Le rachat de la Near East Commercial Bank par deux financiers zurichois rappelle qu’à travers de nombreux aspects de son système bancaire, le Liban reste la Suisse du Moyen-Orient.

C’est un pari ambitieux qu’a fait le banquier suisse Dominique Lang : racheter avec ses fonds personnels une banque libanaise de taille modeste, la Near East Commercial Bank (NECB), alors qu’elle affichait des pertes mensuelles de 250 000 dollars en 2007. Avec son associé Alfred Wiederkehr, avocat d’affaires zurichois, l’ancien cadre de Paribas participe à l’augmentation de capital de la NECB en 2006, ce qui met fin au contrôle absolu de la famille fondatrice Caland sur l’établissement. L’année suivante, Dominique Lang prend les rênes de la banque et la restructure en profondeur, en allégeant notamment un gros portefeuille immobilier peu rentable. En mars 2009 les comptes repassent dans le vert et début 2010 le mariage est définitivement conclu avec la prise de contrôle de 99,9 % du capital par les deux associés zurichois. « Nous connaissions déjà le Liban pour y avoir amené des clients, mais surtout le secteur bancaire du pays est d’excellente qualité », explique le banquier pour justifier son investissement. Déjà à la tête de la société de gestion de patrimoine Nomina en Suisse, il veut donner une envergure internationale à la NECB, jusqu’ici principalement tournée vers les dépôts et les crédits locaux. « Nous développons actuellement des services de banque privée, dirigés à la fois vers nos clients locaux mais aussi internationaux », explique Dominique Lang. La banque gère actuellement 250 millions de dollars d’actifs hors bilan. Et Dominique Lang sait comment se vendre. « La crise a poussé de nombreuses fortunes à confier leur argent à des établissements bancaires plus modestes, car nous offrons davantage de transparence et avons une relation plus personnelle avec nos clients. » La protection du secret bancaire, mis à mal en Suisse, est également un argument en faveur du Liban auprès des clients potentiels. Et l’habitude des banquiers libanais de jongler avec les monnaies et devises offre une grande flexibilité aux clients européens. « Le fait que la direction de la banque soit également actionnaire majoritaire et que nous soyons suisses jouent indubitablement en notre faveur », admet Lang, qui projette d’ouvrir un bureau de représentation de la NECB en Suisse. Seule contrainte en tant qu’étranger : faire siéger une majorité de Libanais au conseil d’administration. Les avocats Marwan Issa el-Khoury et Youmna Zein, le directeur général Fouad Baida et l’ancien gouverneur de la BDL Michel Khoury en font donc partie cette année.  
La banque, qui compte 80 salariés, ne délaisse pas pour autant ses activités locales. Les dépôts représentaient 160 millions de dollars fin mai 2010, 70 % étant en devises. « Nous souhaitons développer notre portefeuille de crédits à la consommation », explique Dominique Lang. L’activité se monte à 28 millions de dollars (dont 33 % en livres libanaises), en progression de 8 % sur les cinq premiers mois de 2010. Mais son développement est conditionné à la taille des fonds propres de la banque, de 22 millions de dollars fin 2009. « Nous reversons tous nos dividendes dans les fonds propres », précise le directeur actionnaire. Les moyens sont donc limités face aux poids lourds de la place de Beyrouth. Une situation qui ne décourage en rien Dominique Lang. « Les crédits moyens à la consommation génèrent peu de pertes et de bonnes marges, note le banquier. Et nous développons actuellement un nouveau système informatique qui va permettre d’augmenter significativement notre gestion des dossiers. » Les souscriptions à des cartes de crédit, qui sont passées de 300 à 600 en un an, participent également au dynamisme du crédit. Enfin, il projette d’ouvrir une à deux succursales par an pour renforcer le réseau des cinq bureaux existants.