Les matières premières, étroitement liées aux mouvements de croissance économique, sont également tributaires des incertitudes générales. Ces derniers temps, deux scénarios se succédaient : quand l’Europe inquiète, le dollar s’apprécie et affaiblit les matières premières. À l’inverse, des échos rassurants du Vieux Continent relancent les cours. Toufic Aouad de la banque privée Audi-Saradar n’exclut pas une reprise de la spéculation sur ces marchés, « une telle spéculation étant favorisée à la fois par la faiblesse des taux d’intérêt et par la recherche de nouvelles opportunités d’investissement ». De belles opportunités d’investissement peuvent également se présenter en cas d’une hausse de l’inflation.
Le pétrole n’échappe pas à cette règle. « Il faut donc rester très prudent », explique Tarek al-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation. « C’est une partie du portefeuille extrêmement volatile, les cours ont toutefois l’air de s’être stabilisés autour de 75 dollars », juge Frédéric Lamotte, de la banque privée du Crédit agricole suisse. Il conseille aux investisseurs détenant de l’or noir de s’en séparer s’il flirte de nouveau avec les 90 dollars.
Même tendance du côté des métaux, notamment à usage industriel. Les cours du cuivre, aluminium, plomb et étain ont récemment été boostés par l’annonce chinoise d’un plan de développement des régions de l’ouest du pays de près de 100 milliards de dollars. « Ils devraient donc persister dans leur tendance haussière », prévoit Albert Letayf de Levant Finance Advisors. Les métaux rares ont, eux, un marché plus confidentiel, qui demande une très bonne connaissance du secteur pour y investir.
L’or reste une valeur refuge
L’or est certainement le marché à suivre. La reprise se faisant attendre, le métal jaune joue encore son rôle de valeur de refuge pour les investisseurs. « L’or profite de la baisse de foi dans les devises et de l’incertitude des marchés », explique Simon Derrick, directeur exécutif de la Bank of New York Mellon. Les fluctuations boursières empêchent les prix de s’envoler et stabilisent ses cours. Ces dernières semaines, ils ont même été légèrement à la baisse, après l’annonce de la Chine que l’or ne faisait pas partie de ses investissements prioritaires. Un repli certainement momentané, les transactions augmentant traditionnellement au mois d’octobre, pendant la saison des mariages en Inde.
La reprise des économies émergentes alliée à la croissance démographique ne profite pas uniquement aux valeurs énergétiques, mais aussi au secteur agricole. « La forte demande devrait maintenir les prix en hausse », confirme Tarek al-Ahdab. D’autant que le département américain de l’Agriculture a revu en baisse ses prévisions de production mondiale de blé et que la production russe est frappée par des vagues de chaleur. Associés à un effet de rattrapage, ces marchés devraient rester dans une tendance haussière dans les mois à venir. Mais attention, « il est toujours délicat d’investir sur du vivant cyclique », rappelle Frédéric Lamotte.
Alors que joindre à son portefeuille ? Pour tenter de minimiser les fluctuations des marchés, les professionnels recommandent de se focaliser sur les entreprises liées aux matières premières qui ont une forte exposition internationale. La logique dicterait également de privilégier l’or, d’autant que « les plans d’austérité annoncés sur les dix prochaines années profitent à l’investissement à long terme sur l’or », ajoute Simon Derrick. Toutefois, Toufic Aouad conseille de se diversifier, de ne pas focaliser uniquement sur l’or, mais de se concentrer aussi sur les matières premières utilitaires, qu’elles soient énergétiques, industrielles et agricoles, qui pourront bénéficier aussi d’une hausse de leur prix en cas de reprise significative de la croissance mondiale. Pour Frédéric Lamotte, un mandat équilibré comporterait 4 % de pétrole et 3 % de métaux. Autre stratégie pour les investisseurs avertis : s’intéresser aux futures. Albert Letayf recommande d’identifier les entreprises liées au secteur de façon périphérique dans des pays à fort potentiel de production comme l’Australie, la Russie ou encore le Canada qui vont bénéficier du développement asiatique et africain.
Marché des changes : l’euro fait grise mine, les dollars canadien et australien séduisent
Du côté du marché des changes, la volatilité est aussi de mise. À court terme, l’euro pourrait continuer à subir une certaine pression due à la focalisation des marchés sur les problèmes budgétaires de certains pays européens, note Toufic Aouad. Une pression liée également de la grande disparité de la situation financière des différents pays de l’Union qui rend difficilement applicable l’harmonisation de la politique monétaire et budgétaire. Tous les analystes se préparent à une nouvelle chute de l’euro, bien que la situation récente paraisse se stabiliser légèrement. « La vision sur l’euro a changé, ce n’est pas plus l’alternative crédible au dollar que l’on croyait auparavant », remarque Simon Derrick, spécialiste des changes et directeur exécutif de la Bank of New York Mellon. « Si l’euro continue à aller mal, cela va bénéficier à l’or en termes de valeur et au dollar en termes nominaux », ajoute Youssef Kamel, qui gère le fonds Future Trend Capital Fund. Il recommande donc de vendre l’euro s’il atteint le seuil de 1,35 dollar. Mais pour les optimistes qui parient sur un rebond de la monnaie européenne à moyen terme, la période est à l’achat.
Le dollar reste un baromètre des monnaies refuge, en dépit des difficultés financières du pays. Une règle dictée par les marchés, qui évoluent davantage en fonction de l’appétit des investisseurs pour le risque qu’en fonction des chiffres macroéconomiques. « Le dollar a tenu le coup depuis deux ans en dépit de la crise américaine, grâce au fait que la majorité des échanges mondiaux utilise le billet vert », note Youssef Kamel. La tendance générale devrait donc être haussière à court et moyen terme. Pour Tarek al-Ahdab, « la première raison est structurelle, en temps de reprise économique il vaut mieux se positionner sur le billet vert par rapport à l’euro, car en temps de crise les différentiels des taux d’intérêt de la Fed ne sont pas intéressants. La seconde raison est liée à la crise que traverse l’Europe : le marché a puni le manque de rigueur budgétaire de l’Union ».
Dans le reste du monde, la situation est contrastée. Le Japon, dont l’économie peine à rebondir depuis plusieurs années et est pénalisée par une dette colossale, souffre en outre de l’incertitude politique depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le yen, parfois considéré comme monnaie de réserve, n’est plus attractif. Les pays émergents bénéficient en revanche de leur état de grâce aux yeux des investisseurs. « La monnaie brésilienne est un bon pari sur le court et le long terme. Elle suit l’évolution du marché des matières premières du pays », note Simon Derrick. Même logique avec la devise russe, très volatile et donc source d’opportunités. Les différentes monnaies asiatiques ont-elles aussi le vent en poupe, mais il est nécessaire de bien se renseigner avant de s’y intéresser. Du côté des économies développées, « le dollar canadien est intéressant, car étroitement lié au marché pétrolier. C’est une bonne alternative d’investissement au dollar américain, remarque Simon Derrick. Le dollar australien est également en bonne posture, car très lié au marché chinois ».
Actifs réels : le retour graduel de l’immobilier
L’investissement dans l’immobilier sort lentement de sa période noire, sans toutefois offrir énormément d’opportunités. « Une grande partie de l’épuration du secteur immobilier a déjà eu lieu, explique Albert Letayf. Le secteur devrait rester terne dans les mois à venir ». Toufic Aouad est, lui, plus enthousiaste. Les actifs réels, essentiellement l’immobilier, constituent, dans la conjoncture actuelle, le placement privilégié des investisseurs, recherchant à la fois une certaine sécurité, un potentiel de croissance à long terme ainsi qu’une couverture contre le risque d’inflation et de dépréciation des monnaies. Dans ce sens, l’immobilier joue en ce moment parfaitement son rôle de valeur refuge. Il met en garde les investisseurs qui doivent distinguer une stratégie d’investissement bien calculée et une démarche purement spéculative qui entraînerait un gonflement artificiel des prix et transformerait cette classe d’actifs en investissement risqué. Frédéric Lamotte conseille de regarder les opportunités à Londres et dans les grandes villes asiatiques. Pour le banquier suisse, les investisseurs peuvent se risquer à pratiquer le buy and hold, financé par des emprunts à moyen terme et à taux fixe.
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