Les deux indicateurs dont on entend le plus parler au Liban sont la balance commerciale et la balance des paiements. Cette approche réductrice conduit à des confusions graves. Elle occulte, d’une part, l’état de la balance courante et, d’autre part, la place des transferts et la structure du compte financier. Pourtant, le caractère exceptionnel, voire aberrant, du compte des opérations courantes au Liban trouve son pendant au niveau des comptes de capital et financier.
Un certain nombre de remarques techniques sont nécessaires pour comprendre les enjeux des comptes de la balance des paiements au Liban.
1) La qualité des données. La Banque du Liban a démarré depuis quelques années un programme de collecte des données de la balance des paiements auprès des banques commerciales. Les mouvements de plus de 10 000 dollars sont reportés un à un suivant la nature économique de la transaction qu’ils recouvrent. Les résultats de ce travail de compilation sont attendus avec impatience et on espère que le poste des “erreurs et omissions” deviendra enfin un poste effectivement résiduel, alors qu’il tourne autour des trois milliards de dollars dans la balance libanaise officielle.
2) La nature des réserves. Ce que l'on appelle couramment “balance des paiements” au Liban est calculé à reculons, comme la somme des variations des avoirs extérieurs nets de la Banque centrale et des banques commerciales. Or, la raison qui justifie que l'on s'arrête à l'étape du “solde de la balance des paiements”, c'est-à-dire aux variations des réserves, implique que l'on n'y amalgame pas automatiquement, comme on le fait au Liban, les variations des réserves extérieures de la Banque centrale avec les variations des avoirs extérieurs nets des banques commerciales, car ces dernières ne constituent pas un facteur correctif d'un éventuel déséquilibre mais font partie intégrante du déséquilibre. De plus, si l’on regarde plus attentivement les facteurs d’évolution des réserves, la balance des paiements alloue une place distincte (en dessous de la ligne) aux “financements exceptionnels” : les arriérés, les aides internationales en soutien de la balance des paiements, etc. Or, depuis les dépôts arabes auprès de la Banque du Liban, les financements de Paris II et, aujourd’hui, les aides provenant de Paris III, ce poste des “financements exceptionnels” acquiert une importance croissante et nécessite une présentation adaptée des comptes de la balance des paiements.
3) Le critère de résidence. Une part considérable des capitaux entrant au Liban dans le cadre des “autres investissements” arrive dans des comptes bancaires catalogués comme appartenant à des Libanais considérés comme résidents. On est en droit de penser qu’une grande proportion de ces capitaux provient d’activités situées en dehors du Liban et appartenant à des Libanais qui, en termes de “résidence économique”, ne sont pas résidents au Liban. Le FMI, dans ses dernières publications, opère une correction dans ce sens. L’amalgame des notions de résidence et de nationalité est à la source de différences profondes dans la lecture de l’économie libanaise, de ses forces et de ses faiblesses et dans l’appréciation des politiques économiques et financières.

Charbel Nahas est économiste. www.charbelnahas.org