Au Moyen Âge, la région Champagne était connue pour ses vins rouges. À la Renaissance, une mini-période glacière oblige les producteurs à privilégier les cépages blancs et à élaborer une double fermentation. Cette méthode est aujourd’hui la marque de fabrique des champagnes, une appellation géographiquement contrôlée depuis 1927.

Le champagne est né d’une catastrophe climatique : au XVIe siècle, la région champenoise, comme l’ensemble du continent européen, fait face à une mini-période glaciaire. Des années de froid intense mettent en danger la production de vin rouge, alors généralisée dans cette région, empêchant les raisins de mûrir.
Les moines-producteurs se tournent alors vers des cépages blancs, dont le besoin d’ensoleillement est moindre. Mais les conditions climatiques rendent l’essai peu concluant : ces vins blancs s’avèrent trop acides pour être consommés.
C’est alors qu’un procédé original est imaginé. À ces vins blancs acides, on ajoute une liqueur de tirage (c’est-à-dire un sirop de sucre associé à un levain actif) au moment de la mise en bouteilles. Les légendes associent cette invention à Dom Pérignon, un moine de l’abbaye d’Hautvillers (Épernay, France) qui a vécu dans le dernier quart du XVIIIe siècle, et dont le nom évoque l’une des grandes maisons de champagne (groupe LVMH). Le procédé se répand et devient la marque de fabrique du champagne.
Malgré ces progrès, le champagne reste une boisson encore peu connue. Car l’une des difficultés de ce vin effervescent demeure sa mise en bouteilles. Les contenants, disponibles à cette époque, sont en effet trop fragiles pour supporter la fermentation, qui continue après l’embouteillage. De fait, les bouteilles éclatent quasi systématiquement. C’est de l’industrie anglaise du verre que viendra la solution : des bouteilles, plus épaisses, et donc capables de résister à la pression.
Les Champenois reprennent le procédé et créent leur propre contenant en 1735. En 1882, on fabrique des moules pour obtenir des bouteilles plus régulières. En 1918, le soufflage du verre par air comprimé est découvert. Aujourd’hui, une bouteille de champagne est conçue pour résister à une pression de 20 bars, soit trois fois plus que celle du champagne lui-même.
Vers 1820, les Champenois commencent à utiliser le sucre, en complément du sucre naturel des raisins, pour favoriser la fermentation. Au cours du XIXe siècle, un ancien pharmacien de Châlons-en-Champagne, passionné d’œnologie, met au point une méthode d’évaluation de la teneur en sucre. À la fin du XIXe siècle, on détermine qu’il en faut quatre grammes par litre pour obtenir une élévation de pression d’un bar après fermentation. Aujourd’hui, les règles de la profession sont presque identiques : elles exigent pour l’appellation Champagne une pression minimale de 3,5 atmosphères. Le champagne doit également être élaboré exclusivement selon la méthode de seconde fermentation en bouteilles.
Mais la grande révolution du vignoble sera finalement la mise en place d’une Appellation d’origine contrôlée (AOC) en 1927, après une longue querelle entre les vignerons de l’Aube et ceux de la Marne. Car une première délimitation, en 1908, avait exclu les producteurs de l’Aube. Ils s’étaient alors révoltés, obligeant même la troupe à charger dans les rues de Troyes (Aube) en 1911. L’AOC de 1927 inclut 319 communes, réparties sur quatre départements français (l’Aisne, l’Aube, la Marne et la Haute-Marne) et quelque 30 000 hectares. Les critères techniques de production ont ensuite été définis en 1984 par l’Institut national des appellations d’origine (INAO). En 2008, ce même institut étend l’aire d’appellation à une quarantaine de communes supplémentaires – soit 4 000 hectares de plus – pour répondre aux demandes des communes ainsi qu’aux besoins des négociants qui faisaient face à une forte demande mondiale.
Le vignoble s’industrialise. Mais l’homogénéisation des pratiques viticoles a son revers : comment se distinguer quand la méthode est identique pour tous ? L’une des voies, à partir des années 70, a consisté à produire un vin monocépage. Ces cuvées de prestige sont issues d’une seule vigne, systématiquement millésimée et issue des raisins récoltés sur une seule et unique parcelle de vigne. On parle alors de Clos. Dans une région où l’assemblage de cépages, de parcelles et de millésimes signe la tradition, cette nouvelle tendance paraît presque sacrilège. Mais certaines maisons n’hésitent pas à produire des champagnes “cousus main”, provenant de terrains minuscules. C’est le cas du Clos Saint-Hilaire, le dernier-né de la maison Billecart-Salmon. Plantée en 1964, en pinot noir, cette parcelle d’un hectare était d’abord destinée à la production de vins rouges. Mais François Roland-Billecart, le propriétaire, choisit d’en faire un champagne à part entière. Seuls deux millésimes (1995 et 1996) sont aujourd’hui sortis des caves. Billecart-Salmon conservant les bouteilles d’années plus récentes. 
Avec le réchauffement de la planète, la région Champagne se trouve devant un nouveau casse-tête : les raisins sont de plus en plus mûrs, de plus en plus sucrés naturellement. Un bon point pour la région Champagne qui a produit une série de grands millésimes ces dernières années (comme 1988, 1996 ou 1998). Mais à terme cela pourrait aussi s’avérer négatif, car cela remet en cause la méthode de fabrication avec adjonction de sucre. Une des solutions envisagées : garder le sucre du raisin et mettre en bouteilles tel quel le vin en fermentation. Cette méthode n’a rien d’une nouveauté et était déjà pratiquée par les Romains. L’effervescence était alors obtenue en mettant les tonneaux de vin en fermentation dans le torrent glacé. Le tonneau était ressorti au printemps, ce qui permettait de servir un vin effervescent. On utilise d’ailleurs cette méthode, qui consiste à préserver le gaz de la fermentation, dans le Gaillac ou pour la fabrication de la blanquette de Limoux, entre autres.
Une autre solution pourrait être d’élaborer un effervescent de demi-pression, soit environ 2,5 bars. La méthode était connue sous le nom de crémant. Pratiqué en Champagne jusqu’au XIXe siècle, on retrouve cette méthode à l’origine des vins effervescents d’Alsace ou de Bourgogne. Reste que cette méthode ne correspond pas à la “méthode champenoise”.
Pour survivre, et rester le breuvage de l’effervescence par excellence, le champagne va devoir s’acclimater.

 

Les mots du champagne

Blanc de Blanc : champagne issu uniquement du cépage chardonnay.
Blanc de Noir : issu de raisins noirs (pinot) uniquement.
Côte des blancs : parmi les terroirs les plus réputés de la Champagne, qui va d’Epernay
à Vertus, où domine le chardonnay.
Sucre : les différentes qualités de champagne se définissent en fonction du sucre par litre apporté au moment du dosage. Brut nature (ou ultrabrut) : aucun apport de sucre.
Extrabrut : de 0 à 6 g de sucre. Brut : inférieur à 15 g. Extradry : entre 12 et 20 g. Sec : entre 17 et 35 g. Demi-sec : entre 33 et 50 g. Doux : supérieur à 50 g.
Millésimé : c’est un champagne issu d’une seule vendange.
Vin de réserve : Ce sont des vins plus anciens, conservés en cuve ou élevés en bois pour certains, ou encore conservés en magnums. Ils entrent dans l’assemblage des cuvées non millésimées afin d’apporter une plus grande complexité aromatique.
 
Les ventes repartent

Dans les années 1970, la production annuelle était en moyenne de 178 millions de bouteilles pour 139 millions de cols vendus, selon les données de l’Union des maisons de champagne (UMC), dont les membres assurent les deux tiers des ventes de champagne et plus de 90 % des exportations totales.
À partir des années 2000, les ventes de champagne explosent, portées par la demande des marchés émergents. En 2007, elles ont même atteint un niveau record avec 338,7 millions de bouteilles expédiées (+5,3 % par rapport à l’année précédente) pour une production de 357 millions de cols en 2006 (en hausse de 1,4 % par rapport à l’année précédente). L’année 2008 marque toutefois un net ralentissement : -5 % en volume en 2008 ; -9 % en 2009 (et
16,6 % en valeur). En 2008, les vignobles se trouvent avec un stock de 1,2 milliard de bouteilles sur les bras, nettement supérieur aux besoins du secteur. L’année 2010 pourrait marquer la sortie de crise : le Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC) estime que les ventes atteindront 315 millions de bouteilles, ce qui représenterait une hausse de 8 % par rapport à 2009.