À la faveur de la stabilité économique et politique, les placements au Liban continuent d’augmenter. Si l’offre de produits d’investissement sur le marché local reste limitée, la préférence des épargnants va de toute façon vers le dépôt à terme, champion toutes catégories des placements dans les actifs libanais, l'immobilier arrivant en seconde position.
La crise économique et financière mondiale de 2008 a eu pour conséquence de redorer le blason du Liban en tant que place refuge pour l’épargne de ses habitants et de sa diaspora. Ceux-ci ont été rassurés par la stabilité politique et économique du pays, et attirés par les taux d’intérêt offerts, supérieurs à ceux du marché international. Les capitaux ont donc afflué, même si la tendance semble s’essouffler un peu aujourd’hui. Malgré les efforts timides de diversification de l’offre de certaines banques, les possibilités de placement dans les actifs nationaux restent peu nombreuses. Deux d’entre eux font figure de favoris : les dépôts à terme et l’immobilier.
Les dépôts à terme (DAT), un placement sûr et rentable
« Les Libanais ont la culture du rendement moins celle du risque », explique Michel Chikhani, responsable de la gestion d’actifs de la Banque BLOM. D’où leur forte inclination pour le dépôt à terme, qui est un placement financier à court terme (d’un à 36 mois), sécurisé et rémunéré au taux du marché. En fonction de l’échéance définie au moment de l’ouverture du compte et de la monnaie (livres libanaises ou dollars), le taux sera plus ou moins intéressant. Il tourne autour de 5 % pour un dépôt en livres et de 3 % pour un dépôt en dollars. Les intérêts sont imposés à 5 %, selon la loi n° 497 de 2003. Un montant minimum est exigé à l’ouverture, qui varie de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de dollars, selon les banques. En théorie, le client n’a pas le droit de débiter ou créditer son compte avant l’échéance. Mais certaines banques accordent certains avantages avec le dépôt à terme : à la Banque libano-française par exemple, « le dépôt à terme permet une disponibilité de 20 % des fonds sur le compte courant associé », explique Ronald Zirka, directeur marketing de la banque.
Bien que les taux d’intérêt ont baissé cette année par rapport à l’année dernière, les dépôts à terme sont en progression, notamment ceux en livres libanaises. « À la BLF par exemple, poursuit Zirka, la croissance des dépôts à terme en livres libanaises sur les six premiers mois de l’année est de plus de 10 %, celle en dollars est de 5 %. » Ce phénomène s’explique par le différentiel de taux d’intérêt qui se maintient malgré la stabilité économique et politique du pays, et par la baisse des taux d’intérêt sur le dollar dans le monde qui s’est répercutée au Liban.
Le livret d’épargne en voie de disparition
À la différence du dépôt à terme, le livret d’épargne permet au client de créditer et de débiter son compte en cours de route. Un livret est physiquement remis au souscripteur (d’où le nom), où sont répertoriés dépôts et retraits. Le taux d’intérêt diffère selon la monnaie et dépend du profil du client. Il est cependant inférieur d’au moins 1 % au rendement offert sur les dépôts à terme. Les intérêts sont, comme pour ce dernier, imposés à 5 %. Un placement minimum peut être exigé dans certaines banques.
À la Fransabank par exemple, le livret d’épargne est associé au compte d’épargne à vue. Le taux d’intérêt reste fixe quel que soit le montant placé. La date d’échéance se fait toujours et uniquement au 31 décembre, quelle que soit la date d’ouverture du compte.
Les livrets d’épargne sont doucement mais sûrement en voie de disparition. Construits à la base pour les petits épargnants, la baisse de l’apport initial demandé pour les dépôts à terme a contribué à la démocratisation de ceux-ci au détriment du livret d’épargne. Et la complexité de leur gestion pousse les banques à ne plus en proposer. « C’est surtout l’ancienne génération, habituée à eux, qui les réclame », explique Zirka. À la BLF, les dépôts qui sont dans les livrets d’épargne ont diminué de 2,6 % sur les six premiers mois de l’année.
Plans d’épargne et assurances-vie créés pour combler un manque
Encore peu répandues au Liban, les offres de plans d’épargne, souvent couplées à des assurances-vie, se développent du côté des banques. Deux produits sont proposés : un plan d’épargne-retraite et un plan d’épargne-études. À partir d’une somme mensuelle minime (en général 25 dollars), le client peut préparer sa retraite ou la rentrée universitaire de ses enfants, tout en bénéficiant d’une assurance-vie en cas de décès ou d’invalidité. Les montants épargnés sont investis dans les fonds gérés par la compagnie d’assurances partenaire de la banque, qui les adosse à des dépôts à terme et des eurobonds de l’État libanais.
Des participations aux bénéfices sont versées aux souscripteurs des plans ; en 2009, elles ont atteint 4,8 % à la BLF. Celles-ci sont imposées en vertu de la loi libanaise sur l’impôt sur le revenu.
Les plans d’épargne sont encore peu demandés en raison de leur complexité et de leur caractère contraignant (il y a de fortes pénalités si jamais le souscripteur retire des fonds en avance). Mais ils commencent à se propager en raison de l’absence de régime de retraite et de l’inflation des coûts des études.
Les fonds de placement, un marché en développement
Si toutes les banques privées au Liban proposent des fonds de placement sur le marché international, elles sont moins nombreuses à en proposer sur le marché local, bien que l’offre se développe. Michel Chikhani, de la BlomInvest Bank, affirme que sur les 100 milliards de dépôts, moins de 2 % sont placés dans les fonds d’investissement.
Il faut dire que ces derniers font face à la concurrence des dépôts à terme, qui offraient jusqu’à récemment d’excellents rendements en toute sécurité (moyennant l'acceptation du risque souverain libanais). Mais la baisse des taux pousse certains investisseurs à rechercher des placements mieux rémunérés, tout en étant sécurisés : c’est là que les fonds peuvent rentrer en jeu. « En fonction de l’aversion au risque du client, nous proposons trois sortes de fonds : les fonds obligataires, les fonds d’actions et les fonds équilibrés », détaille Chikhani. Les fonds équilibrés, dont le capital est réparti entre actions et obligations, permettent de sécuriser le capital tout en optimisant le rendement. Le BLOM Cedars Balanced Fund a par exemple offert un rendement à ses souscripteurs de 31 % en 2009, obtenant le prix du meilleur fonds de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) à plusieurs reprises en 2008 et 2009. Il est composé à plus de 75 % par de la dette libanaise (eurobonds, certificats de dépôts) et à 25 % par des actions d’entreprises libanaises (immobilier, banques, industrie). En comparaison, le fonds obligataire et monétaire de la BLOM, moins volatil, offre du 6 % net par mois à ses clients en 2010. « On ne peut pas obtenir beaucoup plus sur du monétaire», explique Chikhani.
La Bourse de Beyrouth, un investissement peu liquide ?
Pour investir directement dans la Bourse, mieux vaut s’y connaître un minimum. « Les cycles de la Bourse au Liban et dans la région sont plus courts que sur les marchés internationaux, en raison de l’absence d’investisseurs institutionnels, type fonds de pension, qui assurent une continuité dans les transactions et du manque de profondeur du marché, les entreprises listées étant peu nombreuses », explique Chikhani. Les personnes qui investissent en Bourse ont tendance à investir dans des actions à long terme, dans les valeurs phares que sont Solidere et les banques libanaises.
Si la Bourse libanaise a moins souffert de la crise économique et financière que les Bourses de la région, il n’empêche qu’elle est loin d’avoir récupéré ses niveaux de 2008, l’année pendant laquelle elle avait enregistré une forte hausse. Le BLOM Stock Index, l’indice pondéré par la capitalisation des compagnies listées à la Bourse de Beyrouth, affiche aujourd’hui une valeur de 1 500 points, en deçà du pic à plus de 2 000 points de 2008, mais au-dessus du creux à 1 043 points atteint en mars 2009. Depuis avril 2010, l’indice est à la baisse (voir graphe page).
Instruments de la dette : les eurobonds ont toujours la cote
Bien que les intérêts sur les eurobonds (obligations d’État en devises) ont diminué cette année, les émissions récentes ont rencontré un franc succès auprès du public : en mars 2010, afin de refinancer les eurobonds arrivant à maturité, l’État a émis 1,2 milliard de dollars d’eurobonds à 10 ans, avec un intérêt de 6,375 % ; la demande de souscription s’est élevée à près de trois fois le montant proposé. L’année dernière à la même époque, les eurobonds émis offraient un taux d’intérêt de 7,5 % pour une échéance de trois ans. Cette baisse des taux reflète une baisse de la perception du risque souverain du Liban. L’État libanais en tant qu’émetteur conserve en effet sa bonne réputation, la majeure partie de la dette étant détenue par les banques nationales ; et l’agence de notation Moody’s a même relevé la note des obligations libanaises en avril dernier, de B2 à B1.
L’émission de bons du Trésor en livres libanaises a, quant à elle, été suspendue au début de l’année par l’État, en raison de l’excès de liquidités auquel il fait face. Et les certificats de dépôts, déjà peu prisés par le public en raison de leurs rendements moins intéressants, le sont encore moins aujourd’hui avec la baisse des taux. La BDL offre en juillet un taux d’intérêt de 3,57 % sur les certificats de dépôts à 45 jours, et un taux de 3,85 % sur ceux placés à 60 jours, contre respectivement 4,4 % et 4,89 % l’année dernière à la même époque.
L’immobilier, une spéculation complexe
La demande de placement immobilier est toujours aussi soutenue. Si les résidents achètent principalement pour un usage personnel, la demande spéculative est alimentée par les grandes fortunes, principalement de la diaspora, qui cherchent à profiter des hauts rendements offerts par l’immobilier. Mais les professionnels avertissent : il n’est pas du ressort de tout le monde d’y spéculer. Les rendements ne sont plus aussi attractifs qu’il y a deux ans, et le marché est plus complexe et peu liquide.
« On entre dans une phase de surcapacité qui va stabiliser les prix », explique Youssef Kamel, de Future Trend Capital Fund. Une baisse est peu probable, car les taux d’emprunt proposés par les banques sont faibles.
Le marché locatif est difficile à rentabiliser : « Les revenus de la population locale n’ont pas suivi l’augmentation des prix de l’immobilier, explique Albert Letayf, PDG de Levant Finance Advisors. Les loyers ne peuvent donc pas être beaucoup augmentés. » Quant à la population étrangère et expatriée, qui peut payer des loyers plus élevés, elle reste limitée.
L’immobilier de bureau, s’il affiche une croissance satisfaisante, est lourdement handicapé par les problèmes d’infrastructures (Internet, routes) et de réglementation. Les loyers sont cependant à la hausse, « ils rattrapent les niveaux des loyers résidentiels », précise Letayf.
Quant à la demande de terrains, elle reste forte. « Cela va continuer, car l’offre est restreinte », remarque Kamel. Les terrains intéressent deux types d’investisseurs, explique Letayf : ceux qui vont y construire des immeubles pour les revendre et ceux qui misent sur le potentiel du pays et le considèrent comme un moyen sûr de placer leur épargne sur le long terme.