Le système financier libanais a le mérite de la simplicité. Il est d’abord essentiellement bancaire, les marchés de capitaux étant résiduels, et il se sert uniquement d’outils classiques : les dépôts d’un côté, les crédits et les obligations d’État de l’autre.
Les placements des Libanais sur les marchés financiers internationaux et dans les outils dérivés, pour être considérables, restent en dehors du cadre du système financier national (on ne voit nulle part si un Libanais qui avait placé un million de dollars dans une banque privée étrangère a perdu 30 % de la valeur de son portefeuille).
Dans son acception usuelle, le système financier libanais présente néanmoins un phénomène d’accumulation et de gonflement tout à fait remarquable dont l’indicateur le plus immédiat n’est autre que la taille des actifs financiers domestiques, ou plus grossièrement du bilan consolidé des banques, relativement à l’économie (plus de 3,5 fois le PIB).
Ce mécanisme est entretenu par la conjonction de trois facteurs puissants : l’afflux de capitaux dû aux transferts des émigrés libanais et à la proximité avec les pays pétroliers du Golfe ; la politique des déficits publics qui se traduit par l’accumulation d’une dette hors norme ; et la politique monétaire et de crédit qui facilite l’allocation des capitaux au financement de la dette.
Avec un montant total d’engagements bancaires domestiques de l’ordre de 66 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent des titres cotés pour 11 milliards de dollars, des titres de dette publique détenus en marge de l’intermédiation bancaire pour près de sept milliards de dollars et des dettes non bancaires locales qu’on peut estimer à trois milliards de dollars, ainsi que des dettes publiques et privées vis-à-vis de l’extérieur de l’ordre de huit milliards de dollars, la masse totale des créances financières dont la charge pèse sur l’économie domestique s’élève à près de 95 milliards de dollars. Cela représente près de 3,8 fois le PIB.
Toute la question est de savoir combien il est possible de prélever sur les revenus “réels” dégagés par l’économie domestique pour servir cette masse de créances. Si l’on estime à 7,5 % le montant de la rémunération souhaitée par les créanciers, cela représente un coût de 7,1 milliards de dollars, équivalant à 28 % du PIB. Un chiffre qui ne compte pas les impôts et autres prélèvements qui suffisent à peine à payer les services publics. L’énormité de ce coût est telle qu’il ne peut être assumé, d’où la poursuite de la politique de déni, de fuite en avant et d’endettement.
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