoo! trustent la fréquentation et, partant, phagocytent la manne publicitaire. Pour un site plus modeste, il faut trouver d’autres modèles de financement. » Il suffit de comparer les 1,5 million de pages vues en moyenne par mois revendiqués par L’Orient-Le Jour, qui compte pourtant parmi les quotidiens libanais les plus visités, avec les 5,2 millions de pages vues mensuellement du journal saoudien al-Hayat pour comprendre que le Web libanais est toujours en quête de son public. Reste alors à trouver une niche où prospérer. Pour les sites d’informations, cela revient à définir en priorité leur cible. En levant la contrainte de la distribution physique, Internet permet de rassembler des publics éparpillés géographiquement et ainsi d’atteindre enfin un seuil critique de diffusion. La cible la plus évidente s’appuie sur une audience régionale, panarabe. Ainsi du portail Daralhayat.com, qui publie le quotidien saoudien al-Hayat sur Internet. Bénéficiaire depuis trois ans (comme ses concurrents, le site se refuse à communiquer ses résultats), Daralhayat.com (dont le site est hébergé à Beyrouth) caracole en tête des sites d’informations généralistes les plus visités au Moyen-Orient avec 385 000 visiteurs uniques par mois (6 % de son trafic provient du Liban, 19 % d’Arabie saoudite, 9 % de Syrie, 8 % d’Égypte). Mi-septembre, à l’occasion du lancement de sa nouvelle version, une dizaine de journalistes ont été recrutés. Ils forment “l’équipe Web”, dédiée au seul contenu des pages du site. « Une étape logique du développement », aux dires de Nazmi Kahil, responsable du développement du site. Nombre de clients régionaux ou à visée régionale, issus du monde de la finance, des banques ou de l’immobilier et des télécoms, communiquent sur le site. « Nos clients libanais – tel Marina Towers visent ces utilisateurs panarabes », confirme Nazmi Kahil. Les tarifs pratiqués sont à l’avenant. Une bannière 468 x 60 coûte 3 500 dollars pour un mois de présence illimitée sur la page d’accueil. Surtout, les emplacements sont réservés plusieurs mois à l’avance. « Nos tarifs reflètent une demande qui ne cesse de croître même si les prix pratiqués ne sont pas encore au niveau des standards des pays européens ou de ceux des États-Unis », fait encore valoir Nazmi Kahil.
D’autres sites – ils sont d’ailleurs très nombreux – pensent avoir trouvé le graal tant recherché : la diaspora. N’est-elle pas avide d’informations locales ? N’est-elle pas souvent financièrement plus à l’aise que les internautes restés au Liban ? À l’instar de beaucoup d’autres professionnels de la presse et du Web, Naji Tuéni croit que « la diaspora est une réelle opportunité. » L’étude du trafic annahar.com semble d’ailleurs lui donner raison. Au final, peu de Libanais (du Liban) se trouvent représentés dans son trafic quotidien (aux alentours des 5 %). Le gros de son audience provenant des États-Unis (17 % en juin 2008), de l’Europe (15 %) ou des Émirats (9 %). Une opportunité de fréquentation ? Sans nulle doute. Mais une opportunité publicitaire ? C’est, pour l’heure, moins évident. Certains secteurs de l’économie libanaise tel l’immobilier peuvent y voir leur intérêt. Leur nombre est toutefois restreint. Une telle cible peut aussi allécher des annonceurs internationaux. À l’image, par exemple, de Promovols, qui faisait campagne il y a quelques mois sur le site de L’Orient-Le Jour, ciblant les francophones libanais susceptibles de réserver en ligne leur billet pour la France. Encore faut-il répondre aux standards en vigueur telle, a minima, la mise en place d’outils de mesures de l’audience. Et posséder une renommée suffisante pour se voir intégrer dans les plans médias de ces “grands” annonceurs. Ce qui est encore loin d’être le cas.
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