On peut identifier trois filières dans la genèse des banques telles que nous les connaissons aujourd'hui : le financement des États, la facilitation du commerce et la conservation des biens d'autrui.
Financer les États
Depuis que la monnaie a été inventée, les États ont eu besoin d'argent, et notamment en période de guerre. Déjà dans l'Antiquité, de riches personnages prêtaient au prince les fonds nécessaires au fonctionnement de l'État, souvent sous forme d'avances sur des recettes fiscales ultérieures. On est ainsi arrivé à la généralisation de l'affermage de l'impôt, c'est-à-dire à la vente du droit de collecter les impôts à des personnes, contre paiement d’un certain montant à l'État, ce dernier étant évidemment inférieur à celui qu'elles espèrent collecter. La même pratique de la vénalité s'appliquait aussi aux charges administratives dont l’exercice devait rembourser le prix d’acquisition. C’est dans ce cadre que sont apparus les publicains de l'Empire romain, que stigmatisent les Évangiles, les fermiers généraux de la France d'Ancien Régime, ou encore les multazims et moqata’jis de l’Empire ottoman, concessionnaires d’impôts, parés aux yeux de la population qu’ils pressuraient de titres de cheikhs et d’émirs. Ces formes de préfinancement atteignaient parfois des montants considérables, comme avec Jacques Cœur, exproprié et condamné pour lèse-majesté par Charles VII, ou les Fugger d’Augsbourg, marchands devenus banquiers du Saint-Empire, qui finançaient les guerres de Charles Quint.
Financer le commerce
Historiquement, les banques sont aussi nées pour répondre au besoin des négociants d’assurer le règlement des paiements à distance en contrepartie des flux de marchandises. Les lettres de change et les billets à ordre étaient émis par un “tireur” en faveur d’une personne bénéficiaire, appelée “porteur” (généralement un marchand mais aussi un voyageur qui craignait de porter son argent sur lui). Elles formalisaient une créance en sa faveur payable à un endroit précis et à une date précise, à partir du compte d’un autre agent, le “tiré”. Ces effets étaient émis et réglés au sein d’organisations quasi bancaires, disposant d’un réseau entre plusieurs places commerciales et capables d’opérer les compensations entre ces places, ne devant donc importer vers (ou exporter depuis) une ville que la quantité de numéraire nécessaire pour couvrir le déficit global (résultant de l’excédent global) de ses transactions avec l’extérieur. Ces réseaux étaient généralement familiaux (c’est le cas des Médicis florentins) mais étaient aussi assurés par des structures monastiques (les Templiers). Le terme de banque provient de l’italien “banca” et désignait la table à laquelle s’asseyaient les changeurs pour faire le commerce des pièces et des effets de commerce. L’émission des lettres de change impliquait pour le tireur de faire payer le débiteur par avance, au moins partiellement, au titre de dépôt en provision. Elle permettait aussi au bénéficiaire, à travers l’escompte, d’obtenir un financement de son activité. Des deux côtés, côté dépôts et côté placement, la lettre de change préfigurait la banque.
Cette fonction s'est développée avec l'expansion du commerce à distance au sein de l'Empire abbasside et, à partir du Moyen Âge, autour des villes italiennes puis flamandes en Europe.
Il ne s'agissait pas encore d'accéder à l'épargne publique qui était d'ailleurs très peu développée, mais plutôt d'une activité annexe au commerce et en finalité peu distincte de ce dernier.
La similitude entre le métier de banquier et le métier de commerçant reste beaucoup plus forte qu’il n’y paraît. Le financement d’une opération commerciale peut en effet se faire de deux manières, soit par le crédit, en accordant au commerçant une avance qu’il remboursera par la vente des marchandises qu’il aurait achetées, soit dans le cadre d’une transaction commerciale, en faisant intervenir un marchand qui achèterait lui-même la marchandise et la revendrait progressivement au commerçant au fur et à mesure de l’écoulement des livraisons (c’est en particulier le cas des crédits-fournisseurs). Dans le premier cas, la rémunération prendrait la forme d’intérêts et de commissions ; dans le second cas, celle de marge commerciale mais le contenu des deux opérations est absolument identique.
Dans l’usage bancaire, la rémunération peut comporter un élément fixe (commission d’engagement), mais elle tient essentiellement aux intérêts, c'est-à-dire à un montant qui est proportionnel au volume de l'engagement et au temps. C'est en réalité une participation au bénéfice commercial de l'opération, mais cette participation est généralement plafonnée en termes de pourcentage ; en contrepartie, elle a préséance sur le bénéfice commercial au sens où elle doit être payée même si le bénéfice commercial est insuffisant.
Les modalités spécifiques et formalisées de ces arrangements qui constituent la base des transactions financières (rémunération et risque) ne doivent pas masquer le fait que toute rémunération financière est à la base une participation aux bénéfices commerciaux. Cela est d'ailleurs clairement marqué dans les crédits sophistiqués où le prêteur obtient, en plus de la rémunération fixe, une participation au résultat du projet financé. Mais cela apparaît aussi dans ce qu’on a convenu d'appeler “la banque islamique” où la forfaitisation de la rémunération est exprimée sous forme de contractualisation commerciale et non pas sous le label du taux d'intérêt.
On peut aisément comprendre que la relation banquier-client se soit développée pour passer du cadre du financement d'une transaction au financement d'une séquence ou d'un flux continu de transactions semblables. On parle dès lors du financement d'une entreprise ou de son fonds de roulement.
Préserver les biens
La troisième origine de la banque vient de la coutume ancienne de déposer les biens de valeur dans des endroits sacrés où ils étaient jugés à l'abri : temples, monastères, fondations pieuses, etc. À la fin du Moyen Âge, des religieux, voulant préserver les pauvres gens des usuriers, ont institué les “Monts-de Piété” qui consentaient des prêts sur gages à des taux modérés et qui, en contrepartie, collectaient des dépôts. Mais ce n'est que récemment, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, que les banquiers ont été habilités à collecter les fonds, non plus au sein de la communauté des marchands dont ils étaient eux-mêmes issus, mais auprès du grand public. Cette évolution a été rendue possible et nécessaire par l'expansion du capitalisme provoquée par la révolution industrielle avec, d'une part, l'expansion du travail salarié et des échanges monétaires et, d'autre part, des besoins en capitaux de la part des États et des entreprises.
Si les banques de dépôts sont rapidement devenues pour le public l'emblème de la banque, il existe toujours des banques qui ne collectent pas de dépôts et opèrent en utilisant les fonds apportés par leurs actionnaires ou par les emprunts qu'elles réalisent auprès d'institutions financières professionnelles. C'est le cas des “banques d'affaires” qui ont défrayé la chronique durant la récente crise financière.
Un métier particulier qui nécessite contrôle et régulation
Les banques de dépôts étant habilitées par les États à collecter l'épargne publique, tout en faisant écran entre les déposants et les débiteurs, occupent une situation exceptionnelle, elles assument en réalité une fonction d'ordre public et il est naturel dès lors qu'elles soient soumises à des mécanismes de contrôle précis. Car le public qui épargne se distingue des commerçants en général et des commerçants de l'argent en particulier par le fait qu'il n'est pas censé traiter et par suite encourir les risques de crédit. Pour le déposant, la banque apparaît toujours un peu comme le lieu sacré où son argent est préservé. Il est bon de se rappeler que, pris dans son ensemble, un système bancaire national dispose de fait d'une situation de monopole sur l'ensemble des disponibilités monétaires des résidents.
La régulation bancaire s'est mise en place de manière progressive et le chantier n'est jamais achevé. Elle tient essentiellement à quelques idées :
• La première est d'imposer aux actionnaires des banques un montant de capital ou de fonds propres suffisant pour qu'ils supportent eux-mêmes les risques “potentiels” sans les répercuter sur l’épargne publique. Cet effet d'amortissement doit être évalué en fonction du volume des engagements de la banque et des types de risques encourus. Toutes les normes de solvabilité depuis les plus grossières, qui se réduisent à un pourcentage fixe des actifs, aux plus sophistiquées, telles que les normes internationales dites de Bâle II, tournent autour de cette idée.
• Le deuxième point consiste à empêcher que les banquiers utilisent l'argent des déposants dans leur propre intérêt, que ce soit sous forme de crédits qu'ils s'accorderaient à eux-mêmes ou à leurs entreprises, ou d'achats et d'investissements qu'ils réaliseraient au nom de la banque et dont ils disposeraient du fait de leur contrôle sur la banque. Le respect de l'étanchéité de cette cloison entre les capitaux des actionnaires et les dépôts des épargnants est d'autant plus important que la tentation peut être très forte.
• De plus, les résultats de l'activité bancaire, en termes de déclarations de pertes ou de profits et de distribution de dividendes, etc., doivent être préalablement contrôlés et autorisés à plusieurs niveaux, d'abord par les commissaires aux comptes qui contrôlent les agissements de la direction pour le compte des actionnaires, et qui sont tenus de publier leurs rapports ; et ensuite par les “commissions de contrôle bancaire” qui surveillent les agissements de la direction et des actionnaires vis-à-vis des intérêts des déposants. À chacun de ces niveaux, la banque peut être contrainte de constituer des provisions, c'est-à-dire de déduire de ses résultats des montants qu'elle ne peut même pas considérer comme des profits, soit pour se prémunir de risques particuliers (clients défaillants, variations des prix de titres financiers, etc.), soit de manière générale pour faire face à des risques dits systémiques, c'est-à-dire en mesure d'affecter l'ensemble du système bancaire.
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