Hausse du pétrole, inflation, baisse des investissements étrangers et tourisme en berne : le Liban ressent déjà les conséquences du tumulte de la région depuis le début de l’année. L’Institute of International Finance (IFF) projette une forte contraction de la croissance de 7 % en 2010 à 4 % en 2011. De son côté, le FMI pointe du doigt le ralentissement des secteurs du commerce, de l’import-export et de la construction. Les experts envisagent un déficit supérieur à 10 % du PIB, renforcé par la baisse des revenus fiscaux.
La nature de l’impact du tumulte régional sur le Liban n’est pas encore claire. « Les stratégies de nombreux groupes libanais étaient de se diversifier vers ces nouveaux marchés. Ils ont donc décidé d’adopter un comportement attentiste tant que la situation restera floue », note Toufic Aouad, directeur de la banque privée d’Audi-Saradar, qui craint que cette paralysie ne nuise à l’activité si elle persiste. Les conséquences peuvent également être favorables, notamment en termes de flux de capitaux : la solidité du secteur bancaire local fait qu’il est considéré par beaucoup d’investisseurs régionaux comme un refuge. Mais les problèmes politiques internes du pays et le vide gouvernemental écornent cette image. « En janvier 2011, il y a eu une pression sur la livre libanaise avec une vague de retrait de capitaux par les clients, effrayés par la chute du gouvernement. Mais dès le mois de février, nous avons constaté un retour de la croissance », tempère toutefois Toufic Aouad. L’autre nuage sont les accusations de blanchiment qui ont éclaboussé la Lebanese Canadian Bank en février. « L’économie libanaise a traversé les crises grâce à la solidité de la BDL et du secteur bancaire, si leur réputation est mise en cause, cela peut être très nuisible », craint Paul Douaihy, directeur du Centre de recherches en économie et marchés financiers de l’université de Balamand.
Des investissements protégés par le secteur bancaire
Pour Garbis Iradian, directeur adjoint du département Moyen-Orient et Afrique de l’IIF, l’absence de gouvernement va affecter négativement le tourisme, les investissements étrangers et reporter les réformes urgentes dans l’énergie, les transports, les télécommunications et l’eau. « Cela met en danger la croissance à court et moyen terme. » Cette inquiétude est partagée par Nassib Ghobril, économiste en chef qui dirige le département de recherche et d’analyses à la banque Byblos. « Dans les circonstances actuelles, l’économie libanaise fait face à la fois à une instabilité régionale et domestique, qui nuit à tous les secteurs. » Riad Salamé, le gouverneur de la Banque centrale (BDL), se veut toutefois rassurant. « Notre gestion saine a permis de stabiliser le marché des devises et le taux de dollarisation des dépôts bancaires s’est stabilisé à 65 %. »
Au cours du premier trimestre, les banques ont ralenti leurs achats de bons du Trésor, ce qui a forcé la Banque centrale à mettre la main au porte-monnaie, augmentant ses réserves de 4 milliards de livres libanaises en trois mois. Ce geste a permis aux taux des eurobonds et des bons du Trésor de rester stables. Les clients qui investissent dans la dette sont surtout des investisseurs institutionnels. Selon Antoine Salamé, associé-gérant du courtier Optimum Invest spécialisé dans la dette, les taux marquent une légère tendance à la hausse, poussée par le rebond mondial général et l’incertitude politique locale. « Le marché n’est pas efficace, ce qui le rend parfois illogique. Une obligation à cinq ans peut parfois rapporter davantage qu’une obligation à huit ans en raison du manque de liquidités en plus d’un écart assez important entre le prix d’achat et de vente. » Aux États-Unis, ce “spread” se calcule en fractions de points ; au Moyen-Orient, en temps de crise, il peut atteindre des centaines de points de base. « Il faut procéder à une gestion dynamique, être prêt à vendre en cas d’instabilité politique ou de variation des taux. Traditionnellement, les professionnels conseillent plutôt de conserver les titres jusqu’à échéance, mais ce n’est plus payant », remarque le spécialiste.
Succès des fonds de placement
Les banques proposent de plus en plus de fonds de placement d’actions, d’obligations ou mixtes, avec en général une mise de départ de 50 000 dollars. La plupart des fonds sont internationaux et mutuels. « Mais les actifs les plus demandés ces trois dernières années étaient les investissements locaux », précise Dory Hage, responsable du département conseil en administration à La Libano-Française Finance. Les fonds libanais offrent un rendement régulier, avec 7 à 10 % d’objectif. Nombreux sont les départements de gestion d’actifs qui développent les fonds de placement tournés vers la région, notamment l’Arabie saoudite dont le marché d’actions est considéré comme sous-évalué. « Leur “price/earnings ratio”, qui calcule le bénéfice par rapport au prix, est bon actuellement », analyse Michel Chikhani, spécialiste de la gestion d’actifs chez BlomInvest.
Le marché immobilier se stabilise cette année. Quelques sociétés d’investissement immobilier ont vu le jour récemment, mais le gros des transactions reste des achats individuels à but résidentiel. « Il existe un déséquilibre, car l’offre n’est pas adaptée à la demande, le marché beyrouthin est trop cher pour les Libanais, même si ces derniers ont de plus en plus accès aux prêts bancaires », note Albert Letayf, associé gérant du courtier d’Optimum Invest. La généralisation des prêts devrait toutefois soutenir la demande, qui maintiendrait les prix hauts. L’immobilier de bureaux est lui freiné par les infrastructures de télécoms obsolètes.
Côté bourse, l’offre est toujours aussi réduite. « Les produits boursiers locaux ne sont pas très populaires auprès des investisseurs libanais, qui préfèrent investir dans les marchés étrangers et dans l’immobilier », remarque Michel Chikhani. Jean Riachi, président de FFA Private Bank, conseille d’étudier les actions bancaires au cas par cas. Selon lui, Solidere est sous-évalué, mais attention l’entreprise connaît des problèmes de licences et le secteur de l’immobilier en général commence à plafonner. « La réglementation de la Bourse de Beyrouth est obsolète et pas assez développée, l’assouplir permettrait la création d’un second marché qui permettrait d’investir dans des entreprises plus modestes, en développement. Cela attirerait des capitaux sur la place financière, permettrait de financer les entrepreneurs libanais et offrirait aux investisseurs des rendements élevés », suggère Albert Letayf. Aujourd’hui, il n’y a pas d’investissement à fort potentiel, ni à fort risque. Il conseille également aux investisseurs libanais de détenir au moins 25 % de leur portefeuille en euro, car la plupart des biens de consommation dans le pays sont acheminés d’Europe. Les prix de référence des importateurs sont donc en euro, et dès que le dollar faiblit, l’inflation augmente dans le pays.
Les dépôts à terme, grands favoris des épargnants
Le succès des dépôts à terme ne se dément pas d’année en année auprès des épargnants libanais. « C’est un placement sécurisé et rentable, la formule préférée des Libanais », remarque Dory Hage. Le taux est établi selon l’échéance définie au moment de l’ouverture du compte. La plupart sont à court terme (jusqu’à 36 mois), sécurisés et rémunérés au taux du marché. Les maturités varient entre sept et 18 mois, avec des taux compétitifs en livres libanaises et en dollars. L’autre raison est que, dans un contexte international de taux bas, les Libanais préfèrent investir dans un risque avec lequel ils sont familiers. « La baisse de la dollarisation que l’on observe depuis l’an dernier donne des taux intéressants », note Michel Chikhani.
Le livret d’épargne s’éteint progressivement
Le livret d’épargne se caractérise par la remise d’un livret au souscripteur. Contrairement au DAT, il est possible de continuer à y déposer de l’argent. Le taux d’intérêt dépend de la monnaie choisie et est légèrement inférieur à celui du dépôt à terme. C’est pour cette raison, mais aussi avec la baisse du montant minimum requis par les DAT, que le livret d’épargne disparaît progressivement.
Plans d’épargne et assurances-vie s’affirment
Le secteur de la bancassurance est en plein boom. « La clientèle cherche à améliorer ses rendements sur les placements », explique Dory Hage. Les produits sur les études et la retraite sont les plus demandés, avec de nouvelles offres chaque jour. Le marché de l’assurance-vie a atteint, en 2010, 357 millions de dollars et les primes d’assurances ont progressé de 13 % à 1,2 milliard de dollars. « Le client doit bien comprendre que ce sont des produits à moyen et long terme avant de s’engager, précise Dory Hage. Ils servent à diversifier les placements et à offrir une sécurité. »
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