Le Liban dilapide son eau
Depuis le début des années 1990, plus de 2 milliards de dollars ont été investis dans le secteur de l’eau, dont 46 % proviennent du CDR. La répartition de ces investissements, qui englobent notamment les domaines de l’eau potable et de l’assainissement, présente de fortes disparités régionales.
Beyrouth-Mont-Liban
La région la plus performante
Sur la période 1992-2006, la région Beyrouth-Mont-Liban a bénéficié de 36 % des investissements, ce qui lui a permis de devenir la région la plus performante en matière de gestion de l’eau. L’établissement de Beyrouth-Mont-Liban est ainsi le seul en mesure de supporter la totalité des frais de maintenance des équipements (le ratio des revenus par rapport aux frais de maintenance est de 226 %), notamment grâce à un taux de recouvrement des factures qui atteint 80 %. Si 93 % des foyers sont connectés aux réseaux publics d’eau potable, cette région souffre néanmoins d’un service de distribution désastreux avec seulement trois heures d’eau potable disponible par jour pendant la saison sèche et 13 heures le reste de l’année. La situation pourrait s’améliorer si les projets du Awali et de Bisri sont mis en œuvre. Le projet d’adduction d’eau du fleuve Awali vers le Grand Beyrouth consiste à creuser un tunnel de 24 km jusqu’à Khaldé. Des tuyaux permettront ensuite d’acheminer l’eau vers les réservoirs de Hadath et de Hazmié, pour être enfin distribuée dans la région du Grand Beyrouth. Ce tunnel est conçu pour acheminer 140 millions de mètres cubes d’eau, 40 millions directement du fleuve Awali et les 100 millions restantes en provenance du barrage de Bisri. Ces deux projets font partie d’un vaste programme d’adduction en eau potable du Grand Beyrouth, auquel la Banque mondiale a récemment accordé un prêt de 200 millions de dollars. Ce programme devrait permettre de distribuer 250 millions de mètres cubes d’eau par an à 1,2 million de personnes dans les villes de Baabda, Aley, une partie du Metn et du Mont-Liban, et une partie de la banlieue sud de Beyrouth. La région de Beyrouth-Mont-Liban bénéficie, pour le moment, du barrage de Chabrouh qui dessert la zone du Kesrouan. Inauguré en 2008, il possède une capacité de stockage de 8 millions de mètres cubes d’eau par an.
En matière d’assainissement, cette région connaît de fortes disparités. Si le taux de connexion des foyers aux réseaux d’égout atteint un niveau record dans l’agglomération de Beyrouth (98 %), il chute à moins de 35 % dans la zone du Mont-Liban. À l’heure actuelle, la région de Beyrouth-Mont-Liban possède une station d’épuration en activité à Ghadir. Les stations de Jbeil et de Nabi Younès (Jiyé) sont en attente de connexion aux réseaux. Une autre station à Dora est prévue.
La région de Tripoli
Une expérience réussie
Sur la période 1992-2006, la région du Nord a bénéficié de 35 % des investissements et présente un taux de connexion des foyers aux réseaux publics d’eau potable de 65 %. Avec ses 24 heures d’eau potable par jour, la ville de Tripoli fait figure d’élève exemplaire dans le pays. La municipalité est la seule à avoir testé une expérience de partenariat public/privé pour la gestion de l’eau potable. En 2003, un contrat est signé entre la société ONDEO Liban (aujourd’hui Suez Environnement) et l’Établissement des eaux du Nord, pour un montant de 20 millions d’euros. Après un appel d’offres lancé par le CDR en 2002, le partenariat est lancé en février 2003 sous la forme d’un contrat de gestion. ONDEO Liban a eu pour principaux objectifs d’assurer la continuité du service et de garantir la qualité de l’eau potable, d’améliorer le rendement de la distribution et le taux de recouvrement, et d’augmenter le nombre de branchements connectés et mis aux normes. Après quatre ans de partenariat, les résultats sont plutôt encourageants. Le pourcentage de pertes dans les réseaux est ainsi passé de 65 à 45 % et la continuité du service est assurée 24h/24. Quant au rendement du réseau, il est passé de 34 à 55 %. Une production constante de 85 000 mètres cubes d’eau par jour est désormais assurée, avec une augmentation du volume fourni de 57 %. Le rationnement de l’eau a ainsi été supprimé et 2 260 nouveaux raccordements ont été réalisés. Ces résultats positifs restent néanmoins en deçà des espérances. L’objectif de recouvrement des coûts n’a pas été atteint, malgré les efforts qui ont été menés pour recenser l’ensemble des utilisateurs, régulariser les branchements illégaux et pénaliser les “mauvais payeurs”. Le taux de recouvrement des créances courantes est ainsi passé de 29,7 à 33,8 %, loin de l’objectif initial de 90 %. La situation politique instable du pays durant l’application du contrat et la décision de l’Établissement des eaux du Nord d’accorder une réduction de 70 % sur les arriérés et les amendes aux consommateurs ont certainement été des obstacles majeurs pour améliorer le taux de recouvrement. L’absence de rentabilité du contrat a ainsi conduit ONDEO Liban à ne pas renouveler ce partenariat, qui a pris fin en janvier 2007. Depuis, l’Établissement des eaux du Nord a repris le relais, mais sa gestion ne va pas sans mal : un mouvement de grèves organisé en mars témoigne du mécontentement des salariés. L’expérience de Tripoli reste néanmoins très positive et de nombreux experts (Banque mondiale, AFD) encouragent le gouvernement libanais à multiplier ce type d’initiatives. En matière d’assainissement, le nord du pays présente un taux de connexion des foyers aux réseaux d’égout de 53 %. Les stations de traitement des eaux usées de Tripoli et de Chekka ont été finalisées et sont en attente de connexion aux réseaux. Quant à la station de Batroun, elle est en cours de construction. Des stations sont également prévues à Abdé et Hrajel Mechmech.
Le Sud
Une région délaissée
Le sud du pays a bénéficié de 14 % des investissements entre 1992 et 2006, et possède un taux de connexion des foyers aux réseaux publics d’eau potable de 86 %. L’Établissement des eaux du Sud présente un taux de recouvrement des factures de 61 %, ce qui lui permet de couvrir 69 % de ses frais d’exploitation et de maintenance. Le sud du pays connaît d’importantes pénuries d’eau qui s’élèvent à 16 heures par jour, tout au long de l’année. Seule l’activation des projets d’exploitation des eaux du Litani pourraient apporter une solution à long terme aux problèmes d’approvisionnement du Sud, notamment pour l’irrigation (voir page 67).
En matière d’assainissement, le Sud connaît un taux de connexion des foyers aux réseaux publics d’eau potable de l’ordre de 42,1 %. Une station de traitement des eaux usées fonctionne actuellement à Saïda, tandis que celle de Nabatiyé est en attente de raccordement. La station de Tyr est en cours de construction et trois autres sont prévues à Sarafand, Bint Jbeil et Hasbaya.
La Békaa
Le parent pauvre
Sur la période 1992-2006, la Békaa n’a bénéficié que de 2 % des investissements, faisant d’elle la région qui présente la situation la plus désastreuse en matière de gestion de l’eau. Avec un taux de raccordement des foyers aux réseaux publics d’eau potable de 68 % et un taux de recouvrement des factures de seulement 11 %, l’Établissement des eaux de la Békaa ne peut supporter que 13 % de ses frais d’exploitation et de maintenance. La Békaa souffre encore d’importantes pénuries qui s’élèvent en moyenne à 14 heures par jour tout au long de l’année.
En matière d’assainissement, seuls 41,1 % des foyers de la Békaa sont connectés aux réseaux d’égout. La Békaa possède deux stations de traitement des eaux usées en activité, à Baalbeck et Yammouné. Celle de Jeb Jannine a été finalisée et est en attente de raccordement aux réseaux d’assainissement. Quant à la station de Zahlé, elle est en cours de construction. Des études sont en cours pour construire une station à Hermel, dans le nord de la région.