Le secteur bancaire a poursuivi sa croissance en 2010 à un rythme très soutenu, comme en témoigne la hausse de 6 à 7 % de ses effectifs : il comptait 21 300 employés fin 2010, contre 18 600 en 2008, et ce sans compter les employés des filiales hors du Liban.
La croissance du besoin de financement de l’État libanais par les banques ayant ralenti, l’augmentation du déficit public étant moins importante que par le passé, le secteur bancaire a largement orienté ses ressources supplémentaires vers le crédit au secteur privé.
L’afflux de capitaux en 2009 et 2010 s’est traduit par une hausse de 11,9 % du bilan non consolidé (c’est-à-dire sans prendre en compte les filiales étrangères) des banques commerciales établies au Liban, à 128,9 milliards de dollars fin 2010. Cette croissance est largement due à celle des dépôts du secteur privé (+12,2 %), qui ont atteint le pic historique de 108,6 milliards de dollars. C’est officiellement le secteur privé résident qui fournit le gros des dépôts : 81,7 %, en hausse de 12,0 % par rapport à 2009, mais la notion de résidence étant très floue, cet indicateur est à manier avec des pincettes. Les dépôts du secteur privé non résident, qui avaient été le moteur de la croissance en 2009, augmentent en 2010 de 11,5 %, pour former 17,0 % du total.
Baisse de la dollarisation des dépôts
Ce sont les dépôts en livres libanaises du secteur privé qui enregistrent la plus forte croissance (+15,8 %), à 36,5 milliards de dollars, alors que les dépôts en devises augmentent de 9,8 %, à 52,2 milliards de dollars, en raison de la marge de rémunération entre le dollar et la livre, et la confiance en la monnaie nationale. Le déclin du taux de dollarisation des dépôts entamé en 2008 s’est donc poursuivi, pour atteindre son niveau le plus bas en 10 ans : 63,2 % en décembre 2010, contre 64,5 % l’année précédente. Le taux d’intérêt créditeur moyen a baissé en 2010, encouragé en cela par les directives de la Banque centrale : il était de 5,93 % pour les dépôts en livres et 2,84 % pour les dépôts en dollars, contre 6,99 % et 3,19 % respectivement en 2009.
Forte hausse des crédits au privé
C’est le secteur privé résident qui a le plus bénéficié de cet afflux de ressources, coûteuses à gérer pour les banques : les crédits qui lui ont été octroyés s’élèvent à 30,3 milliards de dollars, en hausse de près de 25 % sur un an. Ils constituent 86,8 % du total des prêts octroyés au secteur privé, résident et non résident, soit 34,9 milliards de dollars, en hausse de 23,1 % par rapport à 2009. Le secteur de l’immobilier a tiré cette croissance vers le haut : les prêts à l’habitat ont augmenté de 60,8 % pour atteindre 4,5 milliards de dollars, soit 11,7 % du total des crédits ; et ceux accordés à la construction ont totalisé 6,3 milliards de dollars, en hausse de 30,2 % par rapport à 2009.
Au sein des banques Alpha (celles dont les dépôts sont supérieurs à 2 milliards de dollars), les crédits en livres ont augmenté de 62 % en 2010, encouragés par l’exemption des réserves obligatoires à la Banque centrale. En comparaison, les crédits en devises n’ont augmenté “que” de 21 %. Le taux de dollarisation de tout le secteur a donc continué de baisser, pour atteindre 80,3 % en décembre 2010. Dans la mouvance de la baisse des taux d’intérêt moyens sur les dépôts, ceux sur les crédits ont également baissé : ils sont passés de 9,57 % à 8,34 % sur les crédits en livres, et de 7,25 % à 7,08 % sur les crédits en devises. L’État a continué à encourager le crédit aux petites et moyennes entreprises en 2010, via l’organisme de garantie de crédit Kafalat, qui a garanti 1 422 emprunts d’une valeur totale de 171,1 millions de dollars. Cela représente une augmentation annuelle de 31,7 % en volume et de 19,6 % en valeur. Au total, le ratio crédits sur dépôts a continué sa progression, pour atteindre 32,6 % en 2010.
Le secteur public constitue toujours un client important des banques commerciales, qui lui ont accordé 29,3 milliards de dollars en 2010, soit 45,6 % du total des crédits accordés par les banques. Ce chiffre est relativement stable par rapport à 2009 (+0,9 %). Le montant des réserves de la Banque centrale, qui rentrent également dans le calcul du risque souverain, a augmenté de 14,2 % par rapport à 2009, et atteint 40,3 milliards de dollars.
L’exposition totale au secteur public a donc légèrement diminué, à 54,0 %, contre 56,1 % fin décembre 2009.
Une rentabilité record
Si le bénéfice des banques commerciales libanaises n’est pas encore divulgué, celui, consolidé (avec les filiales étrangères donc), mais non audité, des banques Alpha, a augmenté de 24 % en 2010, à 1,6 milliard de dollars. Les bénéfices en provenance des marges d’intérêts ont augmenté de 20 %, alors que les revenus des commissions ont augmenté de 27 %, pour dépasser pour la première fois les 35 % (35,4 %) contre 34,1 % en 2009.
Enfin, les fonds propres du secteur ont augmenté de 16,1 % par rapport à 2009, à 9,2 milliards de dollars.
2011 s’annonce compliquée
Cette croissance risque de ralentir en 2011, à la suite de l’inquiétude suscitée par l’affaire de blanchiment d’argent de la Lebanese Canadian Bank (LCB). Pour la première fois depuis juillet 2006, les dépôts bancaires ont en effet baissé d’un milliard de dollars en janvier, à 107,6 milliards de dollars. La baisse a toutefois été suivie d’une reprise en février.
L’inquiétude a surtout gagné les non-résidents, dont les dépôts ont baissé de 700 millions de dollars en janvier, contre une baisse de 300 millions de dollars pour les dépôts résidents. Autre signe d’inquiétude, la dollarisation des dépôts a bondi à 65,3 %, contre 63,2 % un mois plus tôt. Le secrétaire général de l’Association des banques Makram Sader relativise cependant la situation : « En 2009 il y avait beaucoup de capitaux, pour des opportunités de placement limitées ; la baisse des dépôts en ce début d’année n’est donc pas inquiétante. »
Parallèlement, les banques ont freiné l’octroi de crédits au secteur privé, qui ont baissé de 240 millions de dollars en janvier ; même les crédits au secteur public ont été affectés : ils ont reculé de 1,62 milliard de dollars, soit une variation de 5,53 % par rapport à décembre 2010.